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Ne pas négliger la fertilisation des prairies

Pour maximiser la pousse de l’herbe et entretenir la fertilité des sols, il est important de bien raisonner la fertilisation des prairies qu’elle se fasse sous forme minérale ou organique.

© S. Leitenberger - archives

La fertilisation minérale ou organique joue un rôle important dans la conduite de la prairie. Or, ces dernières années, on observe une chute des unités apportées à l’hectare, de l’ordre de 50 %, sur prairies permanentes comme naturelles, que ce soit pour l’azote (N), le phosphore (P) ou le potassium (K) (1). « La prairie est souvent le parent pauvre côté fertilisation et ce, d’autant plus lorsque la conjoncture économique se tend. Malheureusement, ces impasses ont des conséquences. Les prairies seront d’autant plus fragilisées lors d’épisodes de stress. Il ne faut pas oublier que la fertilisation assure un certain niveau de production, joue sur la qualité de l’herbe et la composition floristique de la prairie. Ce dernier point est particulièrement important pour les prairies permanentes », a rappelé Rémi Brochier, ingénieur fourrages Centre, Arvalis Institut du Végétal, lors d’une conférence sur le sujet au Sommet de l’élevage 2018.

Plusieurs paramètres pour une fertilisation azotée bien dosée

L’azote, élément majeur de la croissance des végétaux, représente le premier facteur limitant. Si la fumure phosphatée et potassique a une influence beaucoup moins marquée que l’azote, tant sur la production que sur la flore, elle est presque toujours nécessaire pour en maintenir l’équilibre et ce, particulièrement pour les légumineuses. La luzerne et le trèfle violet sont des espèces très exigeantes en phosphore et auront tendance à être moins productives, voire à décliner en cas de manque.

La teneur en azote varie selon le mode d’exploitation. « Il est donc judicieux d’adapter la dose appliquée à l’utilisation de la parcelle, à la météo et à l’état des stocks fourragers. En présence de légumineuses, l’apport d’azote minéral doit être limité (équivalent à 50 kg N/ha en première année et de 120 kg N/ha en deuxième année) pour favoriser leur développement, sinon les graminées risquent de prendre le dessus en termes d’équilibre spécifique. Il est possible d’en faire l’impasse sinon, 60 unités par hectare et par an est un maximum. D’autre part, l’apport au semis est à proscrire pour faciliter le développement des nodosités », souligne l’ingénieur.

Après un pâturage, la fertilisation doit être effectuée dans l’idéal dans les 5 jours qui suivent la sortie des animaux de la parcelle. Toujours idéalement, après fauche, il faut attendre entre 5 et 10 jours pour laisser le temps à la plante de repousser suffisamment. Par ailleurs, on déconseille de réaliser un apport après le 15 juin, l’efficacité économique d’une fertilisation s’en trouve généralement limitée du fait de la pluviométrie estivale aléatoire.

Une fertilisation dès 200 °C jours cumulés

Le premier apport peut avoir lieu, en accord avec la réglementation et selon la portance des sols en fin d’hiver (entre début et mi-février), dès l’atteinte de 200 °C jours cumulés, en partant d’une base 0 °C depuis le 1er janvier. « À 200 °C, on maximise le rendement potentiel (entre 75 et 100 % du rendement maximum). À 400 °C jours, l’atteinte du rendement potentiel est plus aléatoire et varie entre 20 et 100 % du rendement maximum. La fertilisation doit aussi se raisonner par rapport aux cycles de production de la prairie. L’impact d’un apport d’azote est plus fort sur les deux premiers cycles car ces cycles printaniers représentent en règle générale près des trois quarts de la production d’une prairie. »

La forme « ammonitrate » convient dans toutes les situations. En cas d’apport d’urée, privilégier son utilisation en sortie d’hiver lorsque les températures ne sont pas trop élevées et en l’absence de vent.

Concernant la fertilisation minérale en phosphore et en potassium, l’approche est différente selon le type de prairies. Dans le cas d’une prairie temporaire, on raisonne à l’échelle de la rotation via l’analyse de terre et les principes du Comifer et, en tenant compte de l’exigence de la culture, si une dose d’entretien suffit ou s’il faut une dose renforcée. Des données existent par région et type de sols sur le site Arvalis. Dans le cas d’une prairie permanente (ou temporaire de plusieurs années), on utilise des analyses d’herbe et des indices de nutrition (IP et IK). « Attention toutefois, les indices de nutrition P et K sont valables uniquement s’il n’y a pas de problèmes agronomiques, par exemple de pH ou d’hydromorphie sur la parcelle », insiste Rémi Brochier. Les valeurs ainsi obtenues permettront de donner une indication sur la possibilité ou non de faire une impasse en P et K. Les analyses sont à réaliser en routine tous les cinq ans ; au bout de deux à trois ans dans le cas d’un changement de pratiques.

 

 

Fertilisation P et K, se baser sur des analyses

La production d’herbe optimale est obtenue avec un indice de nutrition du phosphore et du potassium compris entre 80 et 100. En ce cas, il faut maintenir ou réduire la pratique actuelle. Si l’indice de nutrition est inférieur à 80, il faut augmenter les apports pour accroître la production. À l’inverse, il faut diminuer voire arrêter les apports.

La potasse est grandement absorbée par la prairie. Les régimes de fauche intensifs exportent de très importantes quantités hors de la parcelle. Les régimes de pâturage ont des besoins bien plus limités grâce aux bouses et pissats des animaux qui restituent l’essentiel de la potasse ingérée.

Les formes d’apport du potassium (chlorure ou sulfate de potassium) n’ont aucune contrainte agronomique. Ce sont des formes toujours très solubles. Pour le phosphore, « il est conseillé d’en apporter sous sa forme superphosphate. La fertilisation minérale en P et K n’est pas nécessaire en cas d’apport d’engrais de ferme tous les deux ans. Si ce dernier est effectué tous les trois ans, un apport de potassium peut être recommandé en troisième année. » Les doses de phosphore doivent être comprises entre 0 et 60 kg P2O5/ha. Celles de potassium entre 0 et 200 kg K2O/ha.

Ne pas oublier les besoins en éléments secondaires

Les éléments secondaires et les oligoéléments jouent également un rôle important dans la croissance des végétaux et la santé des animaux. Les risques de carence en soufre sous prairies sont rares dans les sols profonds et en cas d’apports d’engrais de ferme mais peuvent tout de même se manifester et ce, notamment dans les sols très sensibles au lessivage (peu profonds, caillouteux, sableux…) ou soumis à une pluviométrie importante à l’automne ou en hiver ou à des températures faibles au printemps. « L’apport de 40 à 60 kg SO3/ha au moment du premier apport d’azote suffit pour lever les carences en soufre de l’année. Dans de nombreux pays, on voit une systématisation de l’apport de soufre sur prairies car les retombées atmosphériques ont beaucoup diminué et les graminées sont très sensibles à ce manque. En Belgique, il existe un indice de nutrition soufré depuis 2011. Il devient nécessaire de reformuler les recommandations en soufre. À cette fin, des essais sont en cours à Arvalis », précise Rémi Brochier. Les oligoéléments les plus importants pour la prairie sont le cuivre, le zinc, le manganèse. S’il n’y a pas à l’heure actuelle de problématique majeure oligoéléments sur prairies, il convient d’en suivre les évolutions à travers les analyses de sols.

« L’intérêt économique de la fertilisation doit toujours être pris en compte (gain de productivité rapporté au coût) », souligne l’ingénieur.

Les engrais de ferme, un fertilisant efficace à moindre coût

« La fumure organique reste un atout car elle ramène de l’azote, du phosphore, du potassium, du soufre et les oligoéléments nécessaires à l’alimentation de la plante et ce, à moindre coût », note Rémi Brochier. La fertilisation organique est très bien valorisée par la prairie. Elle a un effet positif sur la qualité de la flore sauf en cas d’apport excessif. L’arrière effet est bien plus long qu’avec une fertilisation minérale et sans effet acidifiant du sol. Les analyses d’engrais de ferme sont peu onéreuses et indispensables s’il n’y a pas d’analyses des produits organiques sur l’exploitation ou lors d’un changement important dans le système d’exploitation. « L’épandage de fumier frais sur prairies est à éviter. Il faut privilégier l’apport de fumier évolué ou composté. Il est préférable d’épandre peu, mais de manière régulière : 20 t/ha tous les ans plutôt que 60 tous les trois ans. Il faut retenir comme doses plafonds : 60 kg P2O5/ha, 160 à 200 kg de K2O/ha et 60 kg SO3/ha. »

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