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Valoriser au maximum le pâturage

L’EARL et bientôt le Gaec Gayout en Dordogne a mis au centre de son système, qui se veut simple, la valorisation de l’herbe par le pâturage et un retour à la rusticité de la race Limousine.

« Mon système est simple et économe. J’essaie de faire coïncider au mieux les besoins physiologiques des animaux avec la pousse de l’herbe. » Éleveur à Firbeix, dans le nord de la Dordogne, Rémi Gayout se plaît à donner du sens à ce qu’il fait. Jusqu’à présent, il élevait 80 Limousines sur une surface de 120 hectares. Son épouse, Annick, est en train de s’installer en reprenant la ferme d’un proche voisin (80 ha, deux bâtiments et la moitié du cheptel : 30 vaches). Une succession qui a été anticipée et préparée depuis plusieurs années. Ils exploiteront 200 hectares et prévoient de monter le cheptel à 120 vaches. « Dans la région, nous avons la chance d’avoir accès à du foncier pas trop cher (130 €/ha de fermage) ». Nous l’avions rencontré il y a tout juste dix ans alors qu’il venait de monter une stabulation sous forme de serre de type horticole (tri-chapelles), dont il est toujours satisfait. Ils vont rajouter deux chapelles pour loger les 40 vaches supplémentaires.

Des prairies de ray-grass hybride et trèfle violet sursemées deux fois

La surface en herbe (100 ha) comprend une petite moitié de prairies temporaires (46 ha) à base de trèfle violet et ray-grass hybride, qui durent 7 à 8 ans ! Au départ, l’éleveur implante quatre variétés de RGH en mixant tétraploïdes et diploïdes, alternatifs et non alternatifs, pour avoir l’éventail le plus large de la gamme, et trois de trèfle violet. Au cours de leur vie, les prairies sont sursemées deux fois en général avec des variétés de RGH et trèfle violet peu chères, à demi-dose (15 kg/ha). L’éleveur est équipé d’un semoir spécialisé (Vredo avec écartements des rangs de 7 cm) en copropriété avec un voisin. « Le sursemis reste assez aléatoire. Pour que ça marche, il faut utiliser des variétés précoces et agressives et le faire à un moment où la végétation en place est stressée, soit par la sécheresse soit par un surpâturage, pour qu’elle ne concurrence pas le jeune semis, préconise l’éleveur. C’est une course de vitesse. » Quand les adventices deviennent trop envahissantes ou que le sursemis n’a pas marché, il laboure la parcelle pour faire deux années de triticale. Jusqu’à présent, il cultivait 14 hectares de triticale. À l’avenir, avec l’agrandissement, il prévoit de doubler la surface et de faire un essai de miscanthus (3 ha), pour être autonome en paille.

Vêlages calés sur 60 à 70 jours

Les vêlages sont calés sur 60 jours, du 1er février au 20 mars, avec une tolérance jusqu’au 10 avril. L’objectif est d’avoir le moins de bêtes possible à nourrir en hiver et de limiter les besoins en fourrages stockés. En début d’hiver, il n’y a donc que des vaches gestantes dans la stabulation. Les génisses de première et deuxième années passent l’hiver dehors. Elles disposent de bordures de bois pour s’abriter. À l’avenir, elles seront logées dans la stabulation des vaches du cédant. Ce qui devrait améliorer la reproduction entre le premier et le deuxième vêlage où elles ont tendance à se décaler. L’éleveur réforme un quart des vaches tous les ans. Jusqu’à présent, il ne les engraisse pas faute de bâtiment. Elles partent avant la rentrée, après les échographies. Il prévoit de les finir quand le futur Gaec aura repris les bâtiments du voisin.

Hormis deux ou trois veaux mâles destinés à la reproduction, la plupart sont vendus en broutards au sevrage au cours de la première semaine d’octobre (autour de 300 - 320 kg). Ils sont complémentés à partir de juillet avec un aliment fermier (60 % céréales, 40 % correcteur azoté à 26 % de MAT). Ils consomment autour de 460 kg d’aliment par tête. L’éleveur ensemence l’aliment avec de la levure de bière, rajoute un complément minéral (2 %) et du chlorure de magnésium. Il met aussi de l’argile quand les veaux sont sur les repousses de fin d’été souvent à l’origine de diarrhées et de l’extrait d’ail quand il y a des mouches. « Ça marche très bien », assure-t-il. Globalement, il met beaucoup l’accent sur la prévention : minéraux (plus de 2 000 €/an), traitements antiparasitaires classiques sur les primipares et phytothérapie sur les multipares…

« Des bêtes autonomes et faciles d’entretien »

Les femelles sont toutes élevées pour la reproduction, hormis celles qui ne se laissent pas conduire à la corde. Jusqu’à présent, l’éleveur en conservait vingt pour le renouvellement Les génisses en excédent étaient vendues pleines (via KBS génétic principalement). Depuis deux ans, toutes se destinent à vêler pour assurer le croît du cheptel. Mais, développer les ventes à la reproduction, en mâles comme en femelles, reste l’objectif du couple. Avec un « positionnement marketing » propre. « Pour se démarquer sur le marché du reproducteur, il faut créer une valeur ajoutée. Génétiquement, nous ne pouvons pas lutter dans les concours. Nous proposons des bêtes avec certaines aptitudes que, peut-être, nos collègues ont négligées dans la sélection. Nous destinons nos génisses aux marchés d’export, notamment l’Europe de l’est, qui veulent des bêtes autonomes, faciles d’entretien, qui vêlent toutes seules…. Nous travaillons en priorité sur la rusticité de la race et la fertilité. Sur la voie femelle, nous n’attachons pas d’importance aux index. » Toutes les vaches qui passent le délai pour vêler (10 avril) ou sur lesquelles il faut intervenir (vêlage difficile, veaux qu’il faut assister à la première tétée, boiterie, mammite…) sont systématiquement réformées.

Taureaux sans cornes sur les génisses

En revanche, les taureaux sont soigneusement sélectionnés sur leur valeur génétique. Tout le troupeau est conduit en monte naturelle. « Je suis très difficile pour le choix des taureaux. Je les achète à 10-12 mois. Il ne faut pas avoir peur de miser 3 000 à 5 000 euros pour un reproducteur. J’achète des index, des origines avec des ascendances qui ont fait leurs preuves, de la conformation… » L’élevage dispose actuellement de six taureaux, pour trois lots de vaches. Annick et Rémi Gayout préfèrent en avoir un ou deux d’avance pour pallier la déficience de l’un d’entre eux ou séparer des lots. Ils utilisent aussi, sur les génisses, des taureaux porteurs du gène sans cornes. Ils apprécient la plus grande facilité de vêlage (veaux plus petits à la naissance), mais surtout le fait qu’ils soient plus vigoureux. « Nous perdons 15 à 20 kilos au sevrage, mais la vitalité des veaux à la naissance, leur faculté à être debout au plus tôt pour aller téter, ça vaut tout l’or du monde. C’est un confort de travail énorme. »

« Je suis très à cheval sur la biosécurité »

Pour développer la reproduction, l’élevage mise aussi sur un statut sanitaire irréprochable. Le troupeau du cédant fait l’objet d’un assainissement depuis quatre ans pour avoir le même niveau sanitaire (BVD, IBR, Paratub). « Je suis très à cheval sur les mesures de biosécurité », affirme l’administrateur du GDS, dont le département est touché par la tuberculose depuis quinze ans. Pas de contact fil à fil entre troupeaux (3 mètres entre les clôtures) des voisins ou pâturage alterné avec tenue d’un registre, auges inaccessibles à la faune sauvage, abreuvement sécurisé… « En mettant en place ces mesures pour la tuberculose, on gagne aussi sur les autres maladies. » Quant à la tuberculose elle-même, en Dordogne, « ça va vraiment mieux, assure-t-il. Nous sommes plus rigoureux dans la conduite de la prophylaxie même si c’est très compliqué à mettre en œuvre. »

Chiffres clés

120 ha de SAU dont 14 de triticale, 6 de surfaces diverses (pépinière et verger de châtaigniers exploités par son père…), 100 de surface en herbe dont 46 de prairies temporaires (42 ha de 1e coupe en enrubannage, 28 ha de 2e coupe en foin), 54 ha de praires permanentes. À partir de 2020, 200 ha de SAU

80 Limousines et 20 génisses de renouvellement (120 vaches à l’avenir)

1 UGB/ha

2 UMO

 

 

 

Les éleveurs attachent beaucoup d’importance à la docilité des animaux. Ils font notamment une imprégnation des veaux à la naissance.

Travailler la docilité des futures reproductrices

La docilité des animaux est un argument important pour la vente de reproducteurs. « Il y a trois étapes clés où il faut être présent : la naissance, le sevrage et la première mise bas », expliquent Annick et Rémi Gayout. Cela commence par la prise de température des 80 vaches tous les soirs pendant la période de vêlage, pour repérer celles qui se préparent à vêler et, dans les jours suivants, pour déceler les éventuelles remontées de température (métrite, mammite…). « Ça nous demande 20 minutes tous les soirs. Nous prenons la température près de la queue avec un thermomètre frontal. » Le vêlage est surveillé à la caméra. Dès que le veau est né, les éleveurs viennent immédiatement à la stabulation, même en pleine nuit. Dans un premier temps, le nouveau-né est séparé de sa mère dans une case voisine pour faire une imprégnation et lui donner les soins : désinfection du nombril, friction avec de la paille et du gros sel, administration d’anticorps (Locatim), bouclage, pesée. « Le veau doit sentir en premier l’odeur humaine », explique Rémi Gayout. Ensuite, il est rendu à sa mère. Un protocole réalisé au moins sur les femelles et les mâles les plus prometteurs. « Au sevrage, nous appliquons en partie la méthode Souvignet », expliquent-ils. Un apprentissage qui dure un mois. Enfin, à la première mise bas, une attention particulière est accordée à la vache.

Avis d’experte - Élodie Peyrat, conseillère bovin viande, chambre d’agriculture de la Dordogne

« Un système raisonné et des éleveurs raisonnables »

« Annick et Rémi Gayout aspirent à un système économe qui met l’animal et la ressource fourragère au centre de leurs réflexions. Les vêlages sont calés sur la pousse de l’herbe : les vaches en lactation, à fort besoin, profitent de l’herbe riche du printemps. L’IVV du troupeau est maîtrisé (380 jours) grâce à une gestion de la reproduction rigoureuse, une stratégie de réforme stricte et des vêlages groupés sur 70 jours. Un taux de renouvellement élevé (25 %) permet de valoriser plus rapidement l’investissement fait sur la génétique. Annick et Rémi Gayout sont des éleveurs, tout le système est pensé dans le but d’avoir du temps pour s’occuper de leurs animaux. Les Limousines sont sélectionnées sur les critères qui font la réputation de cette race : la facilité de vêlage et la rusticité. Avec l’agrandissement de la structure, il faudra envisager d’augmenter les produits sur l’exploitation, sans doute au travers de l’engraissement des vaches de réformes. Une réflexion doit être menée pour à la fois rester dans la logique de valorisation de l’herbe mais aussi produire l’alimentation nécessaire à la finition des femelles. »

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