J.-C. Guesdon, Inst. de l´élevage
La pénurie de vaches laitières est au plus fort cet automne
J.-C. Guesdon, Inst. de l´élevage
Les signaux forts du marché du lait incitent les éleveurs à augmenter la production et entraînent, cet automne, une pénurie de vaches laitières sur le marché de la viande.
Quels facteurs expliquent la pénurie de vaches laitières que l´on observe cet automne ?
Les signaux forts du marché du lait encouragent les éleveurs à produire davantage et les éleveurs retardent la réforme d´une partie de leurs vaches. Avec des fourrages de qualité médiocre et des concentrés au tarif élevé cet automne, la solution la plus efficace et la moins coûteuse pour accroître la production de lait apparaît clairement d´augmenter le nombre de vaches en production. La France connaît un contexte de sous-réalisation structurelle des quotas, et la grande partie du pays qui est touchée par la FCO peine à remplir le tank à lait.
Cette situation est-elle durable ?
Sur les mois d´octobre, novembre et décembre, nous sommes certainement au plus creux de la disponibilité en vaches laitières sur le marché de la viande bovine. Cette rétention durera pour une partie des vaches quelques mois, d´autres seront conservées pour une lactation de plus. Les réformes se feront a minima sur le prochain semestre et c´est plutôt sur la prochaine campagne que l´on s´attend à ce qu´elles soient mises en marché. Les éleveurs pratiqueront moins le croisement industriel, il y aura très peu de génisses de boucherie mais aussi très peu de génisses d´élevage sur le marché au cours des prochaines années. Même si le taux de réforme va devoir rapidement revenir à un taux plus normal.
Quelles sont les conséquences sur les cours et les marchés ?
Les opérateurs « courent » après les vaches et les cours sont donc fermes. Fin novembre, la vache O se vend au même prix que cet été : la baisse des cours traditionnellement observée à l´automne pour les vaches laitières n´a pas eu lieu cette année. Et les cours se situent 6 % au-dessus des excellents prix de l´automne dernier.
De plus, cette pénurie de vaches laitières tire les cours du jeune bovin vers le haut. Ils se rapprochent des niveaux élevés de l´automne dernier. Les sorties de jeune bovin sont en effet en baisse après des abattages très importants durant l´été.
Face à ce manque de viande, les importations de vaches laitières progressent, surtout en provenance d´Allemagne et d´Irlande. Mais nos voisins se trouvent eux aussi, dans le même contexte de forts besoins en lait et les disponibilités ne sont pas énormes, mis à part une réserve de vaches laitières en Angleterre qui, pour l´instant, n´est pas exploitée après l´épisode de fièvre aphteuse qui a fait suite à celui de l´ESB.
La recapitalisation des cheptels laitiers en France va-t-elle se poursuivre ces prochaines années ?
Des aménagements de quotas sont annoncés pour 2008 et se poursuivront très probablement pour les années suivantes. Cette politique de relance de la production laitière devrait, d´après nos travaux, avoir pour effet global de ralentir la baisse structurelle du cheptel laitier que l´on connaît depuis dix ans par progression régulière de la productivité des vaches.
Certaines régions pourront augmenter leur production laitière entre 2009 et 2013, en particulier les régions à forte densité laitière du Grand Ouest et de l´Est. Mais ces régions ont aussi leurs contraintes environnementales et leurs limites de développement. Les zones de polyculture-élevage à faible densité laitière (Bourgogne, Centre, Poitou-charentes et certaines zones du Sud-Ouest) sont les plus exposées à un repli de la production laitière dans le contexte de prix très élevés des céréales. Les zones déjà spécialisées en lait de montagne et piémont, où les AOC règlementent la production, ne semblent pas non plus en mesure d´augmenter beaucoup leurs livraisons.
La France ne perdrait alors, selon nos hypothèses, que 140 000 vaches laitières entre maintenant et 2013, c´est-à-dire moins que ce que l´on pouvait estimer il y a deux ans. L´effectif pourrait ainsi s´établir autour de 3 660 000 au moment de la prochaine réforme de la PAC.