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Jean-Paul Boyer, négociant en bovins : "Un prix résulte d’une confrontation entre offre et demande"

La loi Egalim 2 et l’obligation de contractualisation ont pris du retard. Négociant dans l’Aveyron, Jean-Paul Boyer n’a jamais caché son hostilité aux contrats. Pour autant, il n’y est pas totalement réfractaire à condition qu’ils ne soient pas obligatoires.

Jean-Pierre Boyer, négociant en bovins : "Un prix résulte d’une confrontation entre offre et demande"

La loi Egalim 2 aurait théoriquement dû se traduire par la mise en place de contrat pour les gros bovins finis le premier janvier dernier. Comment expliquez-vous ce retard ?

À ce jour, il n’y a pas pléthore d’éleveurs qui ont signé de contrat ! Si la mayonnaise n’a pas pris, c’est que la majorité d’entre eux ne s’y retrouve pas. C’est d’autant plus vrai compte tenu de la forte progression du prix des gros bovins finis au premier semestre puis des broutards au second. Et il faut bien reconnaître qu’aucun consommateur n’est prêt à s’engager pour contractualiser ses achats de viande pendant une durée donnée auprès d’un distributeur donné à un prix déterminé.

Votre position a-t-elle évolué depuis l’annonce de l’obligation de généraliser ces contrats à toutes les catégories de bovins ?

Contrairement à ce qui avait été dit fin 2021, les négociants ne sont pas les seuls à s’être opposés à cette obligation, d’où la naissance du collectif « éleveurs et négociants, solidaire ». Je comprends tout à fait que des éleveurs aient envie de contractualiser pour une catégorie donnée, par exemple une production de JB. Mais de là à rendre la contractualisation obligatoire et généralisée, c’est totalement utopique.

Pour autant, oui les producteurs de viande et de lait sont sous-payés et je dis ceci depuis longtemps. Avec la récente progression du prix des bovins, les éleveurs vont faire davantage de chiffres d’affaires. Ils vont cotiser davantage à la MSA, mais compte tenu de la hausse de leurs coûts de production l’éventuelle progression de leur revenu sera bien modeste.

On sent monter l’inquiétude chez les abatteurs ?

Aujourd’hui les abatteurs se font un souci monstre car la plupart d’entre eux sont loin de saturer leurs outils. Ce recul de l’offre fait que certains d’entre eux sont prêts à réaliser des contrats afin de pérenniser des outils. À terme il y a un risque évident de voir la France perdre son autosuffisance pour la viande bovine comme c’est déjà le cas pour bien d’autres produits avec vraisemblablement la nécessité dans de brefs délais d’aller chercher ailleurs ce que l’on ne produira plus chez nous.

Et quid de la contractualisation pour le maigre en principe obligatoire depuis le premier juillet ?

Comment une loi franco-française pourrait-elle s’appliquer en traitant avec des pays où il n’est pas question de contractualiser ? Certains de mes clients étrangers m’ont ri au nez quand je leur ai annoncé que l’évolution de la législation française allait m’obliger à établir des contrats pour mes achats d’animaux maigres. On ne peut pas imposer de tels procédés pour une production majoritairement destinée à l’export. Si on était en Corée du Nord où toutes les frontières sont fermées, oui cela pourrait s’envisager, mais on est en pleine mondialisation. On aime ou on n’aime pas, mais on est soumis au marché, à la loi de l’offre et de la demande, aux évolutions de parité des monnaies et au contexte géopolitique mondial. Sans remonter 5 ans en arrière, qui aurait dit il y a un an que l’Algérie achèterait des broutards au prix auquel on les leur vend aujourd’hui ? La hausse des prix du gaz et du pétrole a donné à ce pays autant de ressources supplémentaires et personne n’était en mesure de prédire précisément ces évolutions. Ouvrir des portes et trouver de nouveaux marchés est la meilleure façon de tendre les tarifs dont les premiers bénéficiaires seront les éleveurs.

Quels sont vos pronostics pour le prix des animaux et l’érosion du cheptel ?

Le recul des cheptels est net depuis cinq ans, mais prévisible et enclenché depuis bien plus longtemps. La PAC de 1992 avec la mise en place des différentes aides compensatoires en portait à mon avis déjà les germes. On ne retrouvera jamais les centaines de milliers de vaches qui ont disparu. Il y a un impact évident lié à l’évolution en cours et à venir du nombre d’éleveurs. Et dans bien des régions, dès qu’ils peuvent faire autre chose, les jeunes ne veulent plus s’embêter avec des vaches et des vêlages car c’est trop peu rémunérateur et astreignant côté temps de travail. Et surtout il faut un capital trop conséquent pour s’installer. Les prix des bovins vont probablement légèrement progresser mais ne monteront pas jusqu’au ciel. Compte tenu du contexte latent depuis des années mais qui a été réellement révélé par la guerre en Ukraine, nous avons en Europe tous les germes d’une forte récession qui finira probablement par arriver sans qu’il soit possible de dire quand précisément.

Comment analysez-vous les perspectives d’évolution du nombre d’entreprise au sein de votre profession ?

Il y a eu beaucoup de restructurations. Les obligations fiscales auxquelles sont confrontées nos entreprises – contrairement aux coopératives qui n’en ont pas – accentuent forcément l’érosion dans nos rangs. C’est tout particulièrement vrai dans les zones où le cheptel a déjà beaucoup diminué. Dans le Massif central et surtout dans sa moitié sud, ces évolutions sont moins perceptibles. Mais il va forcément y avoir des évolutions. Elles seront liées à l’effet pyramide des âges et au recul des effectifs bovins. Même dans les départements où il n’est pas possible de faire autre chose que de l’élevage, l’érosion des cheptels est perceptible. Dans le Massif central bien des éleveurs réduisent le chargement pour conforter l’autonomie alimentaire. L’effet sécheresse et rats taupiers est très net.

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