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[De conseiller à éleveur] "Diversifier mes débouchés en visant la valeur ajoutée"

Après un passé de technicien de terrain, Olivier Laporte s’est installé à 40 ans. Passionné par son métier, il ne regrette rien. Avec son frère Patrice, le souci du moment est de diversifier les débouchés.

À côté du Buisson en Lozère, le siège du Gaec Laporte se situe à quelques centaines de mètres du point culminant de l’autoroute A75 reliant Clermont-Ferrand à Montpellier. À un peu plus de 1 100 mètres d’altitude sur les contreforts de l’Aubrac, terrains et climat sont ingrats. Mais tout rude qu’il soit, ce territoire n’en est pas moins attachant. En tout cas, pas de quoi décourager Olivier Laporte qui a franchi le cap de l’installation à l’âge charnière de 40 ans. « J’ai toujours eu un profil très 'animalier'. Pas question pour moi de travailler dans un autre secteur que celui de l’élevage bovin », explique cet éleveur aujourd’hui âgé de 43 ans.

« À la fin de mes études, je n’avais absolument pas planifié cette installation. Bien entendu je venais régulièrement sur la ferme familiale et j’appréciais la belle évolution du cheptel grâce au travail entrepris par mon frère Patrice. » La décision s’est prise peu à peu. Le cap a été franchi en 2018 avec une installation en association avec sa mère Maryse et son frère sur le Gaec familial après avoir racheté les parts de son oncle lors du départ en retraite de ce dernier.

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2018 a été une année chargée. À l’installation et ses contraintes administratives, s’est ajoutée la construction d’une stabulation caillebotis et aire paillée pour 54 vaches suitées associée à une rangée de 38 places à l’attache sur grille pour les génisses de renouvellement d’un et deux ans. Puis l’année suivante, la reconversion d’une étable entravée en parcs paillés.

« Avec Patrice, on se complète bien. On est d’abord tous les deux des passionnés de vaches. Pour les autres tâches, chacun a sa spécialité, souligne Olivier Laporte. Pour moi, c’est davantage la recherche de nouveaux débouchés et le suivi administratif et pour lui, la gestion des surfaces fourragères et le volet machinisme. » La ligne de conduite est claire. Sans augmenter surfaces et nombre de vêlages, l’objectif est d’arriver à un maximum d’autonomie en maximisant la valeur ajoutée sur les animaux. Par exemple, de la luzerne est désormais incluse en mélange dans le renouvellement de toutes les prairies temporaires et la part des méteils fourrage a été confortée. Les surfaces en céréales avoisinent désormais 11 hectares et permettent d’être autonomes pour la litière d’autant que les bâtiments sont globalement économes en paille.

Des alternatives au marché du maigre

C’est d’abord sur la valorisation du produit associé à la diversification des débouchés que les deux frères entendent travailler. Avec un cheptel inscrit à l’Union Aubrac, les animaux reproducteurs en font partie avec en moyenne la vente d’une douzaine de mâles entre le sevrage et 15 mois, complétée par une bonne demi-douzaine de génisses du même âge et à l’occasion quelques vaches suitées. Mais c’est davantage sur le volet viande finie que l’ambition est d’accentuer les efforts, quitte s’il le faut à réduire légèrement le nombre d’UGB vaches allaitantes pour conforter celle des animaux à l’engraissement.

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Cette décision est d’abord motivée par la perte d’attractivité des marchés à l’exportation. « Le prix du maigre, on le subit. En tant qu’éleveurs nous n’avons pas de marge de manœuvre pour infléchir les évolutions du marché. Les tarifs se sont dégradés depuis mon installation. » Le prix moyen des broutards est passé, chiffres comptables à l’appui, de 1 100 euros/tête (2,75 euros/kg vif) en 2018 à 1 065 (2,66 euros/kg vif) en 2019 pour tomber à 1 044 (2,61 euros/kg vif) l’automne dernier. Année pour laquelle les croisés ont été vendus à une moyenne de 402 kg à 2,77 euros du kilo et les purs 404 kg à 2,49 euros. « Côté poids, c’était très similaire aux années précédentes. On vise 400 kg. C’est ce qui permet le meilleur compromis prix de vente par rapport au temps de présence. »

L’objectif des deux frères est donc de réduire la part du maigre destiné à l’export pour conforter celle des animaux finis à condition que ces derniers soient correctement valorisés dans le cadre de démarches qualité, de filière de proximité ou de la vente directe. Cette ambition a été confortée par l’arrivée d’Olivier au sein du Gaec, lequel a ramené des idées sur tout ce qu’il a pu voir, découvrir et apprécier sur ce volet tout au long de son passé de salarié.

Débouchés de proximité et filière qualité

« On avait 106 vêlages cette année avec 40 % de croisement et 90 % des vêlages entre le 1er décembre et le 15 janvier. » Le débouché historique en matière d’animaux finis concerne la quinzaine de génisses croisées nées chaque année sur l’élevage. « Elles sont toutes vendues entre 28 et 35 mois à des poids carcasse oscillant entre 400 et 450 kg à un boucher local qui est aussi notre cousin ! C’est pour lui largement assez lourd. Elles faisaient une moyenne de 418 kg l’an dernier mais il préférerait 20 kg de moins ! Les tarifs sont fixés à l’année (5,15 euros du kg carcasse en 2020) et sont grossièrement alignés sur celui de la démarche en IGP Fleur d’Aubrac. »

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Côté femelles de réforme, le taux de renouvellement est passé de 15 à 20 % pour conforter la proportion de celles qui pourront être valorisées dans le cadre du label rouge Bœuf Fermier Aubrac. « L’an dernier nos vaches BFA ont été vendues une moyenne de 5,05 euros du kilo pour 450 kg carcasse. Dans ces conditions, l’intérêt de finir nos femelles est d’autant plus évident que le label tire vers le haut le prix des réformes de plus de 10 ans, lesquelles ont été valorisées 4,42 euros du kg carcasse en 2020 pour un poids moyen de 401 kg. » Côté pratique, une forte proportion des vaches sont désormais finies alors qu’elles allaitent leur veau. « Cela nous permet d’avoir un lot de moins à l’herbe et de raccourcir le délai entre le dernier vêlage et leur départ pour l’abattoir. »

Vente directe sur Nîmes

Depuis l’installation d’Olivier, le Gaec s’est également lancé dans la vente directe pour quelques génisses et velles aubracs. « Une bonne partie de notre clientèle est sur l’agglomération nîmoise grâce à un contact que j’ai là-bas. Cela nous a d’ailleurs permis de refaire manger de la viande bovine à des consommateurs qui avaient cessé d’en acheter car déçus par sa qualité, souligne Olivier. Sur le sud de la France, le débouché de la vente directe est loin d’être saturé. Pour ce créneau, la difficulté est de trouver les prestataires qualifiés pour transformer les carcasses et conditionner la viande en caissettes. »

Transformer des patates en pépites

Pas d’aligot sans pomme de terre ! La spécialité locale a permis la relance de cette culture au Gaec Laporte et sur d’autres élevages proches.

Pas facile d’envisager une diversification dans les productions végétales à plus de 1 000 mètres d’altitude. À l’initiative de Bernard Bastide, restaurateur, maire de Nasbinals — village apprécié des amateurs de randonnées — et désormais président du parc naturel régional de l’Aubrac, un travail a été entrepris depuis 2018 pour relancer la culture de la pomme de terre. L’objectif était de proposer des assiettes d’aligot (recette phare de l’Aubrac à base de pomme de terre et tome de fraîche) 100 % local dans sa composition. Pour cela, la marque Pépite de l’Aubrac a été déposée pour des pommes de terre produites en Lozère sur le territoire du PNR de l’Aubrac à plus de 800 mètres d’altitude. Depuis, les « pépites » sont également proposées en vente directe, circuits courts avec des revendeurs locaux et e-commerce. « On a démarré à quatre producteurs en 2018. L’an dernier, nous étions 12 et cette année 15. Il y a surtout beaucoup de jeunes. À 43 ans, je suis pratiquement le doyen ! », explique Olivier Laporte, également président de l’association des producteurs de pommes de terre de l’Aubrac qui gère le devenir des « pépites ». « Cela concerne en moyenne à peine un hectare par exploitation pour 140 tonnes produites en 2020 avec l’objectif d’atteindre autour de 250 tonnes par an. On s’est passionné pour ce projet. C’est d’abord une belle aventure collective. » L’objectif est de diversifier l’activité d’agriculteurs qui sont tout d’abord des éleveurs allaitants. « On travaille en groupe après avoir acheté du matériel d’occasion pour la culture et le tri. On organise des week-ends de récolte à la ferme où les consommateurs locaux participent avec vente à des prix attractifs. Cela contribue à vulgariser notre métier et nos productions. On en tire un bilan très positif. »

 

 

Initier une production de bœufs rajeunis

Pour trouver une alternative à la production de maigre, le Gaec a initié cette année à la demande d’un restaurateur local de renom une production de bœufs rajeunis avec une demi-douzaine de broutards. « On est parti sur des bœufs qui seront abattus entre 22 et 30 mois autour de 600 à 700 kg vif en retenant dans les grandes lignes l’itinéraire technique utilisé par un des élevages que j’avais en suivi quand j’étais salarié. » Dans l’idéal cela pourrait à terme concerner la quinzaine de mâles aubrac jusqu’à présent vendus maigres pour l’export.

17 ans de l’autre côté de la barrière

Après un BTS Productions animales, Olivier Laporte a démarré comme salarié à la coopérative Unicor avant d’intégrer le service Bovins Croissance de la Lozère. « J’y suis resté quinze ans. Mes meilleurs souvenirs sont d’abord les échanges avec ces éleveurs dont bon nombre sont, au fil des ans, devenus des amis. Quels que soient les élevages il y a toujours un petit quelque chose (conduite d’élevage, aménagement de bâtiment ou de parcellaire…) à retenir. Même dans les fermes plus modestes. Ce sont ensuite les réunions de groupe où on analyse en commun chiffres et résultats techniques en confrontant aussi les pratiques qui sont les plus formatrices. Dès que le collectif l’emporte, les résultats progressent. »

 
Rédaction Réussir

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