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Sébastien Cluzel, président du herd-book charolais : « Il faut être en phase avec les évolutions du marché »

La charolaise sera la race allaitante à l’honneur à l’occasion de la prochaine édition du Sommet de l’élevage. Tour d’horizon de son actualité avec Sébastien Cluzel, président du herd-book.

Sébastien Cluzel, président du herd-book charolais : « Il faut être en phase avec les évolutions du marché »

La décapitalisation du cheptel allaitant français (- 388 000 vaches entre fin 2016 et fin 2021) pénalise les effectifs charolais. Quelle en est votre analyse ?

Sébastien Cluzel - Le recul de nos effectifs est d’abord très lié à la forte implantation de la charolaise dans des départements de polyculture-élevage (Cher, Indre, Allier, Nièvre, Vendée…) où la polyculture a pris l’ascendant sur l’élevage. Dans tous ces territoires, la charrue a été très active, retournant des prairies pour produire des céréales et des oléagineux et non de l’herbe. Cela s’est traduit par des suppressions de troupeaux ou une réduction de leurs effectifs. À l’inverse, dans un département comme le Puy-de-Dôme et plus précisément dans les Combrailles où est situé mon élevage, il est impossible pour des raisons agronomiques de faire progresser la part des cultures. Donc nous gardons nos bovins ! Il y a actuellement 1,35 million de vaches charolaises en France. Nous sommes bien conscients que là où des cheptels ont été supprimés, ils ne vont pas revenir !
 

Comme pour les autres races allaitantes nous sommes confrontés au vieillissement des éleveurs et à la reprise des cheptels des cédants. C’est une problématique qui nous tient à cœur et d’ailleurs ce n’est pas un hasard si, pour l’affiche de ce Sommet, nous avons tenu à ce qu’il y ait un éleveur et son fils : Laurent et Maxence Andriot du Gaec Clame-Andriot dans l’Allier. Pour les élevages allaitants, l’installation et la transmission seront un des principaux défis des années à venir. Environ la moitié de nos adhérents ont plus de 55 ans. Soit une situation très similaire à celle de l’ensemble des éleveurs allaitants français. Avec l’Ajec, à nous d’apporter notre pierre à l’édifice pour favoriser le renouvellement des générations. Nous sommes convaincus qu’un des enjeux majeurs, outre les problématiques économiques bien sûr, est le bien-être des éleveurs. C’est pourquoi nous travaillons au quotidien via le programme "bien-naître" pour une charolaise toujours plus facile à élever.

La hausse du prix des aliments va-t-elle se traduire par la présentation d’animaux moins en état ? Leurs détenteurs ont-ils un risque d’être pénalisés côté classement ?

S. C. - Si les animaux les plus lourds étaient systématiquement en tête de section, le seul juge nécessaire serait la bascule ! Or ce n’est absolument pas notre intention. À une époque, il faut reconnaître qu’il a pu y avoir sur nos concours des animaux avec un niveau d’état excessif. À Cournon, ce sera aux juges de faire la part des choses en appréciant à sa juste valeur la morphologie de chaque animal.
 

Plus globalement, nous devons inciter à lever le pied sur le niveau de préparation des animaux sur nos concours. Surtout avec des aliments dont les tarifs avoisinent désormais les 500 à 600 €/tonne ! Actuellement notre règlement précise que les animaux trop en état doivent être pénalisés. Les problèmes de locomotion et de boiterie sont clairement favorisés par trop d’embonpoint. La règle à retenir pourrait être que dans les deux ou trois jours qui suivent un concours nos taureaux doivent si besoin être en mesure d’aller faire la monte en pâture. Cela a été le cas pour notre champion de Paris cette année.

Les sécheresses estivales récurrentes sont-elles de nature à faire évoluer vos objectifs de sélection ?

S. C. - Nous en discutons régulièrement entre nous en conseil d’administration. Nos charolaises ont globalement une bonne capacité à traverser les périodes sèches. Leur grosse capacité d’ingestion, le fait d’être en mesure de faire le « yoyo » pour leur note d’état et leur aptitude à valoriser des fourrages encombrants à faible valeur alimentaire sont un atout pour affronter ces sécheresses estivales en maintenant des résultats techniques honorables. Il faut travailler en ce sens.

Cela doit-il se traduire par la mise en avant des souches les mieux à même de composer avec les évolutions du climat ?

S. C. - Les animaux à fort développement squelettique extériorisant beaucoup de format ne sont globalement pas ceux qui se maintiennent le plus facilement en état. Aujourd’hui une vache charolaise en production doit se situer dans un créneau de 750 à 900 kg avec du lait tout en étant suffisamment résiliente pour traverser ces aléas en restant productive. On perçoit de vraies différences pour ces aptitudes selon les animaux.
 
 
Certains ont davantage la capacité que d’autres à mobiliser leurs réserves corporelles puis à reprendre rapidement de l’état même avec des fourrages de qualité moyenne. La question est ensuite de savoir comment on évalue et hiérarchise ces différences. Pour cela il serait nécessaire de mettre en place un vrai travail d’ingénierie. C’est un peu dans nos tuyaux !

éCow, notre système de classement économique des femelles au sein d’un même troupeau nous permet déjà de mettre en avant certaines vaches et souches. Il serait peut-être nécessaire d’y intégrer de nouveaux critères liés à l’évolution des conditions d’élevage. Ce travail est à envisager avec nos équipes techniques.

Certains sélectionneurs s’interrogent-ils sur les dates de vêlage compte tenu de l’évolution du climat ?

S. C. - Ces dates dépendent beaucoup des zones d’élevage. Dans un département comme la Vendée où l’absence d’herbe est quasi récurrente parfois dès la fin du printemps, on a tout intérêt à faire vêler en fin d’été. Dans les zones de demi-montagne comme chez moi dans les Combrailles où, hormis année exceptionnelle, on a quand même encore de l’herbe en été, c’est plus discutable. Sur notre exploitation, avec Cédric Heurtier mon associé on est sur des vêlages qui démarrent début décembre. On ne souhaite pas le remettre en question. Faire vêler en fin d’été obligerait à récolter de grosses quantités de fourrages de très bonne qualité pour nourrir en hiver des vaches en pleine lactation avec à la clé des frais de mécanisation conséquents. Puis au printemps cela signifierait faire pâturer de l’herbe de très bonne qualité à des vaches taries alors qu’à cette période leurs besoins alimentaires sont modestes. À mon avis, la période de vêlage et l’âge au premier vêlage sont à raisonner selon le contexte pédoclimatique de l’élevage et les ressources fourragères dont il dispose.

Et l’idée de faire un compromis avec du vêlage à 30 mois et deux périodes de vêlage ?

S. C. - C’est un système intéressant. À la fois pour mieux étaler les dates de ventes avec une bonne gestion des disponibilités en herbe. Désaisonner une partie des vêlages répond également aux attentes de l’aval pour mieux étaler la production. La large répartition géographique de la charolaise fait qu’il existe toute une gamme de stratégies différentes. Au sein de notre conseil d’administration, cela nous permet de confronter régulièrement nos avis et nos expériences.

La progression des prix du maigre et de la viande finie a-t-elle permis de faire passer des hausses sur les tarifs des reproducteurs ?

S. C. - Il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions dans la mesure où en Charolais, l’essentiel des ventes de reproducteurs ont lieu à l’automne et en hiver, en particulier pour les mâles. Il est de toute façon indispensable de faire passer des hausses. Début août le prix des JB est à un peu plus de 5 € du kilo carcasse et les taureaux de réforme entre 4,6 et 4,80 €. Le prix des reproducteurs doit être supérieur au prix de la viande, sinon faire de la sélection n’a aucun intérêt. En charolais un taureau digne de ce nom fait au moins 700 kg de carcasse. Son prix de réforme doit au minimum permettre de payer son remplaçant. Et dans nos rangs, certains disent volontiers que l’on n’achète pas une voiture neuve au tarif d’une voiture d’occasion !

Que vous inspire la progression de la part de la viande hachée dans la consommation ?

S. C. - Pour la charolaise, vouloir se cantonner au seul débouché de la boucherie artisanale et aux rayons traditionnels de la grande distribution en négligeant le débouché du haché serait pour moi un bien mauvais calcul d’autant que les bouchers traditionnels vendent eux aussi de la viande hachée ! Quoi que l’on en pense et quoi que l’on en dise, c’est le consommateur qui arbitre. C’est l’évolution des habitudes alimentaires qui veut ça. Il y a désormais des burgers à la carte de tous les restaurants. Cela ne remet pas en jeu notre travail de sélection et le fait qu’une proportion croissante des muscles de nos animaux sont destinés à être hachés n’a pas à être considéré comme dévalorisant.

Le resserrement de l’écart de prix au kilo entre les vaches jeunes (4 à 5 ans) et un peu plus âgées (8 à 10 ans) doit-il inciter à faire évoluer le taux de renouvellement ?

S. C. - Dans la mesure où cet écart de prix s’est effectivement bien réduit, travailler sur la longévité de nos animaux en leur maintenant de bonnes performances techniques côté productivité numérique est effectivement un challenge. Quand on fait vêler pour la première fois à 3 ans et que l’on loge et nourrit deux générations de génisses qui coûtent mais ne produisent rien, il y a effectivement matière à se poser des questions surtout compte tenu de l’évolution des prix de l’alimentation. Le vêlage à 2 ans est une possibilité et réduire de façon raisonnable le taux de renouvellement en est une autre. Tout cela serait à analyser de près sur le plan économique en prenant en compte tant le coût alimentaire que celui des différentes catégories de femelles finies selon leurs âges. Là encore, on en discute très régulièrement entre nous.

Les acteurs de l’aval sont suffisamment investis dans les orientations à donner à vos animaux pour qu’ils soient bien en phase avec leurs attentes ?

S. C. - Dans les circuits conventionnels donc hors vente directe, quand nos animaux sont abattus nous n’avons pas d’autres informations sur la carcasse que son poids et son classement. Il n’y a aucune information sur la notion de persillé alors qu’il est régulièrement reproché à nos animaux de donner des muscles qui ne le sont pas suffisamment. Autre donnée importante, nous n’avons guère de visibilité pour savoir comment et dans quels circuits sont destinés les différents muscles des différentes catégories de bovins produits sur nos fermes.

Si les abatteurs veulent nous permettre de produire des carcasses dont les muscles correspondent mieux à leurs attentes, ils doivent aussi nous donner les clés pour que l’on adapte les carcasses de nos animaux aux critères qui nous sont demandés. Nous sommes bien conscients qu’il faut être en phase avec les évolutions du marché. On voudrait que certains intervenants de l’aval puissent accompagner nos discussions et réflexions en travaillant avec nous de façon constructive. Certaines organisations de producteurs du Centre ou de l’Ouest de la France gagneraient à intégrer notre organisme de sélection où ils auraient tout à fait leur place pour nous donner leur avis sur l’évolution du marché. On ne sera certainement pas d’accord sur tout, mais on pourra au moins confronter nos idées.

Pour revivre en vidéo le concours organisé en 2021 au Sommet de l’élevage, c’est ici

Le quatrième National couplé au Sommet de l’élevage

Après 2005, 2010, et 2016 ce sera la quatrième fois que la charolaise organise son concours national dans l’enceinte du Sommet de l’élevage et le jugement se déroulera pour la seconde fois sur le ring du Zénith d’Auvergne. « 380 stalles d’animaux adultes nous ont été attribuées. Les éleveurs sont globalement enthousiastes malgré un bémol sur la durée du salon, précise Sébastien Cluzel. Quatre jours, cela nous oblige à rentrer les animaux le lundi avant 13 h 00 et à les sortir le vendredi vers 20 h 00. La semaine sera longue et nécessitera une bonne anticipation et organisation tant sur la ferme qu’à Cournon. » Une vente aux enchères de 12 mâles aura lieu le jeudi en fin d’après-midi après le jugement des prix spéciaux. Six veaux d’automne qualifiés « bien-naître », deux taureaux de 2 ans et quatre adultes seront proposés.

 

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