Construire un partenariat céréalier-éleveur équilibré
La confiance mutuelle et l’existence de bénéfices réciproques constituent des conditions sine qua non pour installer dans la durée des échanges entre exploitations de grandes cultures et d’élevages.
La confiance mutuelle et l’existence de bénéfices réciproques constituent des conditions sine qua non pour installer dans la durée des échanges entre exploitations de grandes cultures et d’élevages.
Diverses coopérations peuvent être mises en place entre deux ou plusieurs exploitants (échanger ou mettre en commun du foncier agricole du matériel et/ou travaux agricoles, échanges paille/fumier, pâturage d’intercultures par les animaux d’un éleveur voisin, introduction de légumineuses fourragères dans une rotation céréalière à destination d’un éleveur, production de protéagineux en pur ou en associations pour un éleveur). Mettre en place un partenariat implique de modifier ses habitudes, de prendre en considération les attentes, les besoins et les contraintes des différentes parties, ce qui n’est pas toujours simple.
Une histoire d’humains
Construire des relations durables nécessite d’avancer par étapes. Le projet Casdar Cer’el a ainsi permis d’élaborer des outils et méthodes d’accompagnement pour mettre en place des partenariats pérennes entre céréaliers et éleveurs. « Dans ce cadre, les agriculteurs ont montré de multiples motivations à coopérer, spécifiques aux systèmes et objectifs de chacun. Organisation, économie et relationnel en sont les bases », souligne Anne Brunet responsable du pôle développement environnement innovation à la chambre régionale d’agriculture du Centre-Val de Loire. « La confiance et la qualité du relationnel apparaissent ainsi comme deux valeurs primordiales pour toutes formes de coopération. C’est l’humain qui prime ! Les échanges ponctuels sont par ailleurs voués à l’échec. Pour qu’une coopération fonctionne, il est nécessaire de construire des liens pluriannuels », avertit Olivier Mullier conseiller à la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher. « La proximité géographique (+/- 25 km) vient ensuite et représente une condition indispensable pour un échange pérenne », ajoute Anne Brunet. La flexibilité est le dernier élément fondamental de la réussite d’un partenariat.
Identifier les attentes de chacun
Avant de conclure un contrat avec un autre exploitant, il est essentiel de définir ses contraintes et besoins. Les décrire clairement au préalable permet d’amorcer la construction d’une relation durable et surtout déterminer si les exploitants peuvent ou non s’apporter des solutions de façon mutuelle. « Il est nécessaire de bien connaître les motivations, leviers et freins à la coopération entre agriculteurs, et de partager les points de vue », note Gaëlle De Magalhaes, conseillère à la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher.
« La réalisation d’une analyse coûts-bénéfices permet d’estimer les impacts qui découlent de la mise en place du partenariat entre exploitants, en considérant les facteurs de changement dans les systèmes. Il est important, pour un partenariat équilibré, d’évaluer un maximum d’impacts, de se poser la question des modifications que cela va engendrer sur son exploitation et de ne pas négliger les impacts non monnayables », note Anne Brunet.
Au cours de ce travail, seront jugés les impacts économiques, sociaux et environnementaux. Les retombées sur les charges de mécanisation et de personnel ne devront pas être négligées tout comme le temps investi par chacun. Il est ainsi essentiel de veiller à bien discuter des risques pris de toutes parts, de respecter les contraintes juridiques existantes et de prendre en considération l’impact sur la gestion administrative et sur les déclarations (ICPE, PAC…).
« Il est souvent préférable d’évaluer les conséquences par unité de surface ou de produit des systèmes considérés et de donner, quand cela est possible, une valeur monétaire aux incidences qui découlent du partenariat. Le bon prix sera celui qui se révèle le plus satisfaisant pour les deux parties (références, coût de production, comparaison aux prix du marché…) », ajoute la conseillère.
Dans les faits, très peu de contrats écrits
« Les conditions juridiques ne sont pas des conditions sine qua non de réussite d’un partenariat. Il faut plutôt les voir comme un aboutissement. Dans tous les cas, ce ne peut pas être l’unique solution proposée. Dans les faits, on rencontre très peu de contrats écrits. Ils peuvent être utiles au début pour instaurer un climat de confiance mais deviennent ensuite clairement secondaires », observe Olivier Mullier. En moyenne 60 % des échanges ou coopérations s’effectuent de manière informelle, sans intermédiaire ni contrat. Dans le cadre du projet Cer’el, un guide juridique a été élaboré afin de proposer des points de repère sur ce que permet ou non la loi. Il se découpe en deux idées principales. La première fait référence à la commercialisation des produits agricoles, la seconde aborde la mise en commun des moyens de production. Ce guide donne des points de vigilance et présente des modèles de contrats entre exploitations. « Les organismes extérieurs peuvent conseiller, faciliter la prise de contacts, présenter des méthodes, poser les conditions du dialogue mais il leur est interdit de donner des consignes de prix. Le développement de contrats écrits entre agriculteurs doit être accompagné, afin de garantir une certaine souplesse et de ne pas aggraver les risques de contentieux », évoque Anne Brunet.
« Quand un éleveur rencontre des difficultés, souvent la solution choisie est l’agrandissement. Or, le choix de l’échange peut être une alternative. C’est un bouleversement par rapport à l’approche actuelle. Penser collectif est la meilleure manière de pérenniser l’élevage », assure Olivier Mullier.
Pour aller plus loin
Le projet Casdar Cer’el, démarré début 2014, avait pour but de « créer les outils d’approche humaine, organisationnelle et juridique pour développer des complémentarités territoriales et des synergies locales entre systèmes spécialisés CERéales/grandes cultures et systèmes d’élevages ».
Pour faciliter la mise en place de relations céréaliers-éleveurs sur le long terme, tous les outils nécessaires sont téléchargeables sur le site de la chambre régionale d’agriculture Centre-Val de Loire, en entrant dans le moteur de recherche Cer’el. (3 fiches méthodes, 6 fiches témoignages, 1 guide juridique, 6 vidéos témoignages, 2 rapports sociologiques)
Le projet a concerné de nombreux partenaires (chambres d’agriculture, FDGeda, FDCuma, FRCivam, le lycée agricole de Vendôme, l’école d’études supérieures d’agriculture de l’ESA, la faculté de droit et sciences sociales de Poitiers et l’Institut de l’élevage).
Mise en garde
D’une manière générale, mis à part les céréales, oléagineux et protéagineux graines qui doivent obligatoirement passer par un organisme collecteur, les « échanges » de productions végétales peuvent être développés entre exploitants. La commercialisation ou la cession des effluents ne pose pas de contraintes juridiques particulières. Les fourrages s’échangent également sans contraintes juridiques.