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" Je valorise au maximum la rusticité de mes aubracs "

Bien qu’installée en Normandie, Stéphanie Raveneau, dispose de terres accidentées, peu mécanisables mais bien valorisées grâce à la rusticité de ses aubracs et de son travail sur le pâturage.

C’est la passion pour les chevaux qui a amené Stéphanie Raveneau à s’installer en mai 2005, hors cadre familial, à Les-Authieux-sur-Calonne dans le Calvados. Depuis, les « belles aux yeux noirs » de l’éleveuse ont pris le dessus dans l’activité (arrêt du poulinage). Si aujourd’hui, le cheptel compte 85 mères aubracs sur 120 hectares, conduites en agriculture biologique depuis 2018, l’éleveuse a commencé sa carrière avec 25 hectares, un cheptel de six normandes conduites en allaitantes et deux juments trotteuses.

Fraîchement installée, l’éleveuse a contacté l’Union aubrac afin de trouver des femelles. « Mes treize premières femelles sont arrivées en septembre 2005, en provenance d’un cheptel de la Manche puis sept autres, en 2008, d’un second élevage », évoque Stéphanie Raveneau. Ensuite, le cheptel a été constitué par croît interne. Le 100 % IA était de rigueur jusqu’à l’acquisition d’un taureau en 2012.

Désormais, le troupeau est mené en 100 % monte naturelle (trois taureaux du berceau). Tous les animaux sont inscrits au herd-book de la race. « Je suis passionnée de génétique (j’ai une licence d’inséminatrice pour les équins). J’ai commencé à vendre de la génétique en 2012. Depuis, je vends chaque année quelques mâles et femelles pour la reproduction. Au début, je me suis surtout attachée à améliorer les bassins des vaches. Désormais, l’objectif est de ramener davantage de profondeur de poitrine tout en gardant bien les critères de la race, surtout sa rusticité. »

Valoriser la précocité des génisses

La double période de vêlages s’est imposée au fil du temps. Au début, tout le monde mettait bas l’automne. Cependant, comme l’éleveuse pèse régulièrement les génisses - tous les un mois et demi à deux mois - elle a vite constaté que certaines nullipares atteignaient les 420 kg vifs plus rapidement. Une seconde période de vêlages a donc vu le jour au printemps pour les génisses précoces. Une vingtaine de femelles met ainsi bas du 15 mars au 1er juin. « Cette double période représente un atout pour la vente directe, débutée en 2009 sur l’exploitation. Je porte également beaucoup d’intérêt à certaines lignées. Je laisse donc parfois une seconde chance à mes très bonnes vaches. »

Les vêlages d’automne sont quant à eux très groupés. « Je suis très sévère sur cette période. Les taureaux rentrent dans l’une des trois cases de 20 femelles, le 20 janvier et en ressortent, le 20 mars. De cette manière, toutes les mises bas sont finies avant les fêtes », précise Stéphanie Raveneau. Pour s’adapter à son environnement, le début de la période de vêlages, initialement en septembre, a été décalé plus tard à l’automne. De cette manière, les femelles vêlent dehors jusqu’à la fin novembre et rentrent dans le bâtiment au fur et à mesure.

Aller chercher toujours plus d’herbe pâturée

Le manque de main-d’œuvre est le point noir de l’exploitation. Il est difficile de trouver quelqu’un. « Pour certaines tâches, j’ai recours à des contrats Tesa (foin…). J’apprécierais d’installer un jeune qui pourrait développer un autre atelier. En 2020, j’ai trouvé deux salariés pour un 35 heures au total. Ils n’ont malheureusement pas pu rester (santé et auto-entreprise). J’ai tout de même pu profiter d’un peu plus de disponibilité et de leur aide pour mettre en place du pâturage tournant dynamique en techno pâturage sur 25 hectares (parcelles découpées en paddocks où les animaux avancent chaque jour avec un fil avant/fil arrière) », note l’éleveuse, dans sa recherche de toujours plus d’autonomie avec de l’herbe pâturée.

Sur les 120 hectares, seuls 40 peuvent être fauchés, les parcelles étant très accidentées. « L’idée est donc d’allonger la saison de pâturage avec de l’herbe pâturée toujours au bon stade. Le climat plus sec aide également. Avec le techno pâturage, les génisses et les réformes peuvent tenir sans affouragement jusqu’à la mi-décembre, voire fin décembre. L’objectif est également de limiter la mécanisation. J’ai banni la herse et n’utilise quasiment plus le broyeur. J’ai gardé deux juments qui passent derrière les génisses pour que les parcelles soient propres. J’ai dans l’idée également de faire venir en pension des juments porteuses d’embryons (5-6 par paddock soit 15 à 20 maximum) pour suivre les vaches et ainsi bénéficier de toute l’herbe disponible à la belle saison. »

Diminuer toujours plus la mécanisation

Si l’éleveuse cherche à réduire au maximum la mécanisation sur son exploitation, elle est par choix, plutôt bien équipée côté bâtiment. « La ferme se situe sur des sols argileux et les hivers sont très humides. Il n’est donc pas possible d’hiverner le troupeau à l’extérieur, au risque de matraquer les parcelles. Il était également important pour moi de disposer de bâtiments fonctionnels et esthétiques pour le bien-être des veaux et le mien. »

La contention permet également à l’éleveuse d’intervenir en toute sécurité. « Par contre, elle ne me permet pas d’agir seule. Je réfléchis à investir pour résoudre le problème. Pour récupérer les animaux au champ, je me débrouille avec mes deux chiens de troupeau », souligne Stéphanie Raveneau. L’hiver, les vaches suitées sont au foin et à l’enrubannage. Les femelles gestantes et génisses pleines n’ont que du foin. Du sel et des minéraux sont également à la disposition de tout le troupeau.

Les mâles sont vendus broutards à Copelveau, à des engraisseurs manchois ou partent pour la reproduction, sauf en 2021. L’éleveuse a gardé six mâles castrés pour faire un essai de pâturage hivernal sur les parcelles conduites en techno pâturage. « Le climat change, il faut valoriser au maximum l’herbe quand il y en a. »

Allonger la saison de pâturage

Chiffres clés

85 mères aubracs, système naisseur
25 brebis des Landes de Bretagne
13 chèvres des fossés
1 gîte
121 ha dont 120 de prairies permanentes et 0,8 de vergers hautes tiges (pommes à cidre)
1,21 UGB/ha de SFP
18 % de taux de renouvellement
1 UTH
358 jours d’IVV
30 mois âge au premier vêlage
6 % de mortalité des veaux
1 115 g/j de GMQ pour les mâles de 0 à 210 jours et 884 g/j pour les femelles

Avis d’expert

Vincent Lecoq, conseiller Bovins Croissance à Littoral normand : « Un système simple et économe »

« Grâce à son système tout herbe et une bonne valorisation des femelles avec la vente directe, Stéphanie Raveneau dispose d’un système simple et économiquement viable. Son niveau de charges est très bas, ce qu’il lui permet de dégager de bonnes marges. La mise en place du pâturage tournant dynamique a permis à Stéphanie Raveneau de gagner en productivité en herbe et ainsi d’atteindre l’autonomie alimentaire. Le seul achat extérieur se résume à celui de la paille. La reproduction fonctionne très bien. Stéphanie Raveneau fait attention à ne pas faire de gros lots de vaches pour chaque taureau. Les croissances des animaux ne sont pas énormes mais très corrects. Malgré une exploitation très accidentée et pas toujours mécanisable, Stéphanie a su trouver la race bien adaptée à son système et profite à fond de la rusticité de la race. »

Écopâturage et diversification

« En 2009, j’ai commencé la vente directe en valorisant des mâles castrés car je gardais toutes les génisses pour la reproduction. Aujourd’hui, je commercialise 6 à 10 bêtes par an, des jeunes vaches ou des génisses vides mais plus de bœufs. Hormis pour la vente directe, je n’hésite pas à faire vieillir mes vaches. Certaines ont plus de 15 ans », explique Stéphanie Raveneau.

Un transporteur vient chercher les bêtes pour l’abattoir. Les carcasses sont maturées 15 jours. La société Tradi’Découpe s’occupe de la découpe et de la mise sous vide et en colis (le coût HT pour le transport et la transformation est de 3,20 €/kg de carcasse). L’éleveuse propose deux sortes de colis, vendus sur trois points de chute en région parisienne ou à la ferme : un de 6 kg (18 €/kg sur la ferme, 18,70 €/kg pour la région parisienne) et un de 12 kg (17, 60 €/kg sur la ferme, 18,20 €/kg pour la région parisienne). « J’ai une remorque frigorifique pour livrer en région parisienne. Les gens viennent récupérer leurs colis à des endroits précis. »

Défricher et entretenir sans mécanisation

Pour la première année, des caissettes d’agneaux seront également proposées, 25 brebis des Landes de Bretagne étant arrivées sur l’exploitation. « Outre l’objectif de diversifier la vente directe, les brebis vont permettre de valoriser les prairies l’hiver, l’humidité compliquant le pâturage des vaches. » Treize chèvres des fossés vont également prêter main-forte aux brebis pour faire de l’écopâturage. L’idée est d’entretenir les pourtours de la ferme et de défricher les sous-bois et prairies pour limiter la mécanisation et la consommation de GNR. Et dans un futur plus lointain d’en faire profiter les vaches qui pourront trouver un abri naturel lors des fortes chaleurs.

L’éleveuse a également ouvert un gîte sur l’exploitation en 2017 et commercialise du jus de pomme.

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