Ne compactez pas vos prairies !
Parcelles peu productives, difficultés de démarrage en sortie d’hiver, couverture hétérogène du sol… Et si la cause était le compactage ? Contrairement au tassement de surface, le tassement profond, au-delà de 25 cm, ne se voit pas.
Parcelles peu productives, difficultés de démarrage en sortie d’hiver, couverture hétérogène du sol… Et si la cause était le compactage ? Contrairement au tassement de surface, le tassement profond, au-delà de 25 cm, ne se voit pas.
Avec des passages d’outils de plus en plus nombreux, et avec des matériels de plus en plus larges et plus gros, le risque de tassement des prairies est bien réel. Certaines prairies subissent sur une année plus d’une vingtaine d’interventions ! Or, qui dit tassement, dit perte de porosité et mauvais fonctionnement du sol.
Tassement de surface : même avec des matériels légers
Il y a le tassement que l’on voit, en surface. « Ce tassement de surface est généralement créé par la multiplication des passages de roues et accentué lors des interventions avec des conditions humides même avec des matériels assez légers, souligne Christian Savary, conseiller machinisme de la chambre régionale d’agriculture de Normandie. Il est accentué par les crampons (la pression est deux à trois fois plus élevée), le patinage, le ripage… »
Il est possible d’atténuer la pression moyenne au sol en montant des pneus larges, de grands volumes aux flancs souples et capables de supporter les charges à basse pression. Mais cela représente un véritable investissement : « Par rapport à un pneu standard, le prix peut être multiplié par 2,5. » Autre limite, les matériels roulent souvent alternativement sur la route et sur les parcelles avec des recommandations de gonflage différentes. « On recommande une faible pression au champ pour augmenter la surface de portance, limiter le patinage et améliorer la traction. Alors que sur route, une pression plus élevée permet de limiter l’usure, les pertes par « roulement » et une dégradation prématurée. » Pour éviter ou tout au moins limiter le tassement superficiel, mieux vaut donc être vigilant sur les conditions d’intervention sur les premières coupes : « Il faut savoir attendre et éventuellement décaler la récolte de quelques jours », conseille Christian Savary.
Tassement en profondeur : gare aux sols humides
Le tassement en profondeur, à plus de 25 cm, est plus sournois car on ne le voit pas. Il est provoqué par les matériels lourds, quand le sol est humide en profondeur (80 % de la capacité au champ), même avec des pneus fortement dimensionnés. « Les « gros » pneus améliorent la portance avec une grande surface d’empreinte et limitent le tassement de surface mais ils n’empêchent pas la compaction en profondeur », insiste le conseiller. La course au débit avec des engins de plus en plus lourds va à l’encontre de l’agronomie. « Selon différents travaux sur la compaction des sols, il ne faudrait pas dépasser cinq à six tonnes par roue sur les matériels de transport pour ne pas dégrader un sol limoneux au-delà de vingt-cinq centimètres. »
Les conditions d’intervention sont essentielles. « Un sol sec supporte une pression de 2 à 2,8 kg/cm2, mais un sol humide supporte seulement une pression de 0,9 à 1,1 kg/cm2, précise Christian savary. Force est de reconnaître « qu’on n’est pas toujours raisonnable dans le chargement ». Si on prend le cas d’un plateau avec une charge de 17 tonnes, la charge est de 4,25 tonnes par roue. Avec des pneus routiers gonflés à 4 bars, la pression au sol est de 3,6 kg/cm2. Résultat : « Si le sol est humide, on tasse à plus de quarante centimètres de profondeur ! »
L’augmentation de la largeur de la largeur de travail (rampe d’épandage, gros andains…) permet de limiter la part de surface impactée par les roues. « Mais à condition que les matériels lourds circulent toujours au même endroit. Dans ce cas, on accepte le risque d’un tassement en profondeur localisé sur une petite partie de la surface. »
Effet de la charge et de la taille du pneu sur le tassement du sol
1 - L’empreinte moyenne d’un pneu pour une charge de 5 t se traduit par une pression moyenne de 1,07 bar.
2 - Avec la même charge et une roue plus large, le sol est très peu tassé.
3 - En doublant la charge à 10 t et la taille de l’empreinte du pneu, la zone tassée augmente et se propage davantage en profondeur : 125 à 150 kPa jusqu’à 30-35 cm.
Matériels utilisés sur prairies et risques de tassement
- Les interventions pour les apports de lisier ou fumier, la récolte avec des combinés de fauche (8/10 m) et des ensileuses automotrices sont les plus risqués pour le tassement profond.
- L’affouragement en vert est réalisé avec un matériel pas très lourd, mais 40 à 70 % de la surface passe sous les roues.
Le saviez-vous ?
Il existe trois types de porosité :
- la porosité « d’assemblage » due aux interstices entre les agrégats, issue principalement du travail du sol ; c’est la plus sensible à la compaction. Cela se vérifie sur les nouvelles prairies ;
- la porosité « fissurale » liée à l’alternance humidité/sécheresse du sol ;
- la porosité tubulaire liée à la vie du sol (galerie de vers de terre, passage des racines) ; c’est celle qui supporte le mieux la pression.
À retenir
Les prairies naturelles résistent mieux au tassement que les prairies temporaires ; ceci grâce à leur système racinaire ancien, un bon taux de matière organique et une densité de vers de terre élevée. Sur les nouvelles prairies, pour préserver leur potentiel de rendement les années suivantes, il faut être très vigilant sur les conditions d’intervention lors des premières coupes.
Décompactage possible avec un fissurateur
Restructurer une prairie reste une opération délicate. Il est impératif d’attendre que le sol soit bien ressuyé (pour éviter un lissage et une faible décompaction). L’intervention doit être réalisée avec un matériel fissurateur capable de travailler par soulèvement avec des dents fines : il s’agit de fissurer le sol sans troubler le chevelu racinaire. Il faut ensuite laisser le temps à la prairie de se réinstaller avant toute intervention. Pour une meilleure reprise, il est conseillé de privilégier un passage au printemps après une fauche ou un pâturage, et/ou d’accompagner la structuration avec un semis de méteil. Mais décompacter trop souvent une parcelle signifie un problème dans la gestion de la prairie.