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Un troupeau Aubrac efficace avec de l’herbe et du foin

Au Gaec d’Aulos dans l’Aveyron, avoir une exploitation 100 % herbagère où le foin assure la quasi-totalité du stock fourrager n’empêche pas le troupeau d’avoir des performances de reproduction de haut niveau. L’obtention des Sabots d’or 2021 le confirme.

« Il y a toujours eu des aubracs sur la ferme familiale » précisent Jacki et Patrice Thérond. Les deux frères sont en Gaec à Aulos, hameau situé à 1 100 mètres d’altitude à quelques kilomètres du bourg d’Aubrac sur le versant ouest du plateau éponyme. À l’image des multiples photos et souvenirs de concours qui tapissent les murs du bureau du Gaec, la race locale est ici manifestement tout autant un gagne-pain qu’une véritable passion.

Principalement issu de souches familiales, le cheptel totalise 130 vêlages par an. Il est inscrit à l’Union aubrac (livre généalogique) depuis 1983 et l’adhésion au contrôle de performances a eu lieu simultanément. La conduite d’élevage est des plus classique pour cette zone géographique avec des vêlages centrés sur le début d’hiver associés à des résultats techniques de haut niveau en particulier pour la régularité des performances de reproduction lesquelles ont, entre autres, permis à cet élevage de se classer l’an dernier à la première place du challenge des Sabots d’or.

Malgré un taux de renouvellement modeste (14,2 % en 2020-2021 et entre 11 et 17 % sur les cinq dernières campagnes), l’IVV était en moyenne de 366 jours l’an dernier avec un taux de mortalité naissance sevrage de 6,7 % (mais plus proche de 5 % les années précédentes). Le tout avec une alimentation uniquement basée sur l’herbe pâturée à la belle saison puis du foin modestement complémenté en hiver.

Génisses à l’attache sur le béton et les grilles

À côté d’une vaste stabulation associant aire raclée et paillée de 108 places pour l’essentiel des vaches suitées (deux cases de 30 places et deux de 24), la plupart des génisses sont hivernées dans d’anciennes étables entravées sur béton et grilles. La solidité des aplombs est donc mise à l’épreuve dès le premier hiver ! « On rentre les femelles pleines le plus tard possible. Parfois début décembre à moins que la neige ne s’invite plus tôt dans le calendrier. Les évolutions du climat font que les dates de rentrée tendent à être plus tardives, mais les épisodes de gel ou neige tardifs demeurent courants au printemps », précise Jacki Thérond. Ce n’est que début mai que les lots de femelles suitées sont définitivement mis à l’herbe.

Les quinze à vingt génisses de renouvellement sont triées selon leurs origines et leur morphologie en retenant des animaux robustes et avec le souci de diversifier le nombre de lignées. « On préfère garder plus longtemps nos meilleures vaches qui vêlent chaque année à la même période avec une régularité d’horloge plutôt que d’opter pour un taux de renouvellement important. On accorde une grande importance aux aptitudes laitières, mais plus que le pic de lactation dans les semaines qui suivent de vêlage on cherche d’abord une bonne persistance de cette lactation », souligne Patrice Théron. Le tri intègre les appréciations d’Hélène Alexandre, leur technicienne qui suit l’élevage depuis neuf ans. « Je leur suggère une liste avec mes commentaires. Mais pour la connaissance des différentes souches et le choix de telle ou telle lignée j’apprends beaucoup en discutant avec eux », souligne la technicienne qui cherche d’abord à leur apporter différents conseils techniques sur la conduite du cheptel en les reliant toujours au volet économique.

« L’important c’est aussi le coup d’œil extérieur et le fait de nous informer sur ce qui a pu améliorer les performances dans d’autres élevages. Hélène nous a par exemple incités à mettre en place deux bacs à niveau constant dans chaque case de la stabulation à la place des bols avec pipettes. Cela permet aux vaches de boire plus rapidement quand elles quittent les cornadis en limitant les affrontements. » L’eau bue est également moins froide que si elle sortait directement du tuyau.

Pic de vêlages en janvier

La quasi-totalité du cheptel est en monte naturelle avec quelques IA pour connecter le troupeau. « On est encore plus pointilleux pour le choix des taureaux que celui des génisses. Ces derniers sont achetés à tout âge selon les opportunités en accordant une grande importance à leur ascendance et leur caractère. Quand on les achète jeunes, on les essaie sur un nombre limité de femelles avant de les utiliser sur des lots plus conséquents. » Les taureaux sont mis dans les cases des vaches suitées le 20 mars pour avoir un pic de vêlage en janvier. En revanche et contrairement à la plupart des élevages, le lot de génisses est mis à la reproduction le 15 avril. Les primipares vêlent donc pour la plupart entre mi-février et mi-mars.

 

Comparativement aux multipares, cela réduit d’un mois la durée de leur première lactation et en particulier la période au cours de laquelle elles nourrissent leur veau dans les bâtiments. « L’IVV entre le premier et le second vêlage était de 354 jours sur la dernière campagne et de 357 jours la précédente », précise Hélène Alexandre. Au bout de deux ou trois campagnes la plupart des jeunes vaches s’avancent et ont des dates de vêlage similaires à celles multipares. Une fois à l’herbe, trois principaux lots de vaches suitées sont constitués. Un lot de trente mères suitées des mâles les plus âgés reste sur les pâtures proches des bâtiments. Complémentés à partir de début juillet, ils sont vendus en deux lots autour de 400 kg à la coopérative Célia au moment du sevrage.

Repousse des mâles tardifs en bâtiment

Un lot de 40 vaches suitées des femelles les plus âgées est en estive jusqu’au début de l’automne. Le troisième lot concerne les vaches suitées des veaux et velles les plus tardifs. Ces derniers lots ne sont pas complémentés à l’herbe et les mâles sont repoussés en bâtiments après sevrage avec du foin et de l’aliment du commerce pour une vente en cours d’hiver autour de 450 kg. « Il y a une quinzaine d’années, on vendait tous nos mâles en taurillons d’herbe semis-fins. On a raccourci les cycles de production puis totalement cessé ces taurillons d’herbe il y a deux ans. » À côté des contraintes sur l’âge et le poids, les sécheresses à répétition et les invasions récurrentes de rats taupiers ont été les moteurs de cette décision. C’est un peu pour les mêmes raisons que les frères Théron ne vendent plus de génisses pleines.

Une dizaine de mâles sont vendus pour la reproduction et un à deux sont proposés pour les faire évaluer à la station. Quant à la quinzaine de femelles de réforme, les plus jeunes (moins de 10 ans) sont pour la plupart valorisées dans le cadre du label rouge Bœuf fermier aubrac. Les vaches plus âgées sont elles aussi toutes finies. Les poids de carcasses sont pour la plupart compris entre 380 et 420 kg. « On achète la totalité de l’aliment (20 t/an) et de la paille (120 t/an). C’est un point faible de notre élevage. » À côté des cailloux, le parcellaire est à des altitudes vraiment limite pour cultiver des céréales. « Depuis trois ans on déchiquette 80 m3 de bois plaquette que l’on fait sécher pendant l’été sous la stabulation avant de les étaler en une sous-couche juste avant de rentrer les animaux. Cela réduit un peu nos besoins en paille. »

Lire aussi : Sommet de l’élevage : Bonne ambiance pour le concours national aubrac

Herbe en été, foin en hiver

La plupart des vaches suitées sont en stabulation libre tandis que les génisses sont à l’attache avec du foin d’altitude comme ration de base.

Avec des bâtiments à 1 100 mètres d’altitude et des estives situées un peu plus haut, l’exploitation est 100 % herbagère. « Le foin est à nos yeux ce qu’il y a de plus économique et de plus facile à distribuer. On fauche 70 hectares chaque année. Issu de prairie d’altitude et le plus souvent récolté début juillet dans de bonnes conditions, il est globalement de bonne qualité avec des valeurs alimentaires assez stables d’une année sur l’autre." L’enrubannage est utilisé uniquement si la pluie menace.

La ration quotidienne des vaches suitées se compose de foin rationné à 11 kg/tête et un kilo d’aliment à 17 % dont la distribution démarre après le vêlage. Toutes les vaches ont en plus de la paille d’orge qu’elles consomment à raison d’une moyenne de 2 kg/tête/jour. « C’est davantage pour saturer leur capacité d’ingestion. Elles sont ainsi beaucoup plus calmes. C’est important pour des vaches en stabulation libre non écornées. » Pour les génisses de l’année, la ration associe du foin à 500 g/tête d’aliment. Les génisses de 2 ans ont uniquement du foin. Une grande importance est accordée à la minéralisation avec une première cure juste après la rentrée à l’étable avec un aliment en semoulette enrichie en sélénium. Les minéraux sont par la suite incorporés dans l’aliment distribué à raison d’un kilo/tête/jour.

Retour du croisement

La plupart des génisses non conservées pour le renouvellement sont vendues pour l’élevage entre le sevrage et 2 ans. Jusqu’à l’an dernier, tout le troupeau était conduit en race pure. Un choix motivé par le bon niveau de la demande en génisses de renouvellement commercialisées en direct ou via le GIE aubrac. Depuis l’an dernier, un taureau charolais est utilisé sur une bonne vingtaine de vaches en retenant pour ce lot les femelles les moins intéressantes pour une conduite en race pure. « Il y a moins de demande pour les génisses aubracs. On ne les vend pas quand on veut mais quand on a un client alors que les génisses croisées se vendent sans grande difficulté », analyse Patrice Théron. Ce recours au croisement est analysé comme un outil supplémentaire pour affiner la sélection. « Comme cela, on n’est pas tenté de garder ou vendre pour l’élevage des génisses issues de nos moins bonnes vaches. »

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