Un bélier hydraulique pour remplir les abreuvoirs
Pour approvisionner en eau plusieurs parcelles, Pascal Gouze et Hervé Chambragne ont opté pour un bélier hydraulique. Un investissement de 6 000 euros avec les frais annexes.
Pour approvisionner en eau plusieurs parcelles, Pascal Gouze et Hervé Chambragne ont opté pour un bélier hydraulique. Un investissement de 6 000 euros avec les frais annexes.
Sur le plateau de Millevaches, aux confins de la Creuse et de la Corrèze, le relief vallonné associé au sous-sol granitique se traduit par la présence de nombreuses sources, lesquelles gagnent à être captées pour approvisionner les abreuvoirs. Mais toutes les prairies ne sont pas dans les creux du relief. Celles sur les pentes et les hauteurs doivent également être approvisionnées en eau, laquelle doit parfois être remontée de plusieurs dizaines de mètres. L’option pompe ou l’option tonne à eau sont les deux stratégies habituelles. Depuis 10 ans, Pascal Gouze et Hervé Chambragne, éleveurs sur la commune de Feniers, dans le sud Creusois, ont choisi une autre solution. Beaux-frères dans la vie et voisins de parcelles sur leurs exploitations, ils ont mis en place un réseau d’eau commun. Il approvisionne des bacs à niveau constant à partir d’une citerne située sur le haut d’une colline. Pour remplir cette même citerne, ils utilisent un bélier hydraulique positionné en aval d’une source captée dans le creux d’un vallon. « Ce dispositif mécanique et hydraulique permet de pomper l’eau à une certaine hauteur en utilisant l’énergie d’une chute d’eau de hauteur plus faible. L’énergie utilisée provient donc de l’eau elle-même, et non d’une source d’électricité ou bien d’un moteur. Le bélier permet ainsi d’être autonome en énergie pour l’abreuvement et d’économiser du temps de travail », expliquait Camille Rasse, animatrice de l’Adapa (Association pour le développement d’une agriculture plus autonome) à l’occasion d’une journée destinée à faire connaître les possibilités offertes par un bélier hydraulique.
Des recherches sur internet
« Notre beau-père en utilisait un il y a une quarantaine d’années. C’est ce qui nous a mis la puce à l’oreille, explique Hervé Chambragne. En été, il y a mieux à faire que passer une partie de ses journées à déplacer des tonnes à eau. Notre idée était d’utiliser ce système à terme peu coûteux en temps de travail et en gasoil. On a fait des recherches sur internet sur les béliers hydrauliques. À l’époque, on s’est aperçu qu’il existait en France un seul fabricant. Il les vendait autour de 3 000 euros pièce. Suite à différentes discussions, on s’est dit que c’était faisable par nous-mêmes avec le coup de main d’un ferronnier voisin. »
Positionnement mûrement réfléchi
Après avoir mûrement réfléchi le positionnement du bélier, des différentes canalisations et de la citerne (distances, pentes, dénivelés…), les deux beaux-frères se sont lancés. Avant de creuser les tranchées puis enterrer les canalisations, ils ont attendu d’avoir une installation qui fonctionne parfaitement. Ils ont ensuite mis en place le réseau de tuyaux qui, depuis la citerne de stockage située sur le haut de la colline, dessert les bacs à niveau constant situés en contrebas.
Concrètement, la citerne métallique a une capacité de 3 000 litres. Côté fournitures, l’installation a nécessité 2,5 kilomètres de tuyaux (pour alimenter le bélier, remonter l’eau à la citerne, desservir les différents abreuvoirs), des raccords, des vannes, des buses en béton, des parpaings pour réaliser la fosse dans laquelle est placé le bélier, la location du matériel pour creuser les tranchées et les différentes fournitures… Soit une facture de 6 000 euros. Une somme qui n’inclut pas le temps de travail des deux éleveurs.
« Avant de se lancer, il faut être certain de disposer d’une source dont le débit soit suffisant, même en période de sécheresse », avertit Hervé Chambragne. Il faut aussi et surtout un terrain et un relief adapté. « Notre installation remonte dans notre citerne 5 000 litres par jour tout au long de la saison d’herbe. Pour cela, le bélier hydraulique doit être alimenté avec un débit de 16 litres par minute, même en période de sécheresse, sachant que sur cette quantité, 3,5 litres sont effectivement remontés dans la citerne et 12,5 litres retournent dans le ruisseau. » (voir le principe de fonctionnement d’un bélier hydraulique). Dans le cas de cette installation, l’eau remontée par le bélier parcourt 380 mètres avec un dénivelé de 65 mètres avant d’atteindre la citerne. « Ce sont des distances un peu extrêmes, mais chez nous ça fonctionne sans souci depuis 10 ans. Et surtout, c’est négligeable côté frais de maintenance (45 euros par an pour changer les deux clapets du bélier)." Une réalisation soignée au départ et l’étanchéité du dispositif demeurent les maîtres mots pour être satisfaits. La moindre micro-entrée d’air se traduit forcément par des dysfonctionnements.
Pas d’utilisation hivernale
Sur ces deux élevages, ce réseau d’eau est uniquement utilisé du printemps à l’automne, quand les animaux sont à l’herbe. Il n’y a donc pas de risque de gelée, mais avec des canalisations enterrées entre 50 et 80 centimètres, la problématique du gel n’est guère un souci, même si l’installation est à près de quelque 800 mètres d’altitude. La situation des bâtiments fait qu’ils ne pouvaient pas être approvisionnés par ce dispositif. "De toute façon nous sommes branchés sur d’autres sources pour l’approvisionnement hivernal », précise Pascal Gouze. L’installation permet d’avoir de l’eau propre tout au long de la période de pâturage. Début septembre 2019, après un hiver puis un printemps très déficitaires côté précipitations, puis trois mois pratiquement sans une goutte, le débit demeurait satisfaisant.
Pour en savoir plus
Plusieurs sites internet permettent d’en savoir davantage sur le principe et les règles de fonctionnement d’un bélier hydraulique. Idéal pour parfaire ses connaissances avant de se lancer !
https://wikiwater.fr/e43-les-pompes-a-energie
http://www.codeart.org/pdf/dossier/2008-realisation-d-un-belier-hydraul…
https://www.econologie.com/plans-realisation-pompe-belier-hydraulique/
http://www.belier-inox.fr/fabriquez-votre-belier-p867652
https://sites.google.com/site/fabricationdunepompeabelier/
https://lowtechlab.org/wiki/B%C3%A9lier_hydraulique# % C3 % 89tape_4_-_Cloche_ % C3 % A0_air
Principe de fonctionnement d’un bélier en trois étapes
La conduite d’arrivée d’eau (1) contrôlée par une vanne d’arrivée principale (non représentée) doit être alimentée par une eau sous pression (liée à une dénivellation), dont l’énergie cinétique alimentera le dispositif en énergie. De cette énergie dépend la capacité de pompage. La pression d’arrivée est cependant insuffisante pour permettre à l’eau de remonter la colonne de refoulement (3) et nécessite une énergie supplémentaire pour augmenter la pression. Le bélier est constitué d’une conduite d’arrivée (1), d’une soupape primaire (4) à ouverture contrôlée par un ressort (ou parfois par un simple poids), d’une conduite de refoulement (3) avec un clapet antiretour (5) et une cloche remplie d’air (6).
Étape 1
Au début du fonctionnement, le clapet antiretour (5) est fermé sous l’effet de la pression statique de la colonne (3) et l’eau arrive par la conduite. L’eau s’échappe à l’extérieur du dispositif en (2) par la soupape primaire (4), mais celle-ci se ferme brusquement quand l’eau atteint une vitesse suffisante.
Étape 2
Se produit alors le coup de bélier et le clapet antiretour (5) ayant une pression amont soudainement plus grande que la pression aval (3 et 6) s’ouvre. L’eau monte alors à la fois dans la cloche (6) – qui sert de tampon pour absorber une partie du choc du coup de bélier et réguler le débit du refoulement – et dans la conduite de refoulement (3).
Étape 3
Quand la pression dans la conduite d’arrivée d’eau (1) redescend en dessous de la pression du circuit de refoulement (3 et 6), le clapet antiretour (5) se referme alors que la soupape primaire (4) se rouvre sous l’action de son ressort. La pression de l’air de la cloche (6) et donc également son niveau d’eau, redescendent au fur et à mesure que l’eau est refoulée par (3). Le cycle peut alors recommencer.
L’installation du bélier hydraulique
1 La source est captée dans le creux d’un vallon par plusieurs drains. Les parcelles sont constituées sur les hauteurs et les pentes d’une arène sur roche mère granitique et d’un sol à tendance tourbeuse dans les fonds. L’eau captée arrive dans un bac en béton faisant office de cuve de stockage pour partie enterré puis repart vers un second réservoir, le collecteur, positionné légèrement au-dessus du bélier.
2 Le collecteur est situé à 12 mètres du captage de la source. Son fond est bétonné. Un trop-plein garde son niveau constant. La conduite motrice qui amène l’eau vers le bélier est dans le fond du collecteur de façon à être toujours noyé par au moins 30 à 40 centimètres d’eau. Afin d’éviter que d’éventuels débris végétaux ou du sable ne descendent dans la conduite motrice, le départ de celle-ci est placé quelques centimètres au-dessus du fond du collecteur, lequel est évidemment recouvert d’un couvercle en béton mais pour autant régulièrement nettoyé.
3 La disposition (suffisamment rectiligne) et la longueur de la conduite motrice sont importantes. Son diamètre dépend du type de bélier utilisé. La longueur dépend de la hauteur de chute et doit se situer entre trois et cinq fois cette hauteur.
Exemple : si la hauteur de chute est de 10 mètres, la longueur de conduite motrice doit être comprise entre 30 et 50 mètres. La pente doit être la plus régulière possible. Éventuellement une pente un peu plus forte dans la partie supérieure pour arriver au bélier avec une pente plus faible, jamais l’inverse.
Sur l’installation prise pour exemple, l’eau est dirigée via un tuyau de 65 mètres de long vers le bélier avec une différence d’altitude d’environ 12 mètres.
4 Le bélier est au fond d’une fosse réalisée avec quelques parpaings qui, si besoin, pourrait être facilement mis hors gel. Hors froid sibérien ! L’eau qui n’est pas remontée retourne dans le petit ruisseau qui serpente au fond du vallon. La conduite motrice devant résister aux "coups de bélier", elle doit être réalisée en matériaux rigides (acier ou fonte). Les tuyaux en matière plastique sont à proscrire à cause de leur élasticité. Des vannes d’arrêt doivent être prévues à l’entrée et à la sortie du bélier pour permettre son isolement et un démontage facile.
5 La citerne de 3 000 litres, située sur le haut d’une colline, réceptionne l’eau remontée grâce au bélier. La conduite d’alimentation peut être réalisée en tuyaux plastiques. Ceux-ci doivent cependant être adaptés à la pression à laquelle ils doivent pouvoir résister et qui dépend de la hauteur de remontée (1 kg/cm2 par 10 m de remontée). La citerne est enterrée de façon à être à peine visible dans le paysage tout en limitant les amplitudes thermiques. Un système de trop-plein est prévu.
6 Les bacs à niveau constant installés dans les pâtures sont remplis par simple gravité et permettent aux animaux de bénéficier en permanence d’une eau claire, de bonne qualité… et gratuite !