Ejendu, la viande bretonne bien calibrée
Valoriser les veaux croisés issus du troupeau laitier et capter le marché de la restauration collective : tel est le double objectif assigné à la nouvelle filière bretonne de viande bovine, Ejendu.
Valoriser les veaux croisés issus du troupeau laitier et capter le marché de la restauration collective : tel est le double objectif assigné à la nouvelle filière bretonne de viande bovine, Ejendu.
Après cinq ans d’essais et de structuration, une nouvelle filière d’engraissement de génisses et bœufs potentiellement issus d’une mère prim’holstein et d’un taureau limousin ou angus est en train de prendre son envol en Bretagne. Cette filière, qui se nomme Ejendu, est née de la volonté des acteurs régionaux d'amont et d'aval, réunis au sein de l’interprofession bovine (Interbev Bretagne), de valoriser l’important vivier de veaux laitiers croisés qui naissent dans la région. Il s’agit aussi de capter un segment de marché - la restauration hors domicile tout particulièrement -, qui affectionne les carcasses légères (300 kg) et homogènes, afin de pouvoir servir des portions calibrées. Un secteur qui s’approvisionne très souvent à l’étranger faute de pouvoir trouver ce produit en France dans une filière structurée.
Des carcasses légères et homogènes
Ejendu est une démarche très cadrée autour d’un produit spécifique dans laquelle s’est engagé le groupe Bigard. Les coopératives Ouest Elevage et Eureden mettent aussi en place du sevrage et de l’engraissement. Les animaux sont abattus à Quimperlé (Finistère). Quelque 1 500 génisses sont déjà entrées en engraissement chez 27 éleveurs bretons. Le rythme se poursuit à raison de 30 animaux par semaine. Afin de constituer des lots homogènes, les veaux sont sevrés dans des élevages spécialisés. Les premières génisses ont été abattues récemment. « Elles ont parfaitement répondu aux objectifs fixés », affirme Anne-Laure Vabre, coordinatrice des filières qualité pour le groupe Bigard.
Une croissance soutenue de 1 200 g de GMQ
Les objectifs ont été fixés au terme de quatre ans d’essais menés par la chambre d’agriculture de Bretagne à la ferme expérimentale de Mauron (Morbihan), qui ont permis de déterminer les races des taureaux de croisement et les itinéraires techniques. Deux races précoces ont été retenues - l’Angus et la Limousine - afin de produire des carcasses de 300-350 kg à 16-18 mois d’âge avec une conformation O+/R- et un état d’engraissement de 3 à 4. Mais cela nécessite une croissance soutenue : 1 200 grammes de gain moyen quotidien (GMQ), du sevrage jusqu’à l’abattage. Mâles castrés et femelles ont donné des résultats similaires.
Pour le lancement de la production, Bigard n’a cependant retenu que des génisses croisées Limousine. « Lors des essais, le croisement Limousin apparaissait comme le meilleur compromis en termes d’adéquation matière et de qualité produit, explique Anne-Laure Vabre. Nous avions également la volonté de nous positionner sur une filière régionale, avec une race française, et de valoriser le potentiel de veaux croisés Limousin déjà disponibles au niveau du cheptel breton sans devoir engager auprès des éleveurs laitiers de nouvelles stratégies de reproduction. Le choix de la génisse a été acté car moins restrictif quant aux débouchés commerciaux envisagés. Mais le schéma n’est pas figé. »
Quatre pesées tout au long du cycle
Pour répondre aux attentes de poids carcasses et d’âge, il est nécessaire « d’avoir un suivi régulier pour vérifier que la courbe de croissance ne dévie pas de l’objectif », prévient Joséphine Aubrée-Louazel, technicienne animatrice de la filière bovine à Interbev Bretagne. Pesées et conseils sont assurés par Eilyps (contrôle de performance). Les animaux sont pesés quatre fois tout au long du cycle : à 5, 8, 12 et 15 mois.Le but est d’obtenir des carcasses les plus homogènes possible.
Si elle demande de la technicité, notamment en matière d’alimentation, cette production reste assez facile à mettre en œuvre et peu gourmande en temps de travail : 30 minutes à 1 heure par jour pour un lot de 30 à 40 animaux, la taille recommandée pour que cette activité présente de l’intérêt. Elle s’adresse à des élevages qui ont un bâtiment existant à valoriser ou un projet de reconversion (cessation laitière…) ou encore à des engraisseurs qui recherchent une production plus sécurisée et plus facile à conduire que le jeune bovin classique.
Des résultats économiques à confirmer
Les premiers animaux venant seulement d’être abattus, l’évaluation économique n’a pas encore été réalisée en ferme. Pour l’instant, les seules données disponibles proviennent des essais réalisés à la ferme de Mauron. Dans leur synthèse, le coût alimentaire était de 426 € par animal pour les croisés Limousin, un peu supérieur pour les croisés Angus. S’y ajoutaient 100 à 110 € de frais d’élevage. Soit un coût opérationnel de 526 € ou 1,67 € par kilo de carcasse pour un poids carcasse moyen de 315 kg. La rentabilité de la production dépend bien évidemment du prix d’achat du veau et du prix de vente des animaux finis. Point sur lequel le groupe Bigard ne communique pas. Elle exige aussi une très bonne maîtrise technique. Le moindre écart de croissance se paie au prix fort.
Répondre aux attentes sociétales
La distribution de la viande issue de ces animaux croisés sera portée par la marque commerciale Ejendu, ou « bœuf noir » en breton.
Afin d’évaluer le potentiel de valorisation de cette viande qui se veut « consensuelle », ses qualités organoleptiques ont été testées auprès d’un panel de consommateurs : ils ont apprécié sa tendreté et sa texture. Et surtout 83 % ont l’intention d’en consommer de nouveau. Une viande vantée aussi pour son bilan carbone plus favorable que celui de jeunes bovins classiques.
Le groupe Bigard met en avant « la régionalisation de la production avec des animaux nés, élevés et abattus en Bretagne, soit un animal qui ne quitte pas le territoire », explique Anne-Laure Vabre. Une réflexion est également en cours sur la prise en compte et l’inscription dans le cahier des charges du bien-être animal. Régularité du produit, tendreté, origine et traçabilité, réponse aux tendances actuelles de consommation et aux attentes sociétales… Le but est enfin de redonner « le plaisir du goût de la viande » aux « plus jeunes », soulignent les acteurs du projet.