Vendre de la viande bovine et des crédits carbone à Lidl
Depuis cinq ans, l’association de production animale de l’Est vend des limousines en contrat tripartite à l’enseigne Lidl pour des magasins situés dans le Grand Est. Depuis peu, elle lui vend également des crédits carbone au profit de 20 producteurs de ces mêmes femelles limousines.
Depuis cinq ans, l’association de production animale de l’Est vend des limousines en contrat tripartite à l’enseigne Lidl pour des magasins situés dans le Grand Est. Depuis peu, elle lui vend également des crédits carbone au profit de 20 producteurs de ces mêmes femelles limousines.
« Cela a plus de sens de se fournir en crédit carbone auprès de ses fournisseurs que d’aller les acheter à l’autre bout de la planète », résumait Michel Biero, directeur exécutif achat et marketing chez Lidl France lors d’une journée coorganisée avec l’association de production animale de l’Est (Apal) dans le bâtiment d’élevage du Gaec du Moutiers à Dommarie-Eulmont, en Meurthe-et-Moselle.
Une journée qui a permis d’officialiser le nouveau partenariat mis en place entre l’Apal et cette enseigne de grande distribution. Il a été présenté comme la suite logique du contrat tripartite initié voici cinq ans entre l’Apal, le groupe Elivia et Lidl pour approvisionner en femelles limousines 180 magasins de cette enseigne présents sur la région Grand Est (voir encadré).
« Chez Lidl, réduire l’empreinte carbone découlant de nos activités fait partie des préoccupations au quotidien de l’équipe Responsabilité sociale et environnementale (RSE), expliquait Michel Biero. Nous avons déjà pris différentes initiatives en interne, comme la mise en place de panneaux photovoltaïques sur les toits de nos magasins et de nos plateformes logistiques ou l’achat de camions électriques pour les véhicules circulant en région parisienne. En hiver, nous récupérons également la chaleur issue du circuit de réfrigération des chambres froides pour chauffer nos magasins. »
Fournisseur de viande et de crédit carbone
Autant d’initiatives bénéfiques mais qui pour autant sont loin de compenser l’intégralité des émissions de cette enseigne. Pour améliorer son bilan environnemental, le groupe Lidl achète donc des crédits carbones à des prestataires pour la plupart situés sous d’autres cieux. « On s’est dit pourquoi ne pas travailler avec certains de nos fournisseurs pour au moins une partie de ces crédits carbone », a poursuivi Michel Biero.
Et de présenter le partenariat mise en place avec l’Apal comme le bon exemple de ce qu’il était possible pour relocaliser ces achats de crédit carbone. Ce contrat concerne donc 20 fermes adhérant à cette OP. Elles produisent des femelles limousines déjà destinées aux linéaires de l’enseigne. L’évolution de leurs systèmes de production permet d’éviter l’émission de quelque 16 000 tonnes de carbone. Et dans la continuité de ce qui a été initié jusqu’à présent, le groupe Lidl s’est engagé à financer annuellement l’achat de 5 000 tonnes de carbone supplémentaire, lesquelles découleront elles aussi des évolutions des pratiques de ses adhérents. Les premières réflexions sur la mise en place de ces achats de crédits carbone ont mis un peu plus d’un an pour aboutir.
Validé par le ministère de l’Environnement
Pour apporter des garanties sur la véracité de ce qui se passe dans les fermes qui sont à l’origine de ces crédits carbone et certifier que c’est bien l’évolution de leurs pratiques qui permet de réduire le niveau de leurs émissions, ce travail est encadré par France carbone agri.
Cette association est l’interlocuteur des porteurs de projets des collectifs d’éleveurs. La méthodologie qui permet de certifier les crédits carbone a été mise en place par l’Institut de l’élevage avec le Cniel et Interbev puis a été validée par le ministère de l’Environnement. Le chiffrage des tonnes de carbone non émises se fait d’après les diagnostics CAP’2ER, (Calcul automatisé des performances environnementales en élevage de ruminants).
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Cet outil d’évaluation multicritère nécessite de renseigner quelque 150 données relatives à la productivité numérique du troupeau, aux quantités d’intrants, au descriptif des surfaces utilisées, à la fertilisation… L’objectif est de calculer l’empreinte globale et d’analyser comment il est possible de l’améliorer, soit en diminuant les émissions de gaz à effet de serre, soit en favorisant le stockage de carbone. France Carbon Agri certifie ensuite que toutes les mesures annoncées pour permettre de réduire les émissions ont bien été mises en place.
Achat pour 38 euros la tonne
Concrètement, les 16 000 tonnes de carbone non émises par ces 20 élevages ont été achetées par le groupe de Lidl au prix de 38 euros la tonne. Sur ces 38 euros, 30 vont dans la poche de l’éleveur, 5 reviennent à l’Apal et 3 à France carbone agri. « Pour moi, ce type de mesure est tout simplement du bon sens », soulignait Michel Biero qui n’a pas caché souhaiter étendre ce type de démarches avec d’autres fournisseurs.
Après avoir souligné que ces 20 fermes satisfont les besoins en viande bovine de 40 000 personnes, Stéphane Peultier, président de l’Apal a également rappelé que ce contrat permet de garantir le maintien de 2 217 hectares de prairies permanentes, lesquelles seront confortées par 34 hectares supplémentaires. Et de souligner que ces 20 élevages totalisent ensemble 27 kilomètres de haies avec l’engagement d’en planter 1,3 kilomètre supplémentaire.
« Le paysage dans lequel se situe le parcellaire du Gaec du Moutiers est magnifique. Jusque-là on avait l’impression que les éleveurs n’étaient jamais rémunérés pour son entretien. Là on a l’impression que c’est enfin pris en compte. C’est le cadre de vie de toute la population que nous allons contribuer à améliorer ! », ajoutait Stéphane Peultier qui ne cachait pas sa satisfaction d’avoir trouvé avec les responsables de Lidl des partenaires avec lesquels il était possible de discuter pour faire avancer les choses dans la bonne direction.
Un contrat « gagnant-gagnant-gagnant »
Un contrat tripartite entre l’Apal, Lidl et Elivia a été initié voici cinq ans. Il concerne des femelles limousines d’au moins 22 mois et moins de 10 ans de moins de 420 kg de carcasse. Depuis sa mise en place il a concerné quelque 9 500 vaches et génisses rémunérées à des tarifs en phase avec leurs coûts de production. Autant d’animaux dont la viande a été vendue dans 180 supermarchés de 10 départements de la région Grand Est. « En mettant quelques centimes en plus sur certaines filières, on mesure l’impact que cela peut avoir pour les producteurs, soulignait Michel Biero. Pour nous, c’est un contrat tripartite 'gagnant-gagnant-gagnant'. Je ne comprends pas pourquoi on n’est pas plus nombreux à bouger en ce sens, surtout quand on analyse l’évolution numérique du cheptel français. »
Davantage de prairies et conforter la productivité numérique
Les vingt élevages qui ont fait évoluer leur système de production pour aller dans le sens d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre ont opté pour des évolutions souvent similaires.
Ces évolutions portent le plus souvent sur le maintien de la part des prairies permanentes et souvent sur une légère extension de ces surfaces, associée à davantage de légumineuses. Cela passe également par le maintien des haies et souvent la décision d’en planter quelques mètres supplémentaires. Côté cheptel, les évolutions vont dans le sens d’une réduction des UGB improductives en améliorant la productivité numérique (IVV, âge au premier vêlage, diagnostic précoce de gestation…) et en optant pour des souches plus précoces susceptibles d’être finies plus rapidement avec une alimentation le plus possible basée sur ce qui est produit sur place. Côté techniques culturales, réduire les émissions de GES passe par des itinéraires techniques simplifiés et davantage de semis direct. Le choix de conforter la part des toitures occupées par des panneaux photovoltaïques a également été cité.
Au Gaec du Moutiers, l’élevage sur lequel était organisée cette journée, Audrey et Gilles Deprugney, les deux associés, conduisent un troupeau de 110 limousines naisseur-engraisseur sur 200 hectares. L’oncle et sa nièce valorisent ainsi 135 hectares d’herbe (dont 120 de prairie permanente et 15 de temporaire). Leurs 55 hectares de céréales (blé et orge) leur permettent d’être pratiquement autonomes pour la finition. Pour améliorer le bilan carbone, il a été décidé d’allonger la période de pâturage. Elle va dans le sens d’une réduction des besoins en paille, donc de la quantité de carburant nécessaire pour gérer la litière puis épandre le fumier. Pour le cheptel, la date du début des vêlages a été avancée et l’objectif affiché est de réduire les IVV pour limiter la période de vie improductive.