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Quatre éleveurs font le foin ensemble

Dans l’Ariège, cinq éleveurs travaillent en commun pour récolter leur foin. Chacun a en charge un seul outil tout au long de la campagne.

« On s’apprête à démarrer notre troisième campagne » explique Paul Garcia éleveur à Saint-Lizier près de Saint-Girons dans l’Ariège. Avec quatre autres éleveurs de son entourage(Jean-Michel Desvallé, Régis Crone, Olivier Raufast et Théo Crone), il a mis en commun depuis 2014 l’ensemble du matériel nécessaire à la récolte de l’herbe. « Je me suis installé il y a cinq ans et suis seul à travailler sur mon exploitation. Pour le foin, j’avais du matériel vieillissant. Quand arrivaient les beaux jours, depuis la fauche jusqu’au pressage, j’étais dans le foin du matin au soir. » Pendant au moins 15 jours, cela mobilisait pratiquement 100% de son temps de travail et pouvait pénaliser d’autres tâches non réalisées au moment le plus opportun.

Réorganiser la gestion du temps de travail

Quatre de ses proches voisins étaient confrontés au même problème. Le profil de leurs exploitations est assez similaire. Toutes sont en système bovin allaitant avec des stocks fourragers essentiellement composés de foin, d’enrubannage ou de bottes stockées « sous bâche » (voir encadré). « Nous avons réfléchi à la façon dont nous pourrions renouveler « la chaîne de fenaison » et quel type de matériel choisir. Puis comment, en fonction de ces achats, nous pouvions nous organiser pour ne pas travailler seul dans son coin. »

Leur matériel a été renouvelé en Cuma. « Pour être en mesure de récolter dans de bonnes conditions en profitant des fenêtres météo, on a investi dans une chaîne de récolte performante." Deux faucheuses conditionneuses (une frontale de 3 m et une latérale de 3,5 m), une faneuse traînée de 11 mètres, un andaineur double de 6 mètres et une presse à balle ronde à chambre variable 100x200 et  un tracteur de 150 CV. Complété l’an dernier par l’achat d'une presse balle carrée (70-120) d'occasion.

« Sur le plan pratique, nous avons décidé de nous attribuer chacun un matériel pour toute la campagne. Le tracteur de 150 CV de la Cuma est utilisé à deux fins : le matin pour la fauche et l’après-midi pour le pressage. C’est-à-dire qu’un même éleveur est chargé de la fauche, un autre du fanage. Et cela sur la totalité des surfaces engagées. » Les tracteurs de 100 CV utilisés pour faner, andainer et ramasser les bottes sont ceux de chaque éleveur impliqué, même quand il s’agit d’aller travailler chez les collègues. Idem pour les remorques.

« Désormais, on récolte en commun autour de 300 hectares par an. Nos parcellaires sont dans un proche périmètre. Les deux parcelles les plus éloignées sont à 10 kilomètres l’une de l’autre. » Sans l’avoir calculé précisément, la parcelle type doit faire un peu moins de trois hectares et le temps moyen de récolte ramené à l’hectare est sensiblement équivalent pour chacune des exploitations. Les petites parcelles compliquées à faner (relief, accès, mouillères…) sont réservées au pâturage.

Côté avantage, l’utilisation du matériel est optimisée. Cela se traduit par un gain de temps pour la réalisation de chacun des chantiers avec un matériel neuf et performant conduit par un chauffeur efficace dans la mesure où il est habitué à utiliser toujours le même matériel.

Chacun a un carnet où il note les heures passées, les surfaces travaillées et le carburant consommé. En fin de campagne, les cinq éleveurs s’arrangent pour avoir chacun, à quelque chose près, le même nombre d’heures travaillées. Le ramassage des bottes permet globalement de rétablir l’équité. « Mais on est pas non plus à une heure près. »  La prestation est facturée de la fauche au pressage pour un coût de 64 €/ha, hors traction, gazole et main-d’œuvre. « J’avais compté que pour mon exploitation, l’amortissement et l’entretien du matériel de fenaison me coûtaient jusque-là autour de 100 euros l'hectare sans traction. »

Se libérer des demi-journées

L’autre gros intérêt de cette façon de travailler réside dans l’organisation des journées de travail pendant la période de fenaison. « Par exemple, pour moi qui suis en charge du pressage, je sais à l’avance que je n’aurai à travailler que l’après-midi. Même en pleine période de récolte, cela permet à chacun d’entre nous d’avoir des demi-journées pendant lesquelles il pourra faire autre chose. C’est appréciable. »

En tout début de printemps, une réunion permet de faire état des surfaces que chacun a choisi de récolter. « On connaissait déjà à peu près nos parcelles respectives, puisque jusqu’en 2014 on travaillait ensemble pour l’ensilage d’herbe. Un mode de récolte que nous avons depuis abandonné. » L’ordre retenu pour les dates de fauche dépend essentiellement de l’altitude. « Nos parcelles s’étalent entre 350 et 550 mètres. On commence par les plus précoces en les regroupant selon leur proximité. On programme en moyenne une petite quinzaine d’hectares par jour. On peut monter à 20, voire un peu plus si le temps est vraiment de la partie. » À partir de fin avril, dès qu’une belle fenêtre météo se présente les portables se mettent à sonner et donnent le départ de la récolte, laquelle s’achève avec les regains de fin d’été.

« Hormis les grosses journées, on s’arrange pour manger de temps en temps ensemble au restaurant en cours de récolte. Ce sont des repas vite pris, mais ils permettent de discuter sur l’avancement du travail. En fin de campagne, on prend davantage de temps pour passer un bon moment autour d’une table bien garnie. »

Comment cela se passerait-il si l’un d'entre eux faisait mouiller du foin ? Pour l’instant la question ne s’est pas posée. "On ne travaille ainsi que depuis deux ans. En tout cas on compte bien persévérer. D’ailleurs chacun d’entre nous a revendu le vieux matériel utilisé jusque-là en individuel. »

F. A.

Des « tas bâchés » pour réduire les frais

Plus de la moitié du fourrage récolté l’est sous forme de « vert » entre 45 et 60% de matière sèche. Une petite partie est enrubannée. « Mais on fait surtout ce que l’on appelle des « tas bâchés » rassemblant chacun 72 bottes rectangulaires. Sur une surface plane et propre, on pose une bâche sur le sol. On constitue ensuite huit rangs consécutifs de 9 bottes (3 en hauteur et 3 en largeur) soigneusement empilées pour laisser le moins de place possible entre deux bottes. On remet deux bâches par dessus et on ferme le tout le plus hermétiquement possible avec du sable. » Ce stockage réduit les frais en achat de plastique et accélère le temps de récolte.

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