Elevage du futur
Génétique : une vache facile et productive
Les facilités de naissance reviennent au premier plan des préoccupations en matière de génétique. A plus long terme, c’est une vache « facile » à conduire et produisant beaucoup de veaux au cours de sa carrière qui semble représenter le modèle le mieux adapté au contexte à venir.
Si les programmes d’amélioration des races allaitantes ont surtout généré du progrès génétique en croissance et en développement squelettique, il est clair que les facilités de naissance vont revenir à moyen terme au premier plan des objectifs de sélection. « C’est une préoccupation générale, qui émerge clairement pour l’avenir, car nous savons qu’au-delà d’un seuil de poids de naissance, on assiste à l’émergence des problèmes au vêlage. Et ces dernières années, toutes les races ont vu les poids de naissance augmenter au niveau génétique », analyse Laurent Griffon, coordinateur génétique de filière bovins viande de l’Institut de l’élevage. « Nous sommes capables d’orienter les efforts de sélection sur cet objectif. Cela passera par la fiabilisation des déclarations de poids de naissance, ou par la collecte à la place du poids du tour de poitrine en centimètres des veaux (à l’étude actuellement), et par une sensibilisation des éleveurs à mieux déclarer les conditions de naissance. » Cette orientation pourra d’ailleurs participer aussi à la maîtrise des poids de carcasse des vaches de réforme. Si on réduit les poids à la naissance dans le but d’avoir des naissances faciles, les poids de carcasse des vaches de réforme baisseront aussi car la corrélation génétique est assez forte entre le poids de naissance et le poids adulte. « Cela n’empêcherait par contre pas du tout de poursuivre la progression sur la croissance. On se dirigerait alors vers un profil de courbe de croissance sensiblement modifié, avec une croissance plus rapide jusqu’à 2 ans, et un gabarit adulte moins important. » A plus long terme, deux tendances émergent dans le modèle de génétique allaitante qui pourrait être recherché. La première peut se définir sous le vocable de « vache facile ». Cette notion comprend la facilité de naissance, et aussi la docilité (même si les races réputées telles n’en éprouvent pas le besoin pour l’instant) pour faire face à l’augmentation très probable de la taille des troupeaux, ainsi que la valorisation des ressources fourragères et les capacités d’allaitement.
« Pour introduire la docilité des animaux dans les schémas de sélection, nous avons déjà des outils en préparation », explique Laurent Griffon. « L’évaluation des animaux pourrait se faire par une notation du comportement du veau en contention au moment de la pesée, ou bien par une évaluation de la distance de fuite (ou d’approche) des broutards au moment de leur pointage. » Par contre, les connaissances sur le moyen de sélectionner les bovins allaitants sur leur aptitude à valoriser les fourrages sont nettement moins avancées. « Nous savons déjà mesurer, comme cela se pratique en station de contrôle individuel, l’efficacité alimentaire de jeunes bovins sur des régimes énergétiques. Mais la valorisation des fourrages est plus complexe à appréhender. La capacité d’ingestion au travers de l’appréciation du volume de la panse, le croît à l’herbe des génisses à 24 mois pourraient y participer, mais il manque des éléments », selon Laurent Griffon. Il est aussi à craindre que cet objectif de sélection puisse se révéler antagoniste de la maîtrise des émissions de méthane par rumination et du rendement en carcasse des animaux. La seconde tendance à long terme est la recherche d’une vache allaitante « productive ». « Il y a deux façons d’approcher cette notion. Ce peut être une vache dont on cherche à accroître l’efficacité de reproduction, c’est-à-dire l’aptitude des femelles à se reproduire régulièrement. » Derrière cette aptitude on va sélectionner des vaches qui ont un anoestrus court, qui reprenne une bonne cyclicité, des vaches fécondes avec une bonne viabilité embryonnaire. « Cela peut aussi s’exprimer par une notion plus proche de la longévité, évaluée par exemple par la durée de vie reproductive entre le premier vêlage et la fin de carrière ou par le nombre de vêlages dans la carrière. » C’est donc qu’elle a bien produit, ou qu’elle a bien vieilli (notion de rusticité).
La génomique pour accélérer et élargir à d’autres caractères la sélection
Si tous les objectifs de sélection listés précédemment peuvent être atteints avec les outils classiques de la sélection, la génomique pourra aussi s’y révéler utile. « Le gros intérêt de la génomique est de pouvoir évaluer un animal plus tôt dans sa vie, dès sa naissance en fait, et grâce à une simple prise de sang ce qui réduit beaucoup l’intervalle de génération. Elle permet aussi d’atteindre la même précision sur les femelles que sur les mâles », explique Laurent Griffon. La génomique peut permettre d’autre part de faire ce qui n’est pas possible en sélection classique, c’est-à-dire sélectionner sur des caractères très peu héritables et/ou qui coûtent très cher à collecter. « C’est le cas de la fertilité, dont l’héritabilité est de 1 à 2 %. C’est aussi le cas de la tendreté de la viande : le programme Qualvigène permettra on l’espère de trouver des QTL (quantative trait loci) utilisables pour une sélection sur les candidats, chose impossible avec les outils actuels car la collecte des performances des descendants coûterait trop cher pour évaluer les taureaux. » On peut imaginer aussi la sélection sur la résistance à une maladie par exemple. Il est encore trop tôt pour connaître la faisabilité de la mise en oeuvre de cette technique en élevage allaitant, principalement parce qu’il faut de vastes populations raciales de référence, ce qui n’est pas évident pour toutes les races allaitantes. Pour contourner ce problème, il faut disposer d’outils qui permettent l’élaboration d’équations de prédiction multiraciales.
Le programme GEMBAL est lançé
Un projet porté par l’Inra et associant l’Institut de l’élevage, l’Unceia, les organismes de sélection et les entreprises de sélection a reçu récemment sa validation par l’Agence nationale de la recherche et démarrera en 2011. Baptisé GeMBAL – génomique multiraciale des bovins allaitants et laitiers – il visera à mettre au point la méthodologie de génomique multiraciale utilisant la puce à ADN à très haute densité (800 K). Le programme tentera aussi de mettre au point un outil qui permet d’utiliser en routine une puce à ADN à 54 K plutôt que celle à 800 K, ce qui aurait l’énorme intérêt de réduire le coût de calcul d’un index génomique. Les premiers résultats concrets sont espérés courant 2013.