Bovins génétiquement sans cornes
Sans cornes mais pas sans qualités
En France, trois races allaitantes sont pour l’instant concernées par la possibilité d’utiliser des animaux génétiquement sans cornes. Les effectifs concernés sont encore marginaux. La tendance est cependant à la hausse. Elle s’accompagne surtout d’une progression régulière du niveau qualitatif des reproducteurs proposés.
Depuis l’époque où elles étaient utilisées pour lier les animaux au joug pour les besoins de la traction animale, les cornes des bovins n’ont plus d’utilité fonctionnelle. La meilleure preuve validant cette affirmation réside dans le fait que la majorité des animaux sont désormais écornés. Cette modification de leur aspect extérieur désole les puristes pour qui « une vache sans cornes, n’est plus une vache ».
CORNADIS ET STABULATION LIBRE
Les raisons qui ont entraîné la suppression des cornes sont bien connues. Elles sont d’abord liées à l’évolution du parc des bâtiments avec la vulgarisation de la stabulation libre et de ses cornadis dans un contexte d’accroissement du ratio nombre d’UGB/UTH. L’absence de cornes limite aussi les risques d’accidents et d’hématomes pendant le transport, l’allotement puis l’engraissement. C’est vrai pour les animaux mais surtout pour ceux qui les manipulent ! Proposer des lots de broutards, tous sans cornes, peut aussi constituer un avantage commercial. Rappelons que comparativement aux animaux français, le bétail irlandais est systématiquement écorné. Sans vouloir être alarmistes, rien ne dit que la pratique de l'écornage ne sera pas un jour mise à l’index compte tenu de l’activisme des lobbyistes du bien-être animal.
RETARD BIEN FRANÇAIS
La plupart des pays étrangers gros producteurs de viande bovine à partir d’un cheptel spécialisé ont depuis longtemps largement diffusé le gène sans cornes. Qu’il s’agisse de troupeaux où dominent les races d’origine insulaire (Angus, Hereford…), continentales (Charolaises, Limousines…) ou même zébuines (Nelore, Brahman…), il n’est désormais plus nécessaire d’écorner les animaux dans de très nombreux pays. Le cheptel français va-t-il rester longtemps à l’écart de ces évolutions ? Le retard actuel est pour partie lié à des conditions d’élevage très différentes qui jusqu’à il y a peu n’incitaient pas à être très novateur en ce domaine. Un retard que l’on peut aussi juger comme lié à une conception plus stricte du concept de race, mais aussi au recours très limité de la pratique du croisement dans nos cheptels allaitants.
Une vision des choses qui n’est guère en cours dans les pays anglo-saxons. Là-bas, pragmatisme et efficacité dictent la ligne de conduite en matière de sélection d’autant plus que dans les troupeaux dits « commerciaux » les éleveurs ont largement recours à différents croisements. Leur objectif est de prendre là où ils peuvent le trouver, tout ce qui est bon à utiliser pour améliorer le plus vite possible ce qu’ils cherchent à produire, sans trop s’embarrasser du respect du standard morphologique d’une race donnée. C’est cette vision des choses qui outre-Atlantique a abouti à introduire rapidement le gène sans cornes, y compris sur des animaux issus des différentes races allaitantes françaises. Pour cela, les éleveurs anglo-saxons ont procédé à des croisements d’absorption généralement à partir d’animaux Angus.
En introduisant le gène sans cornes, ils ont parfois au passage conservé certaines des autres caractéristiques de l’Angus (robe noire, format modéré…). La plupart des bovins sans cornes issus de races françaises sélectionnés à l’étranger ont donc quelques ancêtres Angus pouvant être présents à un degré plus ou moins rapproché dans leur arbre généalogique. Une vision des choses très éloignée des habitudes hexagonales en matière de sélection. Elle a d’ailleurs le don d’irriter bien des sélectionneurs français quand ils voient ce que deviennent des animaux de « leur » race, une fois mis dans les mains de sélectionneurs anglo-saxons !
PAS SEULEMENT SANS CORNES
Pour autant, le cheptel français pourra-t-il rester longtemps à l’écart de cette banalisation de l’utilisation d’animaux génétiquement sans cornes ? Les avis divergent. De l’aveu des promoteurs de ce gène, le marché pour les reproducteurs génétiquement sans cornes de bon potentiel génétique émergera vraiment quand les producteurs ne faisant pas partie de la base de sélection prendront conscience des avantages liés à la large diffusion de ce gène dans leur cheptel pour faciliter la conduite au quotidien de leur troupeau. Ces éleveurs privilégient l’efficacité économique. Ils sont souvent moins attachés à l’aspect esthétique de leurs animaux et au respect des canons du standard morphologique de la race qu’ils élèvent. Cette plus grande vulgarisation de l’utilisation du gène sans cornes nécessite cependant de pouvoir proposer des animaux qui à côté de leur absence de cornes ont aussi et surtout une morphologie et des aptitudes fonctionnelles correspondant à ce qui est classiquement recherché par des producteurs de viande bovine.
Au tout début de la diffusion de ce gène dans les élevages français, les premiers animaux proposés n’étaient guère séduisants. Les performances pondérales de leurs descendants ne correspondaient pas vraiment aux attentes. Cette remarque devient de moins en moins vraie, même s’il existe encore tout un travail à réaliser en terme de sélection. Aujourd’hui, on trouve de plus en plus de reproducteurs pour lesquels l’ancêtre qui a apporté le gène sans cornes se situe à la deuxième ou troisième génération. Les autres sont des animaux à bonne morphologie avec une différence d’aspect extérieur qui tend donc à se réduire entre des animaux cornus et des sans cornes de deuxième ou troisième générations.
OPPORTUNISME COMMERCIAL
Bien entendu, toute nouveauté est bonne à prendre et camoufle difficilement un opportunisme commercial évident. La plupart des éleveurs qui ont opté pour l’introduction de ce caractère dans leur cheptel le reconnaissent d’ailleurs bien volontiers. Ils espèrent tous que le fait de proposer cette nouveauté leur amènera un petit plus.
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