Les aubracs en transhumance assurent revenu et tranquillité
Dans la vallée de la Truyère, au nord du plateau Aubrac, Olivier Malpel a placé l’estive au cœur de son système. Il voit la transhumance comme un véritable atout. Cette pratique lui permet notamment de se dégager du temps pour les travaux de fenaison et de récolte, sans pénaliser ses résultats économiques.
Dans la vallée de la Truyère, au nord du plateau Aubrac, Olivier Malpel a placé l’estive au cœur de son système. Il voit la transhumance comme un véritable atout. Cette pratique lui permet notamment de se dégager du temps pour les travaux de fenaison et de récolte, sans pénaliser ses résultats économiques.
Depuis 2005, Olivier Malpel, situé à Chaudes-Aigues dans le Cantal, pratique la transhumance. Il fait migrer son troupeau dans les montagnes du nord du Cantal et du sud-ouest du Puy-de-Dôme. À la question pourquoi l’estive ? Olivier Malpel répond malicieusement : « pour les vacances ! » avant d’enchaîner, « le choix de placer en montagne toutes les vaches et doublonnes permet de me libérer du temps sur l’exploitation pour me consacrer à la récolte des fourrages et aux moissons sans me tracasser du soin quotidien aux animaux. Les estives étant bien fournies en herbe et en eau pour l’abreuvement, j’y trouve économiquement mon compte car les charges de transport, de gardiennage et de location sont contenues », explique-t-il. Seuls quelques couples, bourrettes et bourrets que l’éleveur prépare pour les ventes d’automne restent sur un site situé à 3 kilomètres.
Un déroulement en trois étapes
« Sur site, mes parcelles d’estivage sont très peu productives et, en plus, porteuses de piroplasmose, maladie inexistante en estive. » Début mai, Olivier Malpel sort les lots de vaches sur des parcelles « propres », affouragées, pendant une quinzaine de jours. Les lots d’estive sont constitués à ce moment-là. « Au fil des années, j’ai fait en sorte de déplacer les mêmes vaches dans les mêmes lieux pour faciliter leur acclimatation », précise l’exploitant.
Puis vient l’étape du transport fixé cette année entre le 25 et le 27 mai. « Les animaux sont chargés tôt le matin dans un camion à deux étages où sont séparés vaches, veaux et doublonnes. Ils sont déchargés en milieu de matinée », retrace l’éleveur. Les vaches retrouvent leurs veaux et, après un temps de retour au calme sur une parcelle dédiée, elles rejoignent par un chemin jalonné leur séjour pour cinq mois. Pendant cette période, la surveillance s’opère par des tiers de confiance et des visites régulières où Olivier, en chef de troupeau, déplace les animaux qui le suivent sur les différents blocs de pâturage. « La particularité de l’aubrac réside dans sa capacité à se déplacer, elle n’hésite pas à faire 300 à 400 mètres deux à trois fois par jour pour aller s’abreuver. C’est un réel plus dans nos montagnes », estime Olivier. La descente a lieu durant la seconde quinzaine d’octobre selon les ressources fourragères résiduelles. « Nous descendons nous-même les velles et les broutards sont directement vendus de l’estive, ce qui diminue les frais de transport. »
Le transport d’animaux, une activité intense de la région
Mickaël Combacau, travaillant pour l’entreprise Charrade, assure le transport des animaux. « Le pic d’activité pour les montées en estive se situe la seconde quinzaine de mai. Les transporteurs assurent alors deux rotations par jour. Les camions modernes à deux étages acheminent en moyenne une trentaine de couples », détaille-t-il. Olivier renchérit en précisant que « Chaudes-Aigues voit passer une noria de camions à cette époque, les 'migrations' se faisant depuis l’Aveyron et sud Cantal vers le Puy-de-Dôme et le nord Cantal ».
Pour les descentes d’estives, les éleveurs et les transporteurs étant fortement mobilisés pour le Sommet de l’élevage, ce sont donc sur les trois dernières semaines d’octobre que les trajets s’effectuent. Les dates sont ajustées selon les conditions climatiques et les potentialités fourragères des pâturages.
« L’éloignement des estives engendre des frais de carburant et c’est une fragilité de mon système. Si j’en ai l’opportunité, j’évoluerai en regroupant les trois sites sur une seule montagne, plus proche du siège de l’exploitation » escompte-t-il.
La vente de reproducteurs comme moteur économique
Concernant la conduite de la reproduction, les vêlages ont lieu de décembre à mai avec un pic en janvier. L’intervalle vêlage-vêlage (IVV) du troupeau s’établit à 380 jours et le taux de mortalité naissance-sevrage est inférieur à 5 %. L’atout majeur du système réside dans la valorisation des reproducteurs qui constituent 40 % des ventes. « Les vaches, taureaux et génisses d’élevage que je vends sont appréciés pour leur conduite à l’herbe sans nourrisseur, leur docilité et leur séjour systématique attachés en étable entravée. Paradoxalement, ce sont les éleveurs disposant d’une stabulation libre qui exigent cette dernière condition ! », souligne Olivier Malpel.
Côté mécanisation, les charges sont contractées. L’exploitation dispose de trois tracteurs (65, 90 et 120 CV) et de tout le matériel de fenaison (faucheuse, pirouette, andaineur, round baller et dérouleur de balles rondes). « C’est un impératif pour récolter au bon moment », juge Olivier. En revanche, pour les travaux non tributaires de la météo, l’éleveur a recours à la Cuma (pelle, tonne à lisier, épareuse, épandeur à fumier…) ou à la copropriété (fourgon, gyrobroyeur…) de façon à minimiser les coûts.
« Aujourd’hui, passion et gestion sont les deux clés pour perdurer, affirme Olivier Malpel. Sans gestion, nous allons droit dans le mur. Mais c’est aussi la passion du métier, l’attachement à son environnement et à ses pratiques qui nous animent. » L’éleveur espère de tout cœur que son exploitation sera reprise par une de ses trois filles. L’une d’entre elles a déjà cette sensibilité agricole et motive son père à sortir en concours.
Passion et gestion, deux clés pour perdurer
Chiffres clés
EARL Malpel
910 m d’altitude
206 ha de SAU dont 78 de surfaces pastorales, estives. 114 en SFP dont 111 tout en herbe. 11 ha de triticale et 3 ha de moha
85 vaches aubracs à vêler dont 80 % en race pure
1 UGB/ha de SFP
1,25 UMO dont 0,25 d’entraide
Avis d’expert - Yann Bouchard, ingénieur en méthodes et références à la chambre d’agriculture du Cantal
« Valoriser la génétique et produire de la viande en autonomie »
« Le fonctionnement économique de l’EARL Malpel est extrêmement performant. Le revenu disponible dégagé y est supérieur de près de 40 % à la moyenne des fermes du réseau rustique suivies dans le dispositif Inosys. La structure d’exploitation est pourtant atypique, 40 % de la surface totale étant composée d’estives. Deux clés de réussite ont été identifiées : la valorisation de la génétique du troupeau qui permet des ventes régulières pour l’élevage, ainsi qu’une stratégie de maîtrise des charges, quitte à ce que cela soit au détriment des quantités produites. Seulement 255 kg de viande vive par UGB sont en effet produits mais pour une consommation totale de concentrés par kilo de viande inférieure à 1 kg. En comparaison, le seuil moyen du réseau rustique Inosys s’établit à 330 kg de viande vive produite par UGB pour 1,7 kg de concentrés. La vente des broutards à la descente de l’estive sans nourrisseur explique en partie cette performance. La présence de céréales intraconsommées, qui constituent 67 % du concentré distribué, permet de limiter fortement les coûts alimentaires. La constante surveillance des charges place l’exploitation sur le podium des meilleures efficacités économiques (47 % de ratio EBE/PB en moyenne de 2014 à 2021). Un seul enjeu pour l’avenir, maintenir la performance. »