Du méteil bio à 60 quintaux
Chez Simon Groot Koerkamp, en Lorraine. Récolté en grain, le méteil est une solution pour conforter l’autonomie en concentrés, avec un produit dont la teneur en protéines est supérieure à une céréale.
Chez Simon Groot Koerkamp, en Lorraine. Récolté en grain, le méteil est une solution pour conforter l’autonomie en concentrés, avec un produit dont la teneur en protéines est supérieure à une céréale.
Un rendement qui a approché 60 quintaux par hectare en 2015, pour un concentré à pratiquement 15% de MAT... Éleveur bio à Marre, au nord de Verdun, dans la Meuse, Simon Groot Koerkamp n’est pas près de cesser de cultiver du méteil. Il le récolte en grains et toute sa production est consommée sur l’exploitation. « Je fais autour de cinq hectares de méteil chaque année. C’est un concentré intéressant pour la finition. Sur le plan agronomique, cette culture s’intègre parfaitement dans ma rotation », explique ce jeune éleveur installé hors cadre familial en 2009. Contrairement à du blé, il estime le méteil grain peu intéressant s’il est destiné à être vendu hors de l’exploitation. C’est pour lui en autoconsommation qu’il présente le plus d’intérêt. « Dans le département, on voit de plus en d’éleveurs bio ou conventionnels qui optent pour du méteil, en particulier quand leurs parcelles sont un peu limite pour implanter du maïs au printemps. C’est une culture assez facile à conduire. Elle présente un intérêt pour produire un mélange à plus forte teneur en protéines que des céréales », précise Arnaud Deville, conseiller viande bovine à la chambre d’agriculture.
Le rendement obtenu l’an dernier chez Simon Groot Koerkamp est analysé comme exceptionnel pour une conduite en bio. Calculée sur plusieurs années, la moyenne est plus proche de 50 quintaux. « Le printemps 2015 a été très sec en Lorraine, mais mes parcelles labourables sont sur des argilo-calcaires à bonne réserve utile. Mes voisins installés en conventionnel ont approché les 100 quintaux avec du blé. »
Semé derrière un blé
« Je sème mon méteil derrière un blé. » Pour cela, la parcelle est déchaumée au plus tôt par un entrepreneur avec un « top down », outil agressif associant, disques, dents et rouleau en un seul passage. Suit un labour mi-septembre, un faux semis fin septembre, et enfin un hersage quelques jours avant le semis. Il a lieu mi-octobre avec 100 kilos de triticale, 30 kilos de pois fourrager et 30 kilos d’avoine à l’hectare avec des semences achetées. « C’est mon principal investissement. Si on ne comptabilise pas les inévitables pertes, cela se traduit par respectivement 24, 245 et 77 plantules de pois, triticale et avoine au mètre carré, soit à quelque chose près 340 pieds au mètre carré toutes espèces confondues. Je sème tout en un passage. J’utilise toujours ce même dosage. Je ne veux pas changer quelque chose qui chez moi fonctionne bien. Entre semis et moisson, je ne procède à aucune intervention. Je me contente de regarder pousser ! » La fertilisation repose sur 10 t/ha/an de compost sur la quasi-totalité des parcelles en culture et prairies temporaires.
« Le principal problème du méteil est que l’on n'est pas certain de récolter ce que l’on sème », résume Arnaud Deville. La proportion entre espèces semées puis récoltées peut varier d’une année à l’autre. « C’est lié à la météo et à la plus ou moins grande rigueur de l’hiver lorrain. » Attention à la profondeur de semis (3 à 4 cm), les protéagineux gagnent à être semés un peu plus profond que les céréales. « Certains sèment d’abord les céréales, puis repassent le semoir pour les protéagineux en croisant les lignes et en les positionnant plus profondément. Mais beaucoup sèment tout en un seul passage dans un souci de simplification. Chez Simon, la seule fertilisation est apportée via le compost. En conventionnel, il y a souvent 20 à 30 unités d’azote épandues au moment du redémarrage de la végétation », précise Arnaud Deville. La quantité de semences de protéagineux ne doit pas excéder 35 à 40 kg/ha. « Je connais des éleveurs qui ont essayé avec plus de 40 kilos en tablant sur un mélange plus riche en protéines. Le résultat n’est pas concluant. Cette forte proportion fait verser la culture. » Chez Simon Groot Koerkamp, le méteil est récolté début août. Il est stocké en cellule, puis aplati au fur et à mesure des besoins. L’analyse réalisée pour la première fois cette année fait état d’un taux de protéine brut de 14,65 % et 1,09 UFV/kg MS, avec au final un mélange plus équilibré entre les PDI et les UF. Il est principalement utilisé pour la finition des femelles. « Leur ration associe enrubannage à base de luzerne, additionnée d'un concentré fermier essentiellement composé de méteil dans lequel je rajoute de l’orge (20 à 25 %) pour diversifier les sources d’amidon. Tout est aplati et je distribue après transition alimentaire pratiquement 10 kilos par tête de ce mélange. Je table sur deux à deux mois et demi de finition pour des animaux rentrés en état. »
Associée à de l’enrubannage, la paille de méteil est utilisée pour l’alimentation des vaches en vêlages de fin d’hiver du fait de leurs plus faibles besoins. Les quantités récoltées ont avoisiné cinq tonnes par hectare l’an dernier.
Arnaud Deville, chambre d'agriculture de la Meuse
"Relativiser le coût d’une analyse"
« Simon fait beaucoup de vente directe, il cherche un bon niveau de finition pour satisfaire au mieux ses clients. Comme de nombreux éleveurs allaitants, une de ses marges de manœuvre concerne le rationnement. Il pourrait être plus précis en ayant recours plus systématiquement à des analyses.
Comparativement aux éleveurs laitiers, les analyses des fourrages et matières premières sont le parent pauvre de l’élevage allaitant lorrain. Faute de données précises, on se cale sur les valeurs des tables Inra pour composer les rations. Une analyse permet surtout un rationnement beaucoup plus précis, qui se traduit souvent par des rations plus efficaces et moins coûteuses, relativisant par là-même la somme investie dans les analyses. »
Une bonne conduite des cultures et pâtures
Sur l’exploitation, le méteil est parfaitement intégré dans la rotation. « Schématiquement, mes surfaces en culture sont réparties en trois blocs de pratiquement six hectares chacun. » L’un est occupé par le blé, l’autre par le méteil et le dernier par une orge de printemps récoltée en grains (rendement moyen 30 q/ha) sous laquelle est semée la prairie temporaire. Cette dernière est une association luzerne + graminées (dactyle, fétuque et ray-grass) exclusivement utilisée en fauche à raison de trois, voire quatre coupes par an récoltées sous forme d’enrubannage. Le blé suit toujours la prairie temporaire. « Je sème la prairie sous le couvert d’une orge de printemps, laquelle permet un rendement moyen de trente quintaux. La fertilisation repose d’abord sur du compost épandu à raison de dix tonnes par hectare par an sur toutes les prairies temporaires et cultures."
Sur l’exploitation, les prairies temporaires ne sont jamais pâturées, et de ce fait la luzerne n’est jamais pénalisée par un pâturage automnal tardif ou réalisé dans de mauvaises conditions. L’autre point fort de l’exploitation est la conduite du pâturage. Il permet de sortir les animaux de bonne heure (38 ares par UGB en début de printemps puis 65 ares par UGB à partir du 15 août) puis de rentrer des animaux à finir en état, réduisant de ce fait les besoins en concentrés. « Ce n’est pas du pâturage tournant au sens strict du terme, mais cela y ressemble fortement. Une bonne partie des stocks fourragers (sur prairies temporaire et permanente) sont réalisés sous forme d’enrubannage. Cela s’est traduit par l’achat d’une enrubanneuse et génère des frais pour le plastique, mais permet d’avoir de l’herbe au bon moment et d’allonger la période de pâturage. C’est un système d’exploitation simple, cohérent, efficace et autonome en année normale, tant pour les fourrage que les concentrés. La seule dépendance est liée à la paille de litière, en grande partie achetée à l'extérieur », précise Arnaud Deville.