le marché de la paille en ébullition
La persistance du temps chaud et sec a anéanti tout espoir de voir
s’inverser la situation pour le volume de paille disponible. Pour moraliser le marché, la profession s’organise. Seule une véritable solidarité entre les secteurs des productions végétales et animales permettra de franchir ce cap.
Difficile de contrer ce qui ressemble fort à un vent de panique face à la situation critique à laquelle est confronté l’élevage allaitant français en cette troisième semaine de mai (date du bouclage de ce numéro). Dans la continuité d’avril, la quasi-absence de précipitations de ces dernières semaines a fait empirer une situation qui de l’avis de bien des observateurs devient, au moins dans certains départements, sensiblement plus grave qu’en 1976. Ce sont les piètres rendements sur les premières coupes des prairies et la perspective désormais irréversible d’avoir des quantités de grain et de paille réduites de 30 à 50 % dans la plupart des parcelles non irriguées qui a en quelques jours confirmé l’urgence d’une situation qui va souvent au-delà de ce qui avait été redouté dans un premier temps.
« Tous les départements des zones céréalières, d’ores et déjà très sollicités, nous annoncent des rendements en paille très bas, autour de la moitié du chiffre habituel », souligne Patrick Breyton, directeur de la FDSEA de la Loire. Les grandes plaines champenoises sont particulièrement touchées. « Les orges de printemps font 15 à 20 centimètres. Les blés sont à hauteur du genou. Tout le monde court après la paille pour laquelle la spéculation fait flamber les prix », s’irrite Henri Vaillant, éleveur dans les Ardennes et président d’Elvea 08. « La situation évolue de jour en jour. On entend tout, côté tarifs avec une forte pression de négociants mais aussi d’éleveurs qui contribue à faire grimper les prix. La baisse sensible des rendements en paille incite même certains départements du nord Massif central pourtant dotés de belles surfaces en céréales à paille à aller prospecter ailleurs pour compléter une ressource qu’ils pressentent insuffisante », souligne Hervé Morainville, directeurde la FDSEA de la Haute-Loire.
« Les pouvoirs publics ne semblent pas à ce jour mesurer l'ampleur et gravité du séisme en préparation.Dans ce contexte, les mesures annoncées à ce stade par le ministre sont largement insuffisantes face aux besoins, estime la Fédération nationale bovine. « Les semaines à venir seront cruciales pour organiser le travail. Il y a besoin de cadrer les choses. Il faut chiffrer les volumes disponibles dans les zones céréalières et les besoins dans les départements d’élevage, puis gérer les problèmes de camions, de matériel, de logistique. Il faut un travail d’explication pour que tout fonctionne et pour faire cesser ce mouvement de panique en cours qui alimente le sentiment de pénurie et fait monter les prix de la paille inutilement », soulignait Patrick Breyton. L’objectif est de ne pas dépasser le seuil de 25 €/tonne pour la paille en andain, quand on entend souvent parler de 40 €/tonne dans certains secteurs.
Certes, la paille sera incontournable pour alimenter les animaux une partie de l’année, mais tous les autres produits ou coproduits ne doivent pas être négligés, qu’ils soient destinés à l’alimentation des animaux (cultures dérobées, ensilage de maïs irrigué initialement destiné au grain, céréales immatures, pâturage dans les sous-bois…) ou à un substitut pour confectionner les litières (plaquettes forestières, sous-produits de l’industrie du bois…) en permettant ainsi à la paille d’aller dans les auges et non sous les sabots. Mais sans vouloir céder à un pessimisme exagéré, il faut reconnaître que la situation est bien plus compliquée qu’en 2003. D’après les cartes météo, la zone concernée par la sécheresse va bien au-delà du territoire français. Les trésoreries sont surtout beaucoup plus tendues après trois années de crise et les prix des céréales et tourteaux ne sont en rien comparables.
Dossier
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