Au Canada
Richard et Ganet Rey voient rouge dans le Manitoba
Éleveur laitier puis allaitant au Canada, Richard Rey connaît bien les vaches ! Avec ses 200 mères Red Angus et Simmental rouge, lui et son épouse Ganet estiment s’en sortir correctement.
Éleveur laitier puis allaitant au Canada, Richard Rey connaît bien les vaches ! Avec ses 200 mères Red Angus et Simmental rouge, lui et son épouse Ganet estiment s’en sortir correctement.
« À la retraite, il faudra que je travaille, sinon je vais perdre la boule ! » Fils d’éleveur, Richard Rey a exploité toute sa vie la ferme familiale située à Saint-Claude, à quelques encablures de Winnipeg dans la province du Manitoba, au Canada. Rencontré à l’occasion d’un voyage organisé par l’Afja (Association française des journalistes agricoles), cet exploitant bien dans sa peau s’appuie sur Ganet, son épouse. À eux deux, ils élèvent 200 mères Red Angus et Simmental rouge, sur près de 500 hectares. « Il n’aime que le rouge », commente avec humour sa femme. Richard reconnaît que, pour lui, « la Simmental rouge est la meilleure » car elle est bonne laitière et, croisée entre autres avec du Charolais, elle donne de « beaux veaux » Ils possèdent huit taureaux, dont deux Charolais parmi du Red Angus, du Black Angus et du Simmental rouge. « Je les ai achetés car je suis sûr que je n’aurai pas de trop gros veaux tout en ayant un minimum de conformation », explique-t-il. En moyenne, un taureau vaut 4 500 $ CA (3 000 €). S’il apprécie son métier, Richard Rey n’a pas commencé par de l’élevage allaitant : « j’ai été dans le lait pendant quasiment quarante ans. Mais mes garçons n’étaient pas intéressés. Ce sont mes neveux qui ont racheté le quota » pour un montant de 350 000 $ CA à l’époque, soit environ 240 000 € aujourd’hui. C’est avec cet argent que Richard Rey a pu réinvestir dans son élevage allaitant. Également passionné de chevaux, il possède depuis son installation une trentaine de trotteurs qu’il fait naître, débourre puis vend. Il reconnaît qu’à une époque, « sans cet apport d’argent, la ferme avec mes bovins allaitants n’était pas viable ». L’activité cheval a pu atteindre 50 % de la source de revenu de la famille contre 30 % aujourd’hui, en lien avec le recul du secteur des courses de chevaux au Canada.
Des broutards de plus de 350 kg vif à l’automne
Ses veaux, nés en janvier-février, sont vendus en septembre-octobre pour aller à l’engraissement. Ils reçoivent une injection d’hormone avant la mise à l’herbe en avril. Les mâles se négocient en vif autour de 2,45 $ CA la livre, soit pas loin de 3,40 € le kilo, tandis que les génisses partent à environ 3,20 € le kilo (2,33 $ CA/livre). En 2015, trois de ses broutards sont montés à 920 livres en vif (417 kg). « Les mères de ces veaux-là, je les garde ! », dit-il avec le sourire. La même année, « 75 % de mes veaux ont atteint le poids de 800 livres ! (367 kg) ", souligne-t-il. En 2015, certains ont pu atteindre 1 700 $ CA (1 167 €). Pour couvrir son coût de production, il « me faut au moins 800 $ CA (550 €) ». Cette année, un printemps trop mouillé fait que ses animaux profitent moins. « Il y a trop d’eau. L’herbe est liquide ! » Une vache fait en moyenne sept à huit veaux avant d’être réformée. « Après, les trayons deviennent trop gros et le veau a plus de difficulté à téter », se justifie Richard Rey. Les vaches de réforme sont engraissées à l’herbe et piquées également aux hormones de croissance. Le calcul est vite fait. L’injection coûte de 3 $ CA (2 €) à 5 $ CA (3,42 €) et permet de rajouter de 75 à 100 livres (45 kg) supplémentaires sur un veau, presque autant sur une vache, vendue à 750 kg en moyenne. Il garde de 25 à 30 génisses pour le renouvellement. Richard Rey enregistre et trace tout ce qu’il fait sur ses animaux, notamment les soins vétérinaires ou les injections d’hormones. « Il y a sept ou huit ans, le gouvernement a mis en place un programme pour encourager ce type de pratiques. J’en ai profité, ce qui m’a permis d’avoir une petite prime. J’aimerais que tout le monde soit dedans. En lait ou en porcs, les contrôles sont très importants. Mais pas dans notre filière. » De fait, les acheteurs ne demandent pas vraiment d’information sur la traçabilité des animaux. « Avec 200 mères, on vit à deux, résume Richard Rey. Si mon fils travaillait avec nous, il nous en faudrait 300. »
Peu de pertes malgré la rigueur du climat
Le marché fluctue mais, globalement, entre les successions de bonnes et de mauvaises années, Richard Rey estime qu’il n’est pas à plaindre. Son réseau d’acheteurs est fidèle : « je vends mes animaux au Québec, à 90 % aux mêmes négociants ». Il a cherché à finir certains de ses broutards, mais « ce n’était pas intéressant ». Pour autant, il reconnaît qu’« il faudra peut-être y venir un jour ! » L’éleveur conduit ses lots en plein air sur ses 500 hectares de pâture, tous répartis autour de chez lui, auxquels s’ajoutent depuis peu 125 hectares en location mais difficilement exploitables pour l’instant. Il cultive 100 hectares de luzerne et 16 hectares de maïs pour finir quelques animaux et achète 250 balles de paille de 300 kilos à ses voisins, pour la plupart céréaliers. Il récolte du foin, essentiellement de luzerne, parfois de l’ensilage. Au total, il récolte 2 000 balles de 700 kilos environ. « Il m’en faut huit par vache pour l’hiver. » Les parcelles les plus proches des bâtiments sont utilisées par les vaches durant l’hiver. Plus le vêlage approche, plus Richard les rapproche du bâtiment de vêlages. « Elles doivent venir boire dans la cour », explique-t-il. Elles vêlent à l’intérieur et sont gardées de 12 à 24 heures dans un autre bâtiment après la naissance, avant de retrouver le milieu extérieur. « Je n’ai pas de prédateur particulier sur les veaux. Parfois les coyotes font quelques dégâts, mais globalement je ne peux pas dire que j’ai des problèmes. » Il craint davantage les pneumonies et les diarrhées. Il perd 3 à 5 % de ses veaux dans l’année. « Celui qui vous dit qu’il n’a pas de mortalité est un menteur », ironise-t-il.
Un système extensif mais coûteux en fuel
Avec cette conduite, le fuel est l’une des charges les importantes. Son camion peut transporter seulement sept vaches et il lui faut une journée pour « bouger cent vaches », comme il le dit lui-même, et les déplacer de parcelles en parcelles. À cela s’ajoutent les déplacements liés à la surveillance hivernale et l’apport de foin. « Mon tracteur marche tous les jours. » Un tracteur qu’il a remplacé récemment d’ailleurs, comme le fait remarquer sa femme avec humour. « Tout l’argent est réinvesti dans la ferme », précise-t-elle. « Avec 200 mères, nous sommes un peu à l’étroit, juge-t-il. Notre installation serait plus adaptée à 150 bêtes. » Mais difficile de s’agrandir. La culture des céréales est bien trop rentable. L’élevage, dans cette région de plaine, reste cantonné à des poches de terre non propices aux grandes cultures. Les sols restent globalement fragiles et, de fait, le fumier vaut cher. « II est très recherché », reconnaît Richard Rey, qui confirme que « les terres sont sableuses ». À certains endroits, des trous d’eau permettent aux animaux de boire, mais « le gouvernement essaie d’encourager la mise en place d’abreuvoirs. Les vaches salissent les eaux par leurs déjections et cela diffuse dans les eaux souterraines ». Il ne produit pas assez de fumier et doit ajouter de l’engrais (NPK) sur ses pâtures (110 kg/ha sur les pâtures et 175 kg sur la luzerne). Quoi qu’il en soit, l’exploitation devrait évoluer, car l’un des fils de Richard, aujourd’hui employé dans une entreprise spécialisée dans le commerce des céréales et la nutrition animale, compte bien reprendre une cinquantaine de vaches. « Je vais vendre une partie de l’exploitation à mon fils, et je cherche comment organiser la cession ", souligne-t-il. Les parcelles seront revendues aux autres membres de sa famille, voire mises en location car certaines parcelles peuvent être retournées…
Pas d’aides directes mais des assurances
L’État, fédéral ou provincial, soutient les agriculteurs par le biais de programmes d’assurance, mais pas ou très ponctuellement par des aides. Les agriculteurs canadiens peuvent souscrire à quatre programmes d’assurance publique. Elles ont pour objectif de les protéger contre les aléas du climat et des marchés : Agri-protection et Agri-relance, Agri-stabilité, Agri-investissement. « Il y a peu d’intervention d’organismes privés sur ces assurances proposées aux agriculteurs », souligne André Houle, de la Financière agricole du Québec, société d’État financée par le ministère de l’Agriculture en charge de ces programmes pour la province. 90 à 95 % des producteurs souscrivent au programme Agri-protection, qui assure les pertes de rendement en fonction d’une référence historique et peut inclure des critères qualitatifs. Les producteurs paient 40 % de la prime, les gouvernements (fédéral et provincial) se chargeant d’apporter la différence. Dans la même ligne, existe également un système d’indemnisation contre les calamités, nommé Agri-relance, co-géré par l’État fédéral avec les provinces.
Des revenus couverts à 70 %
Plus proche d’une assurance sur les revenus, le programme Agri-stabilité protège les marges des producteurs. En moyenne, les fermes sont couvertes pour 70 % de leurs revenus. Le gouvernement fédéral propose un autre outil de gestion, le programme Agri-investissement. Il permet au participant de déposer un montant sur un compte, abondé par l’État. Le système est plafonné : le producteur ne peut pas déposer plus de 1 % de ses ventes nettes annuelles, celles-ci n’étant plus prises en compte au-delà de 1 million d’euros.