Dans le Massif central, le projet AP3C esquisse des solutions concrètes pour s’adapter aux évolutions du climat
Dans le cadre du projet de recherche AP3C mené depuis 2015, le Sidam a présenté les dernières avancées du travail de scénarisation des systèmes d’exploitation, avec l’objectif de réfléchir à leur évolution à l’horizon 2050.
Dans le cadre du projet de recherche AP3C mené depuis 2015, le Sidam a présenté les dernières avancées du travail de scénarisation des systèmes d’exploitation, avec l’objectif de réfléchir à leur évolution à l’horizon 2050.
« Les aléas climatiques que subissent nos fermes sont de plus en plus fréquents (sécheresse, gel précoce….) et sont extrêmement pénalisants financièrement. Nos parents et nos grands-parents étaient confrontés à ce type d’événement météorologique seulement une fois dans leur vie », partage Olivier Tourand, installé en polyculture élevage dans la Creuse et élu référent du projet de recherche AP3C (1) au Sidam (2).
Depuis 2015, l’organisme du réseau des chambres d’agriculture du Massif central a élaboré une méthode unique pour anticiper les conséquences du changement climatique. La qualité des prévisions d’AP3C est telle que le Sidam envisage de mettre au point, dans les mois à venir, un processus de diagnostic agroclimatique semi-automatisé à l’échelle de chaque exploitation. Les cartes sont précises à 500 mètres près et permettent un diagnostic prévisionnel des évènements à venir en 2050 sur l’exploitation. Grâce à cet outil, les conseillers pourront envisager des accompagnements individuels d’adaptation au climat et proposer des plans d’action.
« Ce que le programme AP3C nous a permis de mettre en évidence c’est la fin des 'solutions' généralisables. En effet, les bonnes adaptations d’un territoire ne le sont pas forcément pour un autre car en fonction de l’évolution climatique, du type de sol et des objectifs du système, les pistes d’adaptation seront différentes », souligne Olivier Tourand.
Plusieurs aléas sont jugés prioritaires par les professionnels : la sécheresse et les vents asséchants, la disparité des périodes de pluie, les événements extrêmes tels que la grêle, les précipitations et le vent violent, le grand froid, la diminution ou le décalage des périodes de gel et les fortes chaleurs et canicules.
Des pistes non applicables à tous les systèmes
« Les éleveurs vont devoir juxtaposer un ensemble de solutions pour limiter les effets du changement climatique sur leurs systèmes de production », précise Laurence Romanaz, chargée de mission changement climatique et pastoralisme au Sidam. « Il sera nécessaire de combiner une approche troupeau, qui va consister à en limiter les besoins ou en assurer une meilleure répartition, et une approche agronomique, qui va chercher à accroître la production fourragère par une remise en cause de l’assolement et des pratiques parcellaires », poursuit-elle.
Sur le volet agronomique, l’achat de fourrage fait partie des pistes d’adaptation esquissées, bien qu’elle ne soit pas généralisable. « Un système ne peut en effet pas reposer sur de l’achat extérieur, cela est trop périlleux, explique Olivier Tourand, avant d’ajouter : par contre, des achats ponctuels lors d’évènements climatiques majeurs sont une piste à envisager. » Au même titre que l’implantation de dérobées implantées en interculture courte (fauche - moha sorgho ou pâture - colza) et longue (méteil), l’introduction de légumineuses (luzerne, ray-grass hybride, trèfle violet) ou encore le renouvellement des prairies multiespèces en envisageant 30 % de légumineuses dans la charge de semences.
C’est le parfait exemple que les pistes d’adaptation climatiques ne sont pas applicables à tous les systèmes : « l’implantation de davantage de légumineuses peut s’y prêter dans beaucoup d’endroits. En revanche, dans des départements comme le Cantal où la densité de campagnols est forte, la mise en place d’une telle mesure est à éviter car les nuisibles en sont friands et cela contribue à leur développement », précise Olivier Tourand.
Accepter les imprévus et faire preuve de réactivité
S’agissant de la gestion des prairies, « la pratique du pâturage tournant permet, par exemple, de mieux valoriser leur potentiel. Au regard des évolutions climatiques, il faudra se montrer encore plus réactif pour récolter l’herbe suivant les périodes de pousse et ne pas rester sur des prévisions de récolte réalisées en début de saison. Il sera nécessaire de réaliser des fauches de paddock non anticipées notamment, éviter le surpâturage, ou bien ne pas attendre que les herbes aient épié pour les faire pâturer… », poursuit le spécialiste. L’irrigation peut être une piste intéressante, suivant les possibilités de stocker ou de puiser l’eau. Il faut la mettre en balance avec les investissements à réaliser et la valeur ajoutée des cultures à irriguer « car il est nécessaire que le potentiel de production soit élevé vu le coût que cela représente », constate Olivier Tourand.
Fauches précoces, agrandissement de la surface fourragère principale (SFP) et diminution des surfaces en culture de vente seront des choix à piloter en fonction de chaque système d’exploitation et de son secteur géographique. « Sur une partie du territoire, la pousse de l’herbe de début d’été sera pénalisée donc il sera préférable de faire des fauches précoces avec, en plus, l’avantage de bénéficier d’une meilleure repousse et d’une meilleure qualité du fourrage récolté. Cela peut aussi être guidé par des cahiers des charges », indique l’élu référent au Sidam. Pour ce qui concerne les cultures de vente, « c’est fonction des potentiels agronomiques et de l’équilibre du système ».
Autre enjeu majeur, l’autonomie en eau. « C’est une piste à travailler pour chacun », ajoute Olivier Tourand. Coût, temps passé, autonomie, et bilan carbone sont à prendre en compte dans cette équation de l’eau.
Limiter les facteurs d’improductivité
L’approche troupeau joue également un rôle considérable. Savoir détecter les animaux non gestants afin de les réformer au plus vite est l’une des premières pistes pour limiter les facteurs d’improductivité. L’âge au 1er vêlage est une autre piste intéressante à creuser mais il est aussi fonction du potentiel génétique des animaux. Quant à moduler la répartition des périodes de vêlage à l’automne ou au printemps, « ce changement de stratégie se gère au niveau du système car il peut avoir une incidence sur les stocks », reconnaît Olivier Tourand. Il faut aussi tenir compte de la charge de travail au fil de l’année, des capacités de logement sur la ferme et des conséquences sur la complémentation et les périodes de vente. Enfin, allouer des investissements pour améliorer le bien-être des animaux est une stratégie gagnante selon l’expert, car elle va limiter les jours d’improductivité.