Un élevage aubrac entre de bonnes mains
Dans le nord Aveyron, Maxime Pègues a repris un élevage reconnu de l’Aubrac avec la volonté de le faire progresser à la fois sur la génétique et la conduite, tout en raccourcissant le cycle de production. L’EARL Alazard-Pègues, est entre de bonnes mains.
Dans le nord Aveyron, Maxime Pègues a repris un élevage reconnu de l’Aubrac avec la volonté de le faire progresser à la fois sur la génétique et la conduite, tout en raccourcissant le cycle de production. L’EARL Alazard-Pègues, est entre de bonnes mains.
« Maxime ne fait rien sans essayer et avoir un point de comparaison pour juger de l’intérêt d’une nouvelle pratique. Les choses ne sont jamais faites à l’aveugle », confie Hélène Alexandre, conseillère bovins croissance à la chambre d’agriculture de l’Aveyron. Maxime Pègues, élève 85 vaches aubracs, à Montpeyroux.
Passionné autant par la génétique que par les techniques d’élevage, il est sans cesse en recherche de progrès. Son installation, il y a quatre ans, n’est pas classique. Fils d’éleveurs, il a repris une ferme en association avec le propriétaire. Ils ont constitué une EARL dans laquelle il est associé exploitant gérant et possède des parts majoritaires. Le propriétaire, Philippe Alazard, médecin radiologue, est associé exploitant (voir ci-contre). « Il n’intervient pas mais il peut garder la main sur le fonctionnement si quelque chose venait à mal se passer », précise le jeune éleveur.
L’exploitation est constituée de deux sites distants de 80 kilomètres. Le domaine principal, situé sur le plateau de l’Aubrac (950 m), propriété de la famille Alazard, comprend 82 hectares de prairies permanentes, dont 50 de fauche et 32 de pâture exclusive. L’autre partie (42 ha de pâtures) est louée par l’EARL à un tiers dans un autre secteur de l’Aveyron, le Ségala, de plus basse altitude.
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« Ce sont de bonnes pâtures, précoces au printemps, séchantes en été et tardives en automne. Elles permettent de gagner un mois et demi au printemps par rapport à des estives classiques et elles ont un potentiel supérieur », apprécie Maxime Pègues. Ces terres sont fertilisées avec du lisier de porc épandu par un voisin et de la chaux (700 kg/ha de carbonate tous les trois ans sur toute l’exploitation).
« Nous pointons la qualité des sabots »
Le troupeau, inscrit, est conduit en race pure et suivi en VA4 depuis trois ans afin d’en « savoir le plus possible sur les animaux et orienter le tri pour la reproduction ». Celle-ci est assurée par cinq taureaux. « J’essaye de corréler le phénotype, les index et l’origine », explique l’éleveur très exigeant sur les critères recherchés : aptitudes laitières, aplombs (les vaches sont logées en étable entravée), une belle mamelle, qualités de race (nez court, front large, vaches bien cornées), caractère, bêtes bien « soudées » pour qu’elles vieillissent bien, des taureaux avec de la profondeur…
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Pour les aplombs, il accorde une attention particulière aux sabots. « Un sabot sain, rustique, capable de porter les animaux, doit être très court, avec un angle le plus ouvert possible et une hauteur de talon épaisse, précise Hélène Alexandre. Depuis cinq ans, en station d’évaluation, nous pointons la qualité des sabots. Une action innovante va être menée pour valoriser ces données en vue d’une future indexation. »
Les « têtes de lot » en vêlage à 2 ans
Les vêlages sont regroupés sur janvier et février (85 %), une conduite classique en race aubrac. « Les taureaux rentrent dans le troupeau à la mise à l’herbe, début avril, et je les retire au mois d’août. Mais, je tends à être un peu plus sévère et à avancer cette date. Les vaches qui ne sont pas pleines en août sont réformées. » Une moitié continue leur carrière chez d’autres éleveurs et celles qui n’ont plus cette aptitude sont engraissées. Souvent, elles sont remises en état à l’herbe avec leur veau. Certaines peuvent partir ainsi. Les autres sont finies à l’herbe ou au foin et de l’aliment (16 % MAT) à raison de 6 kg en moyenne (de 3 à 8 kg) sur 120 jours. Des choix de sélection (fertilité) et de conduite (réforme) qui portent leur fruit. L’intervalle vêlage vêlage (IVV) s’est nettement amélioré cette année (355 jours) et la productivité numérique atteint 100 %.
La voie femelle est entièrement destinée à la reproduction : renouvellement du troupeau (23 %) - important pour la race - et vente de génisses à partir de 18 mois, âge auquel est fait le tri. Mais, le jeune éleveur oriente les « têtes de lot » vers un vêlage à deux ans (5 sur 18 cette année). « Je décale leur vêlage en fin de campagne (mars) pour que leurs veaux profitent de la pousse de l’herbe. Elles reprennent assez vite au printemps et je fais le sevrage en même temps que les autres, en octobre. Ça les soulage un peu et elles mettent bas dès janvier février l’année suivante. Cela me permet d’avoir quelques veaux de plus sans avoir davantage de vaches à l’étable. » Il espère monter à sept huit vêlages à 2 ans par campagne.
De moins en moins de taurillons d’herbe
Pour la voie mâle, les choses sont en train d’évoluer. Les mâles ont longtemps été destinés à une production de taurillons d’herbe de 18 mois localement appelés "bourrets d’herbe". Mais le marché n’y est plus. Le changement climatique exige aussi de réserver les pâtures au cheptel de souche. Quelques mâles sont destinés à la reproduction (4-5 par an). Les autres sont désormais commercialisés en trois vagues. Un premier lot au sevrage (350 kg), un second dans l’hiver après repousse (450 kg), un troisième (les plus tardifs) après passage à l’herbe en juillet (480 kg). Pour les deux premiers lots, le tri est effectué à la mise à l’herbe selon leur potentiel à devenir des reproducteurs. « Je vends au sevrage seulement les veaux que je considère sans intérêt pour la reproduction. Pour les autres, je préfère attendre afin de mieux voir leur potentiel », précise Maxime Pègues Ils sont triés en fonction de leur poids (PAT) et de leur morphologie, des index connus (vache, taureau) et de l’IVV carrière des vaches.
« Aptitudes laitières et valorisation de l’herbe »
Seul le premier lot a droit au nourrisseur à la pâture. Le but est qu’ils y aillent « le moins possible donc qu’ils aient de l’herbe au bon stade toujours à disposition ». En hiver, les deux lots qui repassent en stabulation sont au foin avec un complément de tourteau de colza et d’aliment complet (16 % MAT) : 2 kg de chaque pour ceux qui sont repoussés ; 1,5 kg de tourteau et 1 kg d’aliment pour ceux qui reviendront à l’herbe. Cette année, ces derniers sont encore les plus nombreux, mais le but est à terme de diviser les ventes en trois tiers. Pour cela, l’éleveur compte « ajuster la conduite pour gagner le même poids en diminuant le nombre de jour de présence, ce qui passe par les aptitudes laitières et la valorisation de l’herbe ».
Sur le plan sanitaire, Maxime Pègues fait pas mal de préventif (vaccination des veaux contre la grippe, des vaches contre les diarrhées néonatales et la BVD) mais pas de traitements systématiques contre le parasitisme. Il se fie aux coprologies, effectuées deux fois par an (juin, hiver). Il utilise les médecines alternatives (homéopathie, huiles essentielles). Il dresse tous les animaux destinés à l’élevage. Il a suivi la formation en éthologie de Pauline Garcia et pratique la méthode Souvignet. « Je combine les deux méthodes. Cela prend du temps mais il n’est pas perdu. Nous vivons pendant 15 ans avec certaines vaches. On en retire un confort de travail au quotidien, lors de la présentation en concours…. » Le souci ? La conseillère a parfois du mal à prendre le recul nécessaire pour faire le pointage, tant les animaux sont affectueux !
Partage des revenus et intéressement
Les terres du site principal et les bâtiments, propriété de la famille Alazard, sont insérés dans un GFA familial qui les loue à l’EARL. « Quand je me suis installé, j’ai eu seulement à racheter les parts de mon prédécesseur et rembourser le compte associé. » Maxime Pègues se verse l’équivalent d’un Smic et le revenu restant est partagé entre les deux associés selon leur part de capital. La valeur des parts sociales est revue à la hausse tous les ans selon les résultats. Une forme d’intéressement.
Un pâturage très organisé
La mise à l’herbe démarre début mars sur le site plus précoce (Ségala) avec toutes les génisses de 14 mois, celles qui vêlent à 2 ans et quelques vaches suitées à réformer. Ce troupeau « dépointe » toute la surface (42 ha). Ensuite, il est conduit en pâturage tournant sur 10 hectares (4 parcelles). Il reviendra sur le site de l’Aubrac après les foins et la vente des taurillons d’herbe. Entre-temps, d’autres animaux ont rejoint le site du Ségala. Fin mars, 18 doublonnes, 14 primipares et un taureau se voient affecter 16 hectares (5 parcelles). Puis, début avril, 27 vaches accompagnées des femelles et un taureau sur les 16 hectares restants (4 parcelles). Tous les troupeaux changent de paddock une fois par semaine. Les doublonnes remontent fin septembre et les vaches taries restent jusqu’à début décembre « Cette année, j’ai pu soustraire deux hectares pour faire du foin qui me sert à passer la période sèche. Avant, je l’achetais sur place. » Sur le site de l’Aubrac, il ne reste que trois lots d’animaux, qui commencent à déprimer un tiers de la surface, jamais la même « pour améliorer la diversité de la flore et la qualité du foin ». Ils se répartissent ensuite de la manière suivante : 20 vaches sur 15 hectares (5 parcelles), 12 sur 9 hectares (6 parcelles) suitées de veaux qui seront vendus à l’automne et 24 taurillons sur 8 hectares (6 parcelles). Ces lots tournent tous les quatre jours. « Tous les ans, j’ajuste le découpage. J’ai déjà pu réduire la surface de pâturage et augmenter la fauche. »
Chiffres clés
124 ha de pairies permanentes
85 vaches aubracs
1,2 UGB/ha
1,5 UMO (dont un apprenti)
« Exprimer encore un peu plus de potentiel »
« Maxime manifeste toujours la volonté de comprendre ce qu’il fait. Pour avancer, il prend un point zéro et mesure l’impact, positif ou pas, des innovations qu’il met en place. Cela passe par beaucoup d’états des lieux : analyses de fourrages et de sol, coprologie… Cela nous permet d’apporter le conseil au plus juste et au plus près de ses attentes. Nous travaillons sur beaucoup de sujets en essayant de les relier : alimentation, génétique, gestion du sol… Il participe à de nombreuses formations et journées techniques, contribuant ainsi aux échanges entre éleveurs. Au niveau économique, la marge de manœuvre n’est pas évidente. L’exploitation est performante, les charges sont très maîtrisées. Elle va se situer sur l’expression d’un peu plus de potentiel en gagnant du poids ou de la précocité sur les mâles. Cela passe par des choix génétiques de taureaux, le choix des génisses de renouvellement, du tri pour répartir les lots… On peut encore affiner la valorisation de l’herbe, en allant vers du pâturage dynamique, et la capacité du sol à produire, en faisant du sursemis pour booster les prairies. »