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« J’accentue sur le progrès génétique en race Blanc Bleu »

Le Gaec du moulin rouge, dans le Nord, sélectionne la race Blanc Bleu en s’appuyant sur le transfert d’embryons. Le troupeau valorise des prairies en pâturage tournant dynamique. Les débouchés pour la viande sont diversifiés entre label rouge, veaux de lait, et jeunes bovins.

À Potelles dans le Nord, Sébastien Désert et son frère Guillaume travaillent sur une grande structure, associant un atelier lait avec 180 à 200 prim'Holstein à la traite, 185 hectares de cultures et un troupeau de 95 vaches Blanc Bleu. « Nous travaillons avec quatre salariés et un à deux "bénévoles retraités". On compte à peu près trois temps pleins pour les deux troupeaux. S’agissant du cheptel blanc bleu, je m’occupe des vêlages tandis que les autres tâches sont partagées avec notre salariée Lucie Druet», présente Sébastien Désert.

Les vaches sont inscrites au herd-book depuis 2006, et Sébastien Désert, passionné de génétique, s’est lancé à partir de ce moment dans le transfert d’embryons. Une pratique qui se poursuit toujours à large échelle, alors que l’élevage du Moulin rouge se classe dans le « top 10 » de la race, pour sécuriser son niveau et conserver son avance génétique. « Faute d’index génétique en blanc bleu, on accouple sur des phénotypes. Il faut multiplier les combinaisons pour continuer à progresser », explique l’éleveur.

Six donneuses d’embryons permettent de faire naître une vingtaine de femelles par an en moyenne. Les cinquante moins bonnes génisses prim'Holstein génotypées, ainsi que des génisses croisées prim'Holstein x blanc bleu sont les porteuses. Gènes diffusion assure les inséminations, les transferts d’embryons ainsi que le suivi de la reproduction (contrôle de gestation par échographie une fois par mois). « La réussite est très variable, mais on compte sur une moyenne de sept embryons par collecte. La moitié est congelée, et l’autre moitié est mise en place après synchronisation des chaleurs entre la donneuse et les receveuses », explique Sébastien Désert. Tout le troupeau est équipé de colliers détecteurs de chaleurs.

tableau gaec Moulin Rouge

Les vêlages sont répartis sur l’année, ce qui permet d’avoir en permanence des animaux finis à vendre, et étale l’astreinte des naissances. « J’organise une période sans vêlage en juillet pour mes vacances », précise Sébastien Désert. En moyenne, le premier vêlage intervient à 26 mois, pour un objectif à 24 mois. Les femelles qui sont en période de reproduction pâturent autour des bâtiments. Celles qui sont en début de gestation sont au pré avec un taureau, et celles qui sont plus avancées dans leur gestation se situent dans les parcelles plus éloignées, seules. Presque toutes les petites femelles sont élevées au pis de leur mère, et repartent au pré avec elle jusqu’à leur sevrage à l’âge de 5 mois.

Les prairies permanentes attribuées au troupeau blanc bleu belge (66 ha) sont clôturées en blocs de paddocks de 1 à 1,5 ha, avec une partie centrale où est installé l’abreuvoir. Du 15 avril au 15 octobre, les lots tournent tous les quatre à sept jours, et les refus sont fauchés tous les deux tours. Au pré, les génisses de 1 an reçoivent au nourrisseur 3 kg de mash fermier par jour, et les génisses de 1 à 2 ans en ont 2 kg. « J’estime que les prairies donnent entre 8 et 12 tonnes de matière sèche à l’hectare par an. »

Les autres veaux sont élevés au seau, avec deux repas de lait par jour, comme les veaux prim'Holstein. « Depuis cinq ans, les moins bons veaux mâles sont engraissés en veaux de lait. À 5 mois, ils sont vendus à un négociant qui les place en boucheries. » Ces veaux consomment 12 à 14 litres de lait par jour et un tout petit peu de mash fermier en fin d’engraissement. Les mâles typés « élevage » sont castrés et engraissés pour la filière Label rouge jusqu’à l’âge de 30 à 32 mois. Sébastien Désert vend également une quinzaine de jeunes bovins par an. Il choisit les mâles qui présentent le plus de développement musculaire. Soixante-dix pour cent des femelles de réforme sont commercialisées en filière Label rouge blanc bleu belge , et les 30 % restants sont achetés par un négociant. « J’engraisse aussi chaque année quelques bêtes pour les concours d’animaux de boucherie », précise-t-il.

L’engraissement des femelles – qui arrivent en état – dure au minimum 120 jours. Leur GMQ moyen tourne autour de 1100 grammes par jour. Leur ration se compose d’un mash fermier à volonté (600 kg de paille, 600 kg d’aliment liquide, 2,4 tonnes de pulpes sèches, 2,8 tonnes d’aliment à 25 % de protéines enrichi en matières grasses, 600 kg d’extrait de lin Bleu-blanc-cœur). Les vaches ingèrent 12 à 14 kg par jour.

S’agissant du troupeau d’élevage, la ration de base est distribuée à la mélangeuse les lundi, mercredi et vendredi (deux tiers d’ensilage d’herbe, un tiers d’ensilage de maïs et des minéraux). « Les vaches gestantes et en cours d’IA s’en tiennent à ce menu. Quant aux génisses pleines, elles sont complémentées avec le mash, et les génisses à la reproduction en ont en quantité plus importante », explique l’éleveur. Ce mash fermier « élevage » est le même pour tous, hiver comme été (600 kg de paille, 600 kg d’aliment liquide, 1500 kg de pulpes sèches, 1200 kg d’orge aplatie, 800 g d’un correcteur sans soja, 125 kg de minéral).

« Actuellement, en été 2024, les vaches et bœufs Label rouge sont vendus 7,20 euros par kilo de carcasse (kgC), et hors label, le prix atteint 6,70 euros. Les veaux de lait s’échangent entre 9,5 et 10 euros. Les jeunes bovins partent à 6,10 €/kgC. Pour les bêtes de concours, le tarif varie entre 8 et 10 euros, situe Sébastien Désert. Même si on passe du temps à conduire cette race, on est rémunéré à hauteur. »

Une rentabilité à hauteur du travail fourni avec la race blanc bleu

Fiche d’élevage

330 ha de SAU dont 145 ha en prairies permanentes, 55 ha de maïs ensilage, 75 ha de blé, 10 ha d’épeautre, 10 ha d’orge, 15 ha de pois de conserve, 10 ha de colza, 15 ha de betteraves ;
95 vêlages de blanc bleu belge  ;
1,9 million de litres de lait par an, dont 150 000 litres pour l’élevage des veaux.

Environ 150 césariennes par an

Les vaches et génisses – une centaine de blanc bleu belge et une cinquantaine de porteuses d’embryons prim'Holstein ou croisées prim'Holstein x blanc bleu belge – sont rentrées en bâtiment trois semaines à un mois avant le terme de la gestation. Elles y reçoivent une ration de fourrage enrichie en minéraux, dont les besoins sont plus importants pour les blanc bleu belge que pour les autres races.

Quatre à cinq jours avant la date théorique de vêlage, elles passent dans la case qui jouxte la salle de césarienne. Tous les jours à 17h30, Sébastien Désert prend leur température (au cornadis). « C’est ce qui marche le mieux pour définir le créneau de 12 à 36 heures avant le vêlage. C'est le créneau dans lequel je préviens le vétérinaire pour qu’il s’organise et vienne faire la césarienne », explique l’éleveur. Sébastien Désert examine en même temps le niveau de relâchement de leurs ligaments sacro-sciatiques. Si ces deux signes ne sont pas clairs, il fouille la vache. « Si le col de l’utérus est ouvert à au moins trois doigts, j’appelle le vétérinaire ». Celui-ci est installé à 5 kilomètres. 

Sébastien Désert procède au même examen à 7 heures le matin. La césarienne intervient avant que la vache n’ait commencé à pousser, sur une matrice très souple, et très rarement la nuit. Dans 70 % des cas, il n’y a pas besoin de soins après la césarienne.

Didier Oden, responsable Bovins croissance à Avenir conseil élevage : « Une grande rigueur dans l’alimentation et la génétique »

 

Didier Oden, responsable Bovins Croissance à Avenir Conseil Elevage

« Sébastien Désert a des résultats solides grâce à sa grande rigueur dans la conduite de l’alimentation et dans la gestion génétique. Les performances sont en constante progression : le suivi Bovins croissance a permis d’améliorer les qualités maternelles des vaches. La conduite sanitaire est basée sur la prévention, avec une forte protection surtout la première année de vie, qui est allégée dès la deuxième année. Le suivi des croissances des animaux à l’engraissement est primordial : une pesée est faite le jour de la rentrée en engraissement et une autre est effectuée à la sortie pour vérifier la conduite alimentaire.

 

En 2022-2023, le taux de renouvellement était de 55 % et le taux de mortalité des veaux de 9 %. La quantité de viande vive produite affiche 437 kg par UGB. Le chargement corrigé s’élève à 2,2 UGB/ha SFP.

La marge brute est de 1154 euros par ha de SFP corrigée. Malgré des charges alimentaires plus élevées, les poids et le prix au kilo permettent de dégager une marge correcte. Le Gaec du moulin rouge fait partie d’un groupe de neuf élevages blanc bleu belge qui partagent et analysent ensemble avec Avenir conseil élevage leurs résultats technico-économiques. »

La race Blanc Bleu avance dans l’organisation de la sélection

Le contrôle de performances commence à se développer en race blanc bleu et l’indexation sera possible quand les données seront suffisamment nombreuses.

 

 

« Notre troupeau blanc bleu est suivi au contrôle de performances en VA4 depuis que cela a été rendu possible pour la race, en 2013 », expose Sébastien Désert, qui est aussi président de l’organisme de sélection (OS) Blanc bleu France depuis 2019. « Aujourd’hui, dix-huit troupeaux sont en VA4. Cela avance, et une indexation sera rendue possible dès que les données seront suffisamment nombreuses. »

 

La particularité en race blanc bleu relève du fait que très peu de veaux mâles sont élevés au pis de leur mère jusqu’à 6 mois, ce qui ne permet pas de faire les pesées pour calculer les poids âges type à 120 et à 240 jours. Les petits mâles sont, en effet, majoritairement vendus à 1,5 mois pour l’engraissement. Les sélectionneurs sont cependant encouragés par l’OS à adhérer au contrôle de performances. Pour le concours général au Salon de l’agriculture en 2025, il sera d’ailleurs obligatoire d’être en contrôle de performances pour pouvoir participer.

Des actions de promotion

Une centaine d’élevages adhèrent à Blanc bleu France, qui rassemble entre 6 000 et 7 000 vaches. « Sur les vingt dernières années, un énorme travail de sélection a été mené pour avoir des animaux beaucoup plus faciles à élever, ceci sans détériorer le développement musculaire », constate Sébastien Désert, qui mesure le travail de communication à effectuer autour de la race. Il ne naît plus de veaux qui ne tètent pas ou qui ont de gros problèmes d’aplombs. Sur les concours, sont mis en tête de classement des animaux qui présentent le meilleur compromis entre la finesse et le poids de carcasse. La demande sur le marché des reproducteurs est particulièrement forte depuis quelques années, tirée par les besoins en taureaux d’insémination des entreprises de sélection pour le marché du croisement sur vaches laitières.

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