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Effluents d’élevage : « Je bâche le fumier stocké au champ avec un géotextile »

Matthieu Aucourt, éleveur de charolaises dans la plaine roannaise en agriculture de conservation des sols, épand les trois quarts de son fumier à l’automne après l’avoir stocké au champ sous une bâche géotextile.

Matthieu Aucourt est installé à La Bénisson-Dieu dans la Loire. Il travaille en semis direct et dans une approche globale du système sol, fourrage, animal. « La vie du sol est le centre de ce qui m’intéresse », explique-t-il. Adhérent de l’Apad Centre-Est (association pour une agriculture durable), sa ferme est labellisée « au cœur des sols ».

Pour lui, la gestion des fumiers est un élément clé du système. Il cherche à disposer d’un produit qui va apporter des éléments minéraux et soutenir la vie des microorganismes du sol. C’est « faire son fumier » comme pratiquaient les anciens. Une approche partagée par son conseiller Christophe Sudraud, de la SAS Scaner.

Le troupeau de 50 charolaises est logé en stabulation sur aire paillée intégrale. L’élevage n’était pas autosuffisant en paille, et depuis quelques années, des plaquettes de bois issues de la taille des haies constituent une bonne partie de la litière.

L’éleveur utilise le même type de bâche géotextile pour couvrir la paille et les tas de plaquettes de bois. Il compte les conserver dix ans.

« L’été, pour les quelques animaux qui sont en bâtiment, j’utilise uniquement des plaquettes de bois. Le reste de l’année, la litière est constituée d’une couche de 10 à 15 centimètres de plaquettes que je saupoudre de paille matin et soir, en petite quantité », explique Matthieu Aucourt. Cela nécessite une botte le matin et une botte le soir pour tout le troupeau et sa suite. « J’ai vendu de la paille cette année. »

Matthieu Aucourt cure une fois dans l’hiver, début janvier, puis une fois à la mise à l’herbe. Le fumier est stocké en bout de champ et aussitôt bâché. « J’utilise des bâches en géotextile que je cale avec des boudins remplis de sable. Elles laissent passer la vapeur d’eau, mais la pluie ne les traverse pas. »

Des plaquettes de bois pour la litière

Il faut compter 400 à 500 euros par bâche de 5 x 50 mètres et il lui en faut trois pour couvrir tout le fumier. « Je les ai depuis trois ans, et je compte bien les garder dix ans. Il faut faire un peu attention pour ne pas les percer quand on les manipule. Quelques dégâts de souris sont aussi à surveiller. »

L’éleveur utilise le même type de bâche pour couvrir la paille et une autre aussi pour les tas de plaquettes de bois. « Les plaquettes se conservent comme si elles étaient en bâtiment », observe-t-il.

Pour le fumier, Matthieu Aucourt constate qu’à l’automne, donc après plus de huit mois de stockage, le tas n’a pas perdu beaucoup en volume, et son aspect évolue peu. « Le fumier ne devient pas pâteux, il est beaucoup plus friable. On voit encore la paille : c’est que le carbone est toujours là. »

Il a fait faire des analyses de fumier mais il est difficile d’en tirer des conclusions à l’échelle d’un élevage. Elles donnent quand même avantage à la couverture du fumier. Le taux de matière sèche du tas bâché était de 37 % contre 32 % pour le tas non bâché. Sa teneur en anhydride phosphorique était de 0,79 % contre 0,54 % de la matière sèche pour le tas non bâché, et sa teneur en acide phosphorique de 3,36 % contre 1,82 % de la matière sèche pour le tas non bâché.

Épandage entre mi-août et mi-septembre

Pour profiter d’un sol chaud et avant le démarrage présumé de la phase de minéralisation de la matière organique, il épand les trois quarts du fumier de l’année entre mi-août et mi-septembre. Matthieu Aucourt réalise aussi un petit chantier d’épandage au printemps pour les cultures, en mars ou avril, avant les semis. Les terres arables reçoivent prioritairement le fumier, tous les ans, et le reste du disponible est réparti sur les prairies.

Pour l’épandage, l’exploitant dose à 10 tonnes par hectare sur les cultures et les prairies temporaires et 5 tonnes par hectare sur les prairies naturelles. « J’utilise un épandeur en Cuma avec débit proportionnel à l’avancement (DPA)​. Je pratique le pâturage tournant dynamique et une bonne répartition des restitutions au pâturage est favorisée par cette technique sur une grande partie des surfaces en prairies. »

Dans cette approche globale du système, Matthieu Aucourt est très vigilant à respecter le temps de repos et les hauteurs d’herbe de sortie des animaux. « Avec une prairie naturelle surpâturée, on se retrouve dans la même problématique que celle d’un sol nu. Il faut prendre soin au maximum de la prairie, c’est ce qui permet d’arriver à regagner en qualité de flore. » Son objectif est d’obtenir une forte productivité des surfaces et une très bonne qualité des fourrages.

Chiffres clés

108 ha de SAU dont 37 de cultures (dont méteil et maïs grain) ; 12,5 de prairies temporaires et 58,5 de prairies naturelles, sorgho fourrager en interculture.

50 vêlages de charolaises et vente de broutards repoussés, taurillons d’herbe (à l’âge de 13 à 14 mois et 450 kgV) et femelles engraissées

2 unités de main-d’œuvre

Avis d’expert - Christophe Sudraud, vétérinaire et conseiller de la SAS Scaner

« Les engrais organiques sont les couteaux suisses de la fertilisation »

Christophe Sudraud, vétérinaire et conseiller de la SAS Scaner

« Les fumiers apportent des éléments minéraux, favorisent la vie du sol et ont un effet d’amendement. Ceci en fait de véritables couteaux suisses de la fertilisation. Laisser ses fumiers soumis aux intempéries, c’est perdre énormément d’éléments minéraux. Dès la première pluie, on trouve comme référence des réductions de 2 à 30 % de l’azote, 10 à 15 % du phosphore, et 30 à 35 % du potassium. Et si on le stocke à l’air plus longtemps, on peut monter respectivement à 50 %, 30 % et 75 %.

Plus l’alimentation est riche, plus le fumier sera riche. En effet, les bovins excrètent dans les urines et les bouses au total 70 % de l’azote, 70 % du phosphore et 90 % de la potasse qu’ils ingèrent. Il ne faut pas non plus sous-estimer l’excrétion des oligoéléments (par exemple 92 % du cuivre, 70 % du sélenium…). D’autres facteurs comme le mode de logement font varier la valeur des fumiers. Une analyse juste avant d’épandre permet d’adapter les dosages à l’hectare en fonction des exportations réalisées.

Il faut laisser le fumier en surface, ne pas l’enfouir. En effet, ce sont les champignons présents à la surface du sol qui dégradent la lignine, et ils ont besoin d’oxygène pour vivre. Une étude aux États-Unis a montré que les microorganismes présents dans le fumier au moment de son épandage ont quasiment disparu deux semaines après. Le fumier sert à nourrir les microorganismes déjà présents dans le sol, mais il ne l’ensemence pas.

Les fumiers doivent, sur prairies, être exclusivement épandus à l’automne. Les anciens livres d’agriculture mentionnaient déjà clairement que 'les apports de fumiers ou de compost à l’automne permettent de rechausser les prairies avant l’hiver'. En effet, cet apport permet la croissance de nombreuses nouvelles racines, qui confèrent une meilleure résistance au piétinement notamment, et permet également de répondre aux besoins nutritionnels lors de cette phase de tallage des graminées. Cela aide à 'gommer' une partie des erreurs de l’été : surpâturage, dégâts de la sécheresse.

En France, seulement 40 % des prairies reçoivent du fumier. On note alors un transfert de fertilité énorme entre les parcelles de production fourragère vers les terres cultivées, aboutissant inexorablement à un appauvrissement des prairies et une baisse de rendement. »

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