Salarié agricole, sa semaine se répartit sur trois élevages charolais
Salarié agricole dans les Combrailles, Valentin Renic répartit sa semaine de travail auprès de trois élevages du Puy-de-Dôme situés à quelques kilomètres les uns des autres. Tous sont éleveurs de charolais.
Salarié agricole dans les Combrailles, Valentin Renic répartit sa semaine de travail auprès de trois élevages du Puy-de-Dôme situés à quelques kilomètres les uns des autres. Tous sont éleveurs de charolais.
« Je pense que je pourrais faire le boulot seul mais j’ai une famille avec deux enfants. Je tiens à garder du temps pour eux et avec eux », souligne Benoît Astre, jeune quadragénaire à la tête d’un élevage charolais de 80 mères à La Celle d’Auvergne, dans les Combrailles du Puy-de-Dôme, à une poignée de kilomètres de la « frontière » creusoise. Depuis déjà deux ans, il est secondé dans son travail par Valentin Renic, lequel travaille chez lui une journée par semaine. L’historique de son embauche est assez simple. Elle est d’abord le résultat du bouche-à-oreille plus que d’un recrutement compliqué avec force tri de CV et de lettres de motivations.
Peser le pour et le contre
« Un soir, en ramenant un outil de la Cuma à un collègue éleveur laitier, son salarié qui à l’époque travaillait chez lui quatre jours par semaine m’avait laissé entendre qu’il aimerait faire une journée de travail supplémentaire pour conforter son salaire. » Sur le trajet du retour, cette information a vite fait « tilt » dans l’esprit de Benoît Astre. « J’ai pesé le pour et le contre. C’était un peu anticipé dans la mesure où j’étais encore associé avec mon père dans le cadre d’un Gaec. » Mais la dissolution du Gaec était planifiée. Elle devait avoir lieu quelques mois plus tard compte tenu du départ à la retraite de Jean-Pierre Astre.
Lire aussi : Partager un salarié sur plusieurs exploitations
« Avec la dissolution du Gaec, je m’étais vaguement interrogé sur l’éventualité de trouver un nouvel associé. Mais je ne me voyais pas partager les prises de décision sur les grandes orientations de l’exploitation. J’avais du mal avec la perspective de ne plus rester seul maître à bord. » Benoît Astre se disait aussi qu’il y a parfois dans la vie des occasions qu’il faut savoir ne pas laisser passer d’autant que Valentin Renic habite à deux kilomètres de chez lui. « J’avais vu comment Valentin travaillait avec le matériel de la Cuma. Et dans la mesure où il avait l’expérience de la conduite d’un cheptel laitier, je me disais qu’il pourrait tout à fait s’habituer à travailler avec mes charolaises. »
Comme il faut battre le fer tant qu’il est chaud, Benoît en a parlé le soir même à son épouse, laquelle travaille à l’extérieur dans le paramédical. « Et le lendemain j’ai eu à peu près la même discussion avec mon père en analysant aussi avec lui le pour et le contre. Tous les deux savaient qu’il s’agissait d’une bonne opportunité, en comprenant parfaitement ma réticence face à la perspective de travailler en permanence seul. »
Lire aussi : Une main d’œuvre salariée bien intégrée à l’élevage
Dans la foulée, Benoît s’est rapproché de son centre de gestion : combien cela coûterait précisément pour une journée par semaine ? Est-ce que cela pouvait « passer » financièrement ? Pouvait-il se charger de l’édition des bulletins de salaire ?
Le Gaec n’avait jamais eu l’occasion de travailler avec un salarié. « Mais quand mon père était en individuel, puis quand j’étais son associé nous avons eu de nombreux stagiaires. J’aime bien transmettre. Je n’avais pas d’appréhension sur ce volet. Et connaissant Valentin Renic, je me disais que cela pouvait tout à fait 'coller'. » Chronologiquement, les premières réflexions sur l’éventualité de cette embauche datent de début février 2019 et la première journée à la maison a eu lieu le 5 avril.
Virement tous les mois
Côté finances, Valentin Renic est payé par virement tous les mois pour les huit heures hebdomadaires réalisées tous les vendredis à l’EARL Astre. « Pour 23 euros par mois, mon centre de gestion se charge de l’édition de son bulletin de salaire et je lui délègue également le versement des charges sociales. C’est ce qu’il y a de plus simple comme mode de fonctionnement. Pour donner un compte rond, la journée hebdomadaire de Valentin me coûte environ 5 000 euros par an. »
Côté organisation du travail, Benoît anticipe en début de semaine selon les prévisions météo quelle tâche sera à l’ordre du jour du vendredi en planifiant en priorité ce qui gagne à être fait à deux. Par exemple, à la mauvaise saison le curage des stabulations, les réfections de clôtures, l’écornage… En hiver, le début de la matinée est d’abord consacré à des tâches en lien avec les soins aux animaux. Le fait que Valentin soit là le vendredi permet aussi de s’avancer pour le week-end. « Même si cela reste compliqué pour me libérer en période de vêlages, cela me permet de prendre du recul. Si j’étais en permanence seul à travailler j’aurais probablement un peu trop la tête dans le guidon. »
Lire aussi : Préparer l’arrivée d’un nouveau salarié sur son exploitation
Sur l’élevage, l’objectif a toujours été de simplifier le mode de conduite. « Le rythme d’une journée de salarié par semaine c’est parfait. S’il venait davantage, je ne saurai pas forcément toujours quoi lui faire faire à certaines saisons. Chez moi c’est avant tout de la prairie. Il y a peu de journées où il faut rester du matin au soir à conduire un tracteur. La période de récolte des fourrages n’est pas la plus lourde à gérer. Je redoute davantage la période hivernale. »
Trois employeurs différents
Après avoir choisi de répondre favorablement aux propositions d’embauche de deux autres éleveurs de charolais des Combrailles : le Gaec Cluzel-Heurtier et David Mouton, Valentin Renic a donné sa démission en décembre 2019 de l’élevage laitier dans lequel il travaillait. « J’ai attendu que ces embauches soient bien concrétisées. Je ne voulais pas non plus me retrouver le bec dans l’eau », souligne celui qui est désormais salarié de trois employeurs différents. Les jours où il travaille dans chacune des trois exploitations ont été précisément définis. « J’habite à 2 kilomètres de chez Benoît et mes deux autres employeurs, dans un rayon de 20 kilomètres. Je suis les lundi et mardi au Gaec Cluzel-Heurtier, le mercredi matin et le jeudi chez David Mouton et je termine la semaine, chez Benoît. Je travaille de 8 h 00 à 12 h 00 et de 14 h 00 à 18 h 00 mais pas les week-ends et j’ai cinq semaines de congé », précise Valentin Renic. Il faut forcément quelques semaines pour bien connaître le fonctionnement de chaque élevage, le matériel, l’agencement des différents bâtiments, la localisation des parcelles. « Chez Benoît c’est facile, elles sont toutes à moins de 3 kilomètres du siège de l’exploitation. »
Pour conserver à un salarié toute sa motivation, son travail gagne à la fois à être attrayant et si possible varié. « Et en cela nos élevages sont complémentaires avec des systèmes de conduite assez différents dans la nature du stock fourrager et l’orientation de nos cheptels. Le Gaec Cluzel-Heurtier est très orienté sélection. Chez David Mouton, c’est un système naisseur plus extensif visant à simplifier les modes de conduite et chez moi, c’est un peu une situation intermédiaire. On est proche les uns des autres à la fois géographiquement et humainement. Cela favorise les échanges. C’est important », ajoute Benoît Astre.
« J’ai toujours voulu travailler avec des animaux »
Après avoir obtenu son bac pro au lycée agricole de Rochefort-Montagne dans le Puy-de-Dôme, Valentin Renic a commencé à travailler à 19 ans.
« J’ai terminé mes études en juin et j’ai commencé à travailler en juillet. Il y a du boulot dans l’agriculture et dans l’élevage à condition d’avoir envie de travailler. J’ai 27 ans et je n’ai jamais été au chômage ! Je gagne 1 300 euros nets par mois, souligne ce jeune père de famille. Mes parents ne sont pas agriculteurs. Mon père est chauffeur routier et ma mère travaille dans une maison de retraite. J’ai passé mon enfance à Aigueperse au cœur de la plaine céréalière de la Limagne. Pour autant, j’ai toujours voulu travailler avec des animaux. Et plutôt avec des bovins que des ovins. » D’où son choix d’aller au lycée de Rochefort-Montagne qui est l’une des zones phares de l’élevage laitier du Puy-de-Dôme. « Faire uniquement des heures de tracteur, ce n’est pas mon truc. Si cela l’avait été j’aurai plutôt cherché à travailler dans la plaine ou comme chauffeur dans une Cuma ou ETA. » Aller dans trois élevages différents au cours d’une même semaine est apprécié. Il n’y a pas ce côté routinier que pourrait avoir le fait d’être permanence sur la même exploitation, même si certaines tâches sont forcément répétitives dans la mesure où il s’agit de trois systèmes allaitants herbagers en zone de semi-montagne.
L’éventualité d’une installation n’est pas d’actualité. « Je n’ai pas de famille dans le métier. Aucune structure à reprendre. Pour l’instant être salarié me convient bien. Il m’intéresse avec des tâches somme toute variées. Elles le sont d’autant plus que je travaille sur trois exploitations. C’est aussi très formateur. »
F. A.