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Le sénateur Jean Bizet appelle la filière viande bovine à sortir de l’immobilisme

Un rapport présenté à la presse le 24 septembre propose de redonner la primauté à l'agriculture sur le droit à la concurrence au niveau européen, afin que les organisations de producteurs disposent d’un pouvoir sur les prix. Et de créer « un électrochoc » au niveau national en conditionnant le montant de l’ABA à l’âge d’abattage des animaux.

bâtiment quarantaine en élevage jeunes bovins charolais
© S.Bourgeois-archives

Dans un rapport d'information présenté à la presse le 24 septembre, le président de la commission des Affaires européennes du Sénat, Jean Bizet (sénateur Les Républicains élu dans le département de la Manche) constate que le droit de la concurrence ne protège pas assez les agriculteurs. Il plaide pour un changement de paradigme.

« Les objectifs de la Pac doivent primer sur ceux de la politique de concurrence, et il est nécessaire d’aller au-delà des avancées du règlement Omnibus et de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. » Il propose de redonner la primauté à l'agriculture sur le droit à la concurrence au niveau européen afin de redonner aux agriculteurs un pouvoir de marché.

« Les activités collectives menées par les organisations de producteurs devraient par principe être compatibles avec la politique de concurrence. Il y a lieu de développer les moyens d’action des organisations de producteurs en matière de régulation des prix. » Ce que Bruxelles avec le règlement omnibus ne permet actuellement qu’en période de crise, comme lors de la crise du lait en 2016, alors que c’est ce que font les agriculteurs américains depuis le Capper Volstead Act de 1922. Les prix ainsi définis devant, selon ce rapport, être issus de négociations collectives et permettre une juste rémunération de chaque maillon de la filière.

Une production qui ne correspond plus aux attentes des consommateurs

Ce rapport insiste sur le fait qu’il ne faut pas pour autant s’en remettre exclusivement à l’Union européenne pour sortir de la crise la filière viande bovine française, qui représente « un problème spécifique à notre pays. » « Il appartient aux pouvoirs publics français d’aller jusqu’à contraindre financièrement les producteurs de viande bovine à sortir du piège dans lequel ils sont pris. »

Ce rapport part du principe que la production de viande bovine ne correspond plus aux attentes des consommateurs et qu’il convient de privilégier des animaux moins lourds et plus jeunes. Il propose que le versement de l’aide aux bovins allaitants (ABA) ne soit intégral que si l’âge des animaux abattus ne dépasse pas 16 mois.

Le rapport ne donne pas davantage de détail sur la ou les catégorie(s) d’animaux qui pourraient être visée(s) par cette mesure, dans quel périmètre elle pourrait s'appliquer entre export de maigre et engraissement de jeunes bovins. En l'état, cette proposition laissera sans aucun doute les éleveurs pour le moins perplexes. Il ne s'agit pas en tous cas de pointer les races emblématiques françaises.

« Seul un électrochoc de cette nature serait de nature à surmonter la force d’inertie des acteurs de la filière » argumente le rapport, qui rappelle qu’il faut se placer au niveau du résultat économique de l’exploitation et non se focaliser sur le prix payé au poids par animal pour appréhender cette transition. Le système de classement à l’abattoir pourrait en même temps être amélioré en s’enrichissant de données sur la qualité organoleptique de la viande.

« Parallèlement, les animaux plus lourds qui continueraient à être produits seraient mieux valorisés grâce aux signes européens de qualité, en particulier les IGP » précise le rapport. En conférence de presse a été cité l'exemple de la filière qualité Carrefour qui développe massivement en rayon traditionnel le label rouge dans le cadre du plan de filière ou encore la filière Prim'herbe (génisses essentiellement, abattues avant l'âge de 18 mois et dont la ration comporte au minimum 35 % d'herbe sous différentes formes).

« L’ensemble de la filière gagnerait à une telle segmentation de marché. » Le rajeunissement des animaux abattus permettrait également de réduire l’empreinte carbone de la filière, et participerait au succès de la stratégie européenne du Green Deal.

Le rapport pointe les autres causes de la crise structurelle sans fin de la filière viande bovine française : absence de stratégie de développement pérenne à l’exportation, long attentisme de l’interprofession, statu quo du modèle économique des principaux industriels et distributeurs, mais aussi tendance naturelle à l’individualisme de nombreux éleveurs.

« Des difficultés qui sont aggravées par le déséquilibre dû à un acteur majoritaire de l’abattage découpe, le groupe Bigard, qui ne considère que la logique de son propre modèle économique. Il donne le sentiment de se satisfaire de sa forte position sur le marché national qui le rendrait peu enclin à engager un effort pérenne à l’exportation, au-delà d’opérations ponctuelles de ‘dégagement’ d’excédents de production. »

Ce rapport attribue « l’échec prévisible » de la loi Egalim à des logiques économiques anciennes. « Depuis la loi Royer de 1973, le législateur est intervenu à une dizaine de reprise sans jamais parvenir à inverser le rapport de force défavorable aux agriculteurs français et plus encore aux éleveurs bovins. Il n’y a pas eu manque de volonté politique, au contraire, mais à chaque fois les grands acteurs de la distribution sont parvenus à contourner à leur profit les contraintes qui leur étaient imposées. »

La filière viande bovine est analysée dans ce rapport comme le maillon faible de l’agriculture française, qui handicape par ricochet d’autres filières agricoles en condamnant la France à être sur la défensive, notamment dans l’application du Ceta. Et cette situation se répète pour tout accord de libre-échange.  

 

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