[Covid 19] Le gouffre se creuse entre prix à la production et à la distribution
Alors que la consommation se tient grâce au bon niveau des achats de haché, en particulier en grande distribution, le prix du bétail fini est très mal orienté. La Fédération Nationale Bovine et la Confédération Paysanne se rejoignent pour inciter les éleveurs à retenir les animaux en ferme pour dénoncer le gouffre qui se creuse entre prix à la production et à la distribution.
Alors que la consommation se tient grâce au bon niveau des achats de haché, en particulier en grande distribution, le prix du bétail fini est très mal orienté. La Fédération Nationale Bovine et la Confédération Paysanne se rejoignent pour inciter les éleveurs à retenir les animaux en ferme pour dénoncer le gouffre qui se creuse entre prix à la production et à la distribution.
Allaitantes ou laitières, le prix des vaches recule depuis trois semaines. « En semaine 15, les cours des réformes ont nettement baissé, tranchant avec leur hausse saisonnière en temps normal. Le pic de prix habituel à Pâques pour les meilleures conformations a été de courte durée. Le cours de la vache U a perdu 10 centimes par kg de carcasse en une semaine pour revenir à 4,38 €/kg (-7% /2019 et +1% /2018). Les autres cotations ont poursuivi leur repli. La vache R a perdu 3 centimes, à 3,71 €/kg éc (-3% /2019 et +1% /2018). La cotation de la vache O a perdu 2 ct après la chute de 8 cts en semaine 14, à 2,92 €/kg éc (-9% /2019 et -7% /2018). » constate l’Institut de l’élevage en prenant pour référence les cotations France Agrimer.
Ces cotations « officielles » semblent cependant être à des niveaux bien au-delà de ce qui est réellement pratiqué sur le terrain. L’analyse des grilles d’achat de certaines Organisations de Producteur confirme un fort décalage entre les chiffres France Agrimer et ce qui est proposé dans les cours de ferme. Pour des vaches Charolaises, les tarifs en semaine 15 étaient plus proches de 3,65 € du kg carcasse pour des U de moins de 10 ans et de 3,30 pour des R de plus de 10 ans. Une nouvelle dégringolade qui suscite tout autant la colère que le dégoût et même l’écoeurement de la part des éleveurs. Une situation d’autant plus incompréhensible que la grande distribution communique généreusement sur les ondes pour souligner tout son soutien aux éleveurs français alors que dans les faits, tout laisse à penser -au moins en viande bovine- que l’écart entre les prix à la production et à la distribution n’a jamais été aussi important.
Retenir les animaux en ferme
C’est ce constat qui a incité la Fédération Nationale Bovine à demander aux éleveurs de « retenir leurs animaux en ferme » en rappelant qu’elle n’avait pas de retour de la part du Ministère pour instaurer un prix minimum payé aux éleveurs, à hauteur de leur coût de production. « Le maintien des animaux en ferme est une décision difficile à prendre pour les éleveurs, car nous avons à coeur de continuer à proposer aux citoyens des viandes de qualité. Mais c’est aussi, malheureusement, la seule option qui nous reste, aujourd’hui. » estime Bruno Dufayet son Président. Cette décision est soutenue par la Confédération Paysanne, laquelle souligne que « cette action ne vise en aucun cas à mener le pays vers la pénurie, mais bien à alerter au sujet d'une situation devenue intenable pour les éleveur.euse.s. » Et de dénoncer elle aussi « le chantage financier inacceptable exercé par les industriels auprès des éleveurs » et d’en appeler « à la responsabilité des politiques comme de l'ensemble des acteurs économiques. Du fait de la crise, la demande et la consommation en viande ont évolués, il est vrai. Les volumes consommés restent toutefois importants. Or les industriels et la grande distribution continuent leurs pratiques malsaines de baisse des prix, en achetant aux producteur.trice.s bien en deçà du prix de revient. Ce faisant, ils mettent en péril la viabilité des élevages sur tout le territoire. »
Des ventes toujours soutenues
Cette dégringolade en ferme du prix des animaux finis est d’autant plus incompréhensible que les volumes de viande bovine vendus affichent une belle dynamique, en particulier dans la grande distribution où le chiffre d’affaire de l’ensemble du secteur alimentation a été subitement dopé par le confinement des français. Le quasi-arrêt des repas pris en Restauration Hors Foyer les oblige à prendre la quasi-totalité de leurs repas à domicile.
« Depuis le début de l’épisode de pandémie, les achats de viandes hachées de toutes espèces ont bondi en frais, et encore plus en surgelé. Une fois les stocks initiaux constitués par les ménages, les achats de surgelés sont ensuite un peu retombés mais restent soutenus. Ainsi, les ventes de haché surgelé ont progressé au total de +75%/2019 entre les semaines 11 et 14, tandis que les achats de viande hachée réfrigérée augmentaient elles de +33% /2019. » souligne l’Institut de l’élevage. Le volume des achats pour les viandes piécées est lui aussi en progression mais dans une moindre mesure.
Après un léger recul en semaine 13 et 14, l’indicateur hebdomadaire de Normabev indique qu’en semaine 15, les abattages de gros bovins ont rebondi de 11% par rapport à la semaine précédente, dont +13% pour les vaches de type viande et +8% pour les vaches laitières. « La progression des abattages est en phase avec la consommation » souligne Guy Hermouet, président de la section gros bovins d’Interbev. « La consommation de viande bovine par les ménages répond bien, elle fait partie des produits qui s'en sortent le mieux ! Depuis la semaine 15 (du 6 au 12 avril), le rayon viande a repris une physionomie plus estivale avec le retour des grillades et de meilleures ventes pour les faux-filet et les entrecôtes. » Guy Hermouet confirme toutefois la proportion sensiblement plus importante de muscles qui ont terminé dans un hachoir et non tranché dans des barquettes. Cette proportion aurait en moyenne avoisiné 70% fin mars début avril contre 56% en 2017, année où ce chiffre avait été précisément établi par l’Institut de l’élevage à partir de données communiquées par les principaux acteurs de l’aval. Cette proportion de 70% serait bien entendu plus importante pour les carcasses de laitières et forcément un peu moindre pour les allaitantes avec pour ces dernières de grosses nuances selon l’âge, la race, le compromis poids/conformation et le niveau de finition.