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La filière viande bovine irlandaise mise sur l’export

Mark Zieg, Directeur filière bœuf chez Bord Bia organisme de promotion pour l’agriculture et l’agroalimentaire irlandais, fait le point sur la filière viande bovine irlandaise.

© Bord Bia

L’érosion du cheptel de viande bovine en Irlande est-il une préoccupation ?

Mark Zieg - Notre cheptel de vaches allaitantes est certes en recul (- 14 % en dix ans soit – 129 000 têtes) mais le nombre total de vaches progresse (+13 % entre 2010 et 2020) du fait de la croissance du cheptel laitier. Dans le système irlandais orienté sur les carcasses légères produites à l’herbe, il n’y a pas de différence majeure dans le volume de viande entre un bœuf prime issu du cheptel viande et un autre, issu d’un croisement lait x viande. L’érosion du troupeau allaitant n’est ainsi pas une préoccupation pour la disponibilité en viande. Il est en revanche important de maintenir une part importante de cheptel allaitant pour maintenir la qualité des carcasses.

Les bœufs et les génisses restent la catégorie la plus représentée dans les abattages irlandais. Ces dernières années la part des abattages de JB a reculé avec le recentrage des éleveurs sur les systèmes herbagers. L’année 2022 est par ailleurs marquée par une hausse des abattages de vaches laitières.

Le Brexit inquiète-t-il toujours l’Irlande ?

M.Z. – Nous restons vigilants, mais globalement, le Brexit a eu peu d’impact sur la filière pour le moment, il y a eu une hausse des exportations fin 2020 compensée par une nette baisse début 2021 et depuis la situation s’est détendue. Entre l’annonce du référendum en 2016 et la mise en place progressive des premières restrictions, les entreprises irlandaises ont eu trois ans pour se préparer. Aujourd’hui, les délais lies au travail administratif sont le principal inconvénient (24 heures de perte de temps). Les entreprises irlandaises ont su se réorganiser et sécuriser leurs exportations. La stratégie dès 2016 a été de réduire la dépendance au Royaume-Uni (RU) en investissant dans d’autres marchés. Tous produits confondus, aujourd’hui, un tiers de nos exportations agroalimentaires est exporté vers le RU, un tiers vers l’Union-Européenne et un tiers vers les pays tiers. Même si ce marché reste essentiel (la viande irlandaise représente 40 % du marché britannique), l’Irlande a réussi à limiter sa dépendance.

L’accord de libre-échange signé entre l’Europe et la Nouvelle-Zélande représente-t-il une menace pour la filière viande bovine irlandaise ?

M.Z. – Cet accord avec la Nouvelle Zélande est plus inquiétant pour l’agneau que pour le bœuf. L’accord entre le Royaume-Uni et l’Australie a été très commenté en Irlande mais l’impact devrait se limiter aux segments de marchés sur lesquels l’Australie est déjà compétitive. Pour l’Océanie la vraie clef est le comportement de la demande Chinoise, si celle-ci reste dynamique les exportations océaniennes ne seront pas très agressives. Fondamentalement en tant qu’exportateur (l’Irlande exporte plus de 90% de son bœuf), nous sommes ouverts au libre-échange et confiants sur notre capacité à jouer sur nos points forts. Au RU par exemple le cœur de notre business et la viande fraîche de GMS, sur ce créneau nous ne nous sentons pas menacés par l’Océanie, surtout sur le haché. D’ailleurs les grands exportateurs internationaux sont présents depuis longtemps, nous leur faisons face sur tous nos marchés d’exports.

 

Le réchauffement climatique en cours, peut-il avoir un impact sur la production future de viande ?

M.Z. – Le réchauffement climatique est évidemment inquiétant même s’il n’a pas pour le moment d’impact majeur sur nos systèmes de production. Nous pourrions dans le futur connaître des évènements climatiques plus extrêmes. Des pluies plus intenses à l’ouest de l’Irlande pourraient affecter la saison de pâturage, à l’Est nous pourrions connaître des sècheresses plus fréquentes. Nous pensons néanmoins que notre système basé sur l’herbe est bien armé pour faire face à ces défis, mieux que dans beaucoup de régions du monde.

L’objectif affiché de réduire de 50 % les émissions de GES, tous secteurs économiques confondus à l’horizon 2030, est un défi. Les contraintes environnementales contraindront-elles la production irlandaise à cette échéance ?

M.Z. – L’agriculture est le premier contributeur aux émissions nationales irlandaises de GES et doit donc contribuer à leur réduction. Fin juillet les partis de gouvernements se sont accordés pour une réduction de 25 % des émissions agricoles d’ici 2030 par rapport à 2018. Le ministre de l’Agriculture, Charlie McConalogue, a cependant rappelé que la production de viande et de protéines laitières de haute qualité resterait la clef de voute de l’agriculture Irlandaise. Notre objectif est de continuer à développer technologies et savoir-faire pour réduire nos émissions par unités de production.

En 2012 l’État, via Bord Bia, a mis en place Origin Green, programme d’amélioration de la durabilité de la production alimentaire qui comprend bien sur un volet sur la réduction des GES. Exploitations et transformateurs sont régulièrement audités afin d’optimiser des critères écologiques et économiques. Entre 2013 et 2019, les élevages audités ont réduit de – 6 % leurs émissions de CO2 par kg de bœuf.

Le premier levier d’amélioration est la productivité, nous devons éliminer les UGB improductifs et aller vers un rajeunissement des bœufs et génisses. L’âge moyen a l’abattages est aujourd’hui autour de 27 mois, nous pensons pouvoir descendre à 24 mois. L’amélioration des pratiques d’élevage, notamment en matière de fertilisation et d’épandage est aussi un levier majeur, de même que l’amélioration génétique. Notre système national de sélection génétique (ICBF) a désormais génotypé la majorité des bovins allaitants et créé des index mesurant l’efficacité alimentaire des animaux et leurs émissions de méthane, ceux-ci permettront aux éleveurs de sélectionner les animaux les plus efficaces.

Quels sont les objectifs de la filière viande bovine irlandaise ?

M.Z. – Nous voulons continuer de développer notre offre haut de gamme, diversifier nos marchés export et optimiser la création de valeur. Pour cela, il est nécessaire de renforcer les liens avec nos clients internationaux pour coller au mieux à leur besoins et limiter au maximum le commerce de commodité. Maximiser la valorisation des systèmes allaitants est une priorité parmi les priorités, nous étudions le potentiel du bœuf allaitant irlandais auprès des consommateurs. Une enquête auprès de 4000 consommateurs européens a montré que seuls 9 % connaissent le système allaitant, mais après explications 56% se déclarent prêt à payer un premium pour ce type de viande, c’est encourageant.

L’an passé nous avons lancé notre certification « nourri à l’herbe » qui nous semble répondre à la demande croissante pour une alimentation de haute valeur nutritionnelle, produite de façon naturelle dans le respect du bien-être animal. Le goût reste cependant la motivation première du consommateur de viande de qualité et le bœuf irlandais nourri a l’herbe ressort très bien dans les différentes dégustations croisées que ce soit en Europe ou dans nos marchés tiers, au Japon ou aux USA. Nous considérons notre capacité à démontrer objectivement les qualités de notre viande comme centrale dans notre stratégie de filière.

Pour en savoir plus

L’Institut de l’élevage a publié en novembre 2021 un dossier consacré aux filières lait et viandes en Irlande.

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