« Je complète mes stocks fourragers avec des coproduits »
Dans le Cher, Thomas Rondier associe sur 160 hectares, 110 mères charolaises inscrites à un atelier d’où sortent 450 JB/an. Nourrir ce cheptel passe par une utilisation optimale des surfaces et des achats de sous-produits. Rien n’est remis en cause dans l’immédiat malgré le contexte.
Dans le Cher, Thomas Rondier associe sur 160 hectares, 110 mères charolaises inscrites à un atelier d’où sortent 450 JB/an. Nourrir ce cheptel passe par une utilisation optimale des surfaces et des achats de sous-produits. Rien n’est remis en cause dans l’immédiat malgré le contexte.
« À côté des vaches et génisses issues de mon cheptel de 110 mères, j’engraisse une moyenne de 450 JB/an dont près de 400 sont achetés à l’extérieur », explique Thomas Rondier, éleveur à Saint-Hilaire-en-Lignières, dans le sud-ouest du Cher en limite de l’Indre. L’atelier d’engraissement se compose de 260 places avec des départs et des arrivées pratiquement tous les mois. « Je travaille avec le groupe Feder tant pour l’appro en maigre que la revente du gras. »
Les animaux proviennent du Cher et des départements voisins avec une dominante de charolais complétés par quelques blonds, aubracs et croisés. « Ce sont des broutards qui ne convenaient pas pour l’Italie (poids, vaccination…) avec à l’arrivée des lots forcément un peu hétérogènes. » Ils font de 250 à 500 kg selon les opportunités et sont pesés tous les 45 à 60 jours. La plupart sont destinés à l’abattoir Bigard de Villefranche d’Allier.
« Pour simplifier la conduite je ne fais pas de ration de transition. Du jour de leur arrivée jusqu’à leur départ l’ensemble des lots ont une même ration. Laquelle peut en revanche évoluer au fil des mois. » Les taurillons nés sur l’exploitation réalisent les meilleures performances et atteignent le poids objectif de 750 kg souvent dès 13 à 14 mois.
Incontournable ensilage d’herbe ou de maïs
Pour asseoir aux besoins tant du cheptel souche que des animaux à l’engrais, Thomas Rondier dispose de 160 ha d’un parcellaire bien groupé, drainé en totalité et complète ce qu’il produit par différents achats. Anticiper sur les disponibilités en fourrages et sous-produits et composer des rations équilibrées à moindre coût est une préoccupation de tous les instants. Cela l’est d’autant plus compte tenu du nouveau contexte découlant de la guerre en Ukraine et de cette nouvelle sécheresse printanière.
« Un élevage comme le mien a peu d’alternatives. Soit je compose avec les hausses en anticipant les achats et en jouant sur la composition des rations pour tenter de comprimer leur prix de revient, soit j’extensifie avec moins d’animaux ou davantage de surfaces. Je n’ai pas d’autres possibilités. »
C’est la première option qui a été retenue et au moins pour l’instant il n’est pas question de la remettre en question. « Je dois impérativement connaître le prix de revient de ma ration avant d’acheter les broutards. Pour cela j’ai en stock ses principaux composants pour les 250 jours à venir. » Les deux fourrages clés produits sur place sont l’ensilage d’herbe et de méteil et l’ensilage de maïs. « Il me faut au minimum 250 tMS pour chacun de ces deux fourrages pour passer l’année sereinement. Je fais peu de fourrage 'sec' hormis du foin de seconde et troisième coupes si l’été le permet. » 2021 a été exceptionnelle pour l’herbe comme pour le maïs (16 tMS/ha non irrigué). Les stocks étaient donc confortables à l’entrée de l’hiver dernier.
Côté tonnages, la paille est le principal sous-produit acheté avec une moyenne de 800 tonnes/an. Pressée chez plusieurs céréaliers à une quarantaine de kilomètres c’est une denrée prisée et le prix de 25 euros la tonne en andain n’est plus d’actualité. « La concurrence des méthaniseurs se confirme et les céréaliers sont de plus en plus tentés de la broyer pour contenir l’érosion des teneurs en matière organique et à la progression du prix des engrais de fond depuis la guerre en Ukraine », ajoute Yvan Lagrost, technicien fourrages à la chambre d’agriculture, en charge du suivi de la composition des rations.
Tourteaux, drêches et pulpes
Les autres sous-produits utilisés ont une densité énergétique nettement plus élevée. Ils sont achetés au gré des opportunités pour compléter ce qui a été récolté et composer une ration équilibrée dans la durée. Disposer de plusieurs silos couloir et de cases de stockage à plat sous un hangar est un atout. Ils permettent d’abord de stocker les fourrages maison dans de bonnes conditions avec pratiquement zéro pertes mais également de réceptionner les différents achats. « Tout est à côté. Cela facilite le remplissage de la mélangeuse distributrice de 20 m3 avec laquelle sont nourris tous les lots. Elle fonctionne une moyenne de 450 heures par an et en été il faut une demi-heure par jour pour faire une mélangeuse et distribuer. »
La distance depuis les principales régions françaises (Bassin parisien, Hauts-de-France, Grand Est…) où il y a une forte disponibilité en coproduits est clairement un handicap. « Dans nos zones éloignées des sites de production, on a de la difficulté pour avoir des tarifs compétitifs. » Pour les mois à venir, les besoins en tourteaux seront couverts par deux camions de 25 tonnes de tourteau de colza achetés l’automne dernier à respectivement 318 et 309 €/tonne pour une livraison en avril pour l’un et septembre pour l’autre.
Ils seront complétés par un camion de tourteau de tournesol. En prévision de la fin du silo d’ensilage d’herbe + méteil, 60 bottes d’enrubannage de trèfle violet de bonne qualité ont été achetés à un céréalier situé à proximité et seront utilisées à compter de fin juin. « Avec l’envolée du prix des matières premières, contractualiser des achats d’enrubannage de trèfle ou de luzerne chez des céréaliers situés dans un proche périmètre est une éventualité qui pourrait être envisagée », souligne Yvan Lagrost.
Avec l’actuel tarif des céréales, rien ne garantit cependant que ce retour des légumineuses dans certains assolements soit forcément durable. Il était souvent lié à la volonté d’allonger les rotations en introduisant des fourragères comme précédent devant une céréale. « En revanche je n’entends pas les cultiver sur mon exploitation. Mes terres ne sont pas adaptées à la luzerne et ma priorité c’est l’ensilage d’herbe, de méteil et de maïs. »
Les drêches (à 20 % de protéines) font partie des autres sous-produits régulièrement achetés. Elles viennent de Lillebonne en Seine-Maritime et se conservent bien. « Elles ne sont malheureusement qu’à 19 ou 20 % de protéines. Elles ne peuvent donc pas être utilisées comme un correcteur azoté mais permettent d’économiser des céréales. »
L’énergie de la pulpe
Pour cet automne, une commande de 400 tonnes de pulpe surpressée a été passée. Elles viendront d’Artenay dans le Loiret. Le niveau de leur incorporation n’a pas encore été décidé. Thomas Rondier est convaincu que c’est une possibilité pour apporter de l’énergie dans la ration sans utiliser de céréales qu’il vaut mieux vendre en raison des tarifs du moment. « Compte tenu du coût de l’énergie nécessaire pour déshydrater des pulpes, les sucreries seront probablement plus soucieuses cet automne de les vendre surpressées que sèches. La pulpe, c’est 8 % de protéine et 0,85 à 0,9 UFL. On ajustera les niveaux d’incorporation cet automne selon les autres produits dont nous disposerons », précise Yvan Lagrost. L’été à venir sera décisif !
Intensification raisonnée du système fourrager
L’ensilage de méteil + prairie, associé à un peu d’ensilage de maïs et pratiquement 25 % de paille constituent la base de la ration des différentes catégories de femelles d’élevage. Elle est complétée par un concentré maison. Il était l’hiver composé d’une association de 75 à 80 % de céréales et 20 à 25 % de tourteau de colza. Pour l’hivernage à venir l’objectif est de remplacer ce tourteau par du pois fourrager. Ce concentré est distribué manuellement à chaque animal pour bien correspondre à ses besoins : 2,5 kg pour les multipares et génisse mises à la repro à 14 mois et 3,6 kg pour les vaches de 2 ans en première lactation.
Les maïs sont toujours semés derrière un précédent fourrager ensilé voire pâturé quelques jours avant le semis. Cette année du seigle fourrager, un méteil (blé, pois, vesce), un RGI, et une temporaire pâturée deux fois. Le maïs est la seule culture semée après labour. Toutes les autres sont mises en place après un travail du sol superficiel. Cette diversité des couverts répond à la volonté de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier en permettant un relatif étalement des dates de semis pour le maïs, lequel est souvent ensilé en deux séances successives.
Le foin est loin d’être le principal fourrage. « L’an dernier j’ai fait 25 hectares de foin de troisième coupe. » C’est un des composants du concentré (10 % de foin, 10 % de paille, 40 % de tourteau de tournesol et 40 % de céréales) distribué à tous les veaux dans un nourrisseur à compter de la mise à l’herbe.
Vélage 2 ans et pâturage tournant
« Pour le cheptel charolais, ma volonté a toujours été de regrouper le plus possible les dates de vêlages (entre le 20 octobre et le 10 décembre) de façon à gérer des lots plus que des individus et à faciliter les interventions (pesées, vaccin, sevrage…). » Du 15 janvier au 2 février, toutes les femelles vues en chaleur sont inséminées puis un taureau est placé dans chaque case avant de l’enlever le 1er mars. Une fois échographiées, seules les femelles pleines sont remises à l’herbe. Toutes les autres restent en stabulation pour être engraissées. Le cheptel souche est conduit avec 35 % de renouvellement et depuis 15 ans l’objectif est de faire vêler à 2 ans le plus possible de génisses pour limiter la part des UGB improductifs. Sur la dernière campagne, 32 génisses ont vêlé à 2 ans et 13 à 3 ans. Le cheptel est depuis longtemps en pâturage tournant et au printemps chaque lot reste une petite semaine sur chaque paddock.
Yvan Lagrost, chambre d’agriculture du Cher
"La ration des JB évolue au fil des mois"
« L’hiver, dans la ration de base des allaitantes, il y a 8 à 9 kg de MS d’ensilage d’herbe et de méteil et 4 kg de paille. Près d’un quart de leur ration est assuré par de la paille dont une bonne part est achetée à l’extérieur. Cette conduite ne serait pas possible sans ensilage d’excellente qualité. Pour les JB la ration évolue. Elle inclut toujours autour 3 kg de MS de fourrage de bonne qualité. En période hivernale c’est l’ensilage d’herbe et méteil utilisé pour les vaches et cet été ce sera l’enrubannage de trèfle violet acheté à l’extérieur. Exprimés en quantité de MS, à côté des fourrages (1,25 kg d’ensilage de méteil ; 1,75 kg d’ensilage de maïs ; 0,35 kg de paille) viennent s’y ajouter 3,3 kg de céréales, 4 kg de drêches, un kilo de tourteau de colza, des minéraux et du carbonate. C’est une ration assez concentrée qui fonctionne bien quel que soit le poids des animaux. La fibrosité de la paille et de l’ensilage la sécurise. »