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Exposition des animaux aux antibiotiques :  pourquoi 2023 est une année charnière dans la lutte contre l’antibiorésistance ?

Après plusieurs années de baisse, l’exposition des animaux aux antibiotiques a augmenté de 6,5% en 2023 selon les chiffres de l’Anses. Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer ce phénomène.

 

Vétérinaire prélévant dans un flacon d'antibiotique
L’effet de l’épidémie de MHE et de FCO avec certaines pénuries de vaccins pourrait aussi expliquer cette hausse du recours aux antibiotiques.
© B. Griffoul

 

2023 est une année charnière dans la lutte contre l’antibiorésistance en France selon les principaux résultats des suivis 2023 de la vente et de l’usage des médicaments antimicrobiens et des bactéries résistantes chez les animaux publiés ce 18 novembre par l’Anses
 

 

Un palier atteint après une baisse de l’exposition des animaux d’élevage aux antibiotiques

Après une baisse de 48% de l’exposition des animaux aux antibiotiques depuis 2011 (dont -18% pour les bovins, -54% pour les lapins, -64% pour les porcs et -67% pour les volailles), celle-ci a marqué une inflexion en 2023. Le niveau d’exposition des animaux aux antibiotiques toutes espèces confondues a ainsi augmenté de 6,5% entre 2022 et 2023 après une baisse de 9% entre 2021 et 2022. 

Lire aussi : Ecoantibio 3 : un appel à projets pour limiter l’exposition aux antibiotiques, antimicrobiens et antiparasitaires

 

Un niveau d’exposition proche de l’objectif de 0,3

L’Alea (indicateur d’exposition aux antibiotiques) atteint ainsi 0,309 et reste très proche de la valeur de 0,3 fixée par le plan Ecoantibio3 pour la période 2023-2028.

Nous serions à un niveau au-delà duquel il est difficile d’aller

« Nous avons déjà vécu des inflexions (en 2014, et 2016), notre principale hypothèse est que nous arrivons à un palier dans la réduction de l’exposition des animaux aux antibiotiques. Nous serions à un niveau au-delà duquel il est difficile d’aller et désormais nous allons observer des fluctuations autour de ce palier de 0,3 » analyse Franck Fourès, directeur général de l’Agence nationale du médicament vétérinaire

 

L’effet MHE et FCO évoqué

L’effet des épidémies de MHE et de FCO avec certaines pénuries de vaccins pourrait aussi expliquer cette hausse du recours aux antibiotiques.

L’Anses évoque aussi la possibilité d’une légère sous-estimation de l’exposition en 2022, due au déstockage de médicaments achetés les années précédentes avant la mise en place d’une nouvelle réglementation restreignant drastiquement les possibilités d’utilisation d’antimicrobiens à titre préventif. 

Lire aussi : L’exposition des animaux d’élevage aux antibiotiques continue de diminuer

 

Des niveaux d’expositions faibles pour les antibiotiques critiques

En ce qui concerne les antibiotiques dits critiques, dont le maintien de l’efficacité est crucial pour la médecine humaine, les niveaux d’exposition restent très faibles, se félicite toutefois l’Anses. Les niveaux d’expositions ont ainsi reculé depuis 2011 :

  • De 87% pour les fluoroquinolones
  • De 95% pour les céphalosporines 3 et 4G
  • De 79% pour la colistine.

Des réductions qui concernent toutes les espèces.

Lire aussi : Antibiotiques : comment Dr Toudou et des éleveurs répondent à Hugo Clément sur Twitter

 

L’exposition des animaux de compagnie aux antibiotiques continue de monter

En revanche, pour animaux de compagnie les ventes d’antibiotiques continuent à augmenter (+6% de biomasse animale traitée en un an), 47% de l’exposition correspondant à des comprimés à l’amoxicilline associée à l’acide clavulanique.

Il s’agit d’une attention particulière d’Ecoantibio 3, lancé en novembre 2023, qui vise une baisse de 15% de l’exposition pour ces espèces en 5 ans.

Lire tous nos articles sur l'antibiorésistance

 

Comment évoluent les bactéries résistantes ?

 

Bilan du Résapath au niveau européen sur les animaux malades

A partir de la collecte de 93 285 antibiogrammes, Résapath (réseau européen de surveillance des bactéries sur les animaux malades) montre une résistance aux antibiotiques critiques faible chez les bactéries pathogènes animales. Avec un point de surveillance sur les caprins (15% de bactéries pathogènes résistantes aux fluoroquinolones) et sur les équidés (8% de bactéries pathogènes résistantes aux céphalosporines). 

L’Anses note par ailleurs une fréquence toujours élevée d’e. coli multirésistantes chez les bovins (39%), en hausse chez les poules et poulets (16%) et en recule chez les porcs (27%) et en dindes.

L’Anses pointe aussi l’augmentation des staphylocoques dorés résistants à la méticilline chez les chevaux (avec 10% des staphylocoques résistants en 2015 contre 29% en 2023). 

 

Bilan de la surveillance française sur la viande et les carcasses

Les plans de surveillance et de contrôle sur la viande et au niveau des abattoirs en France montrent par ailleurs :

  • Une résistance variable des salmonelles trouvées chez le porc à l’abattoir en fonction du sérovar (avec 41% de souches résistantes pour les salmonelles Derby et 71% de souches résistantes pour les salmonelles Typhimurium variant monophasique et Typhimurium), aucune souche n’étant résistante aux antibiotiques d’importance critique pour la santé humaine.
  • Une résistance à au moins un antibiotique (souvent de la famille des tétracyclines) pour près de 90% des sources de Campylobacter prélevées chez le veau et le porc et une corésistance élevée avec les fluoroquinolones même si l’usage de ces familles antibiotiques a diminué chez les animaux.

Baisse de la résistance des E.coli chez le veau et le porc

  • Une baisse de la résistance des E. Coli chez le porc (47,4% d’E.coli sensibles à tous les antibiotiques contre 44% en 2021) et le veau (37% d’E.coli sensibles à tous les antibiotiques contre 35,7% en 2021).
     
 

Vers une connaissance plus fine de l’utilisation des antimicrobiens

2023 marque aussi une année charnière selon l’Anses du fait de l’entrée en vigueur de la réglementation européenne sur les médicaments vétérinaires qui prévoit la collecte progressive d’ici 2029 des données d’utilisation des médicaments antimicrobiens (antibiotiques, antiviraux, antifongiques et antiprotozoaires) par espèce et par catégorie animale. En France, ces données sont déclarées depuis avril 2023 par les vétérinaires, pharmaciens et fabricants et distributeurs d’aliments médicamenteux via la plateforme CalypsoVet.

L’exploitation de ces données pourra permettre de « mieux cibler les actions à mener pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens, notamment avec des analyses temporelles par espèce ou par catégorie animale ».

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