Les robots d’alimentation se proposent aux élevages allaitants
Pour la distribution de l’alimentation du troupeau, en élevage allaitant, plusieurs robots sont déjà sur le marché. S’éviter des tâches répétitives et pénibles, libérer du temps de travail : tels sont les premiers attendus de l’automatisation. Des gains zootechniques sont souvent à la clé.
Pour la distribution de l’alimentation du troupeau, en élevage allaitant, plusieurs robots sont déjà sur le marché. S’éviter des tâches répétitives et pénibles, libérer du temps de travail : tels sont les premiers attendus de l’automatisation. Des gains zootechniques sont souvent à la clé.
« La robotique trouve sa place en élevage pour s’émanciper de tâches répétitives et pénibles, a présenté Stéphane Duran de l’association RobAgri (1), à l’occasion d’une journée organisée sur ce thème en novembre par Littoral normand. Les automates permettent de libérer du temps, et garantissent une certaine flexibilité dans l’organisation du travail. Ils représentent ainsi une des options qui se présentent aujourd’hui pour faire face à une tension sur la main-d’œuvre en élevage. Ils sont aussi, sans aucun doute, une carte à jouer pour améliorer l’attractivité du métier auprès d’une partie de la nouvelle génération. D’autre part, une grande partie d’entre eux fonctionnant à l’électricité, ils s’inscrivent dans l’évolution d’ores et déjà actée vers l’avènement de cette source d’énergie.
Une ingestion stimulée et moins de gaspillage
Il y aurait actuellement environ 200 robots d’alimentation en service en élevage bovin en France, d’après RobAgri. En élevage allaitant, leur diffusion est confidentielle. Une enquête en ligne de l’Institut de l’élevage apprend que 0,6 % des éleveurs de bovins viande ayant répondu sont équipés d’un robot d’alimentation en 2023. Mais ils sont quand même 8,5 % à envisager d’investir dans cet équipement à court ou moyen terme "alors que la filière est globalement peu équipée pour l'instant", remarque Clément Allain de l'Institut de l'Elevage.
En passant d’une distribution classique à une distribution automatisée, les constructeurs de robots font valoir des gains techniques potentiels. L’augmentation de la fréquence de distribution stimule l’ingestion des bovins. La modulation du nombre de rations pour les différentes phases d’élevage promet une meilleure adéquation avec les besoins des animaux, y compris pour ceux qui sont en petit lot. Les pertes au silo et à l’auge sont réduites. « Ration distribuée = ration digérée », relève par exemple Pierre Riveron de GEA Farm Technologies. Le fait même que les tâches soient réalisées à chaque fois exactement de la même manière favorise aussi les performances zootechniques. »
Pour l’instant, il n’y a pas d’étude indépendante sur les robots d’alimentation pour des bovins viande. Une grande part des rations sont très riches en fibre en élevage allaitant, alors que les robots sont conçus en première intention pour les rations plus concentrées des troupeaux laitiers. Le temps passé en bâtiment, hors cas des animaux en engraissement, est incomparable. Sur troupeau laitier, une étude de 2020 de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire et l’Institut de l’élevage avait conclu que « la conduite de l’alimentation peut être améliorée et plus précise avec des rations adaptées à chaque lot d’animaux, à condition de bien utiliser le matériel et les logiciels » et que l’optimum pour la production laitière des vaches est atteint avec autour de six distributions par jour.
Un calcul à faire sur la marge nette
Pour choisir un robot, un coût de revient comparatif sur la marge nette est à calculer, et les temps d’astreinte avec et sans cet équipement sont à chiffrer précisément. Le temps d’utilisation du robot sur 24 heures sera plus ou moins important en fonction du nombre d’UGB à nourrir, du nombre de rations différentes à fabriquer, et de la distance entre les silos et les cellules avec les auges. « Une étude technico-économique permet de projeter les impacts et aide à la décision. Mais avant cela, un certain nombre de prérequis sont à passer en revue pour déterminer si l’élevage est ‘robot compatible’ », complétait Amandine Toutain, conseillère bâtiment chez Littoral normand à l’occasion de cette journée.
Le premier de ces prérequis concerne les besoins en électricité. « Un robot d’alimentation qui fonctionne à l’électricité consomme en moyenne 9,5 kWh/j/100 têtes, ce qui représente une facture autour de 2 euros par jour et par tranche de 100 animaux », situe Amandine Toutain. La qualité de la couverture par les réseaux mobiles et parfois par les satellites est aussi à vérifier. Un autre facteur important est la proximité géographique du concessionnaire, et la qualité du service après-vente et des contrats de maintenance. Il faut se renseigner sur les responsabilités en cas de problème technique. Une norme européenne ISO 3991 spécifique aux systèmes d’alimentation robotisée va prochainement être publiée et entrera en application.
Êtes-vous robot compatible ?
Il faut aussi connaître la réglementation pour la circulation du robot. « Aujourd’hui, un engin autonome n’est pas autorisé à circuler sur les voies ouvertes à la circulation publique. S’il y a un chemin communal à traverser sur l’élevage, par exemple, cela peut être un frein à la robotisation. » Plus généralement, le morcellement des sites d’exploitation, la qualité des revêtements de sol, et la topographie constituent des facteurs plus ou moins favorables. Les robots d’alimentation tolèrent aujourd’hui, selon les modèles, un maximum de 10 à 20 % de pente. Il y a une réflexion à mener autour de la circulation dans les sites d’élevage entre les tracteurs, le robot et les visiteurs. Une évolution de l’élevage – changement de rations, construction d’un bâtiment, modification de l’effectif ou de l’orientation du troupeau – est aussi à anticiper.
D’autres facteurs de réussite tout aussi importants sont liés à l’humain. « Il faut être prêt à déléguer l’alimentation du troupeau, et en plus à la déléguer à un robot », pointe Amandine Toutain. L’automatisation s’adresse à ceux qui s’intéressent aux outils numériques. Le risque de pénibilité mentale à cause des alertes est réel. Les changements dans l’organisation du travail se préparent en amont, parfois avec l’aide d’un conseiller. Enfin, le recours à un automate modifie la relation avec le troupeau. « On ne passe plus devant tous les animaux chaque jour au moment de la distribution de l’alimentation. C’est une autre façon de faire son métier, avec plus de temps pour l’observation et la surveillance », relève Amandine Toutain.
En élevage bovin, il est aussi déjà possible d’automatiser le paillage, la repousse des fourrages et le raclage. « La manutention automatisée va arriver sur le terrain avec de premières machines de présérie, d’abord pour le chargement d’unités de méthanisation, puis pour celui des cuisines de robots d’alimentation. Il y aura aussi des solutions bientôt pour le balayage de la cour », confie Stéphane Duran de RobAgri.
Anticiper la nouvelle organisation du travail
Cédric Seguineau, directeur du « Grand défi de la robotique agricole » : « La robotique agricole est en train de passer à grande échelle »
« La robotique agricole est en train de passer à grande échelle. Les secteurs de la viticulture et de l’arboriculture sont plutôt en avance, et le secteur des grandes cultures y arrive. En élevage, cette période est en train de s’ouvrir. Au même titre que l’IA, le numérique, ou encore les produits de bio contrôle, la robotique n'est ni plus ni moins que l’un des éléments de la boîte à outils pour aider les agriculteurs à mettre en place des pratiques durables pour l’agriculture de demain.
Le premier enjeu est de comprendre à quoi sert la robotique, et de ne pas avancer vers le fantasme du robot qui est là pour remplacer l’humain. Les robots ne comportent pas de « boîte noire » : l’agriculteur lui donne ses préconisations, et les réponses sont transparentes. Ensuite, les solutions doivent répondre à un besoin bien identifié sur le terrain. Elles doivent enfin être rentables pour les agriculteurs. »