Bâtiment d’élevage : « Le facteur humain a été placé au cœur de notre projet »
Laurent Mandron et son fils, Maxime, dans l’Yonne, ont pensé leur nouveau bâtiment de sorte qu’il réponde aux souhaits de travail de chacun, mais aussi qu’il donne envie à de futurs successeurs de se projeter sur l’exploitation quand le moment sera venu pour le père de passer la main.
Laurent Mandron et son fils, Maxime, dans l’Yonne, ont pensé leur nouveau bâtiment de sorte qu’il réponde aux souhaits de travail de chacun, mais aussi qu’il donne envie à de futurs successeurs de se projeter sur l’exploitation quand le moment sera venu pour le père de passer la main.
« Une conception simple, claire, qui soit comprise par tous et gage de résultats », voilà le leitmotiv de Laurent et Maxime Mandron, associés de la SCEA de Tameron, à Montillot dans l’Yonne. En février 2021, un an avant l’installation du fils, les éleveurs entament les réflexions de construction d’une nouvelle stabulation pour loger, à terme, 160 vaches charolaises. « Le but premier était d’assurer une installation viable et pérenne à mon fils. Je souhaitais un bâtiment fonctionnel et au goût du jour, qui garantisse les meilleures conditions de travail à Maxime et à ses éventuels futurs associés », partage Laurent Mandron qui, à dix ans de la retraite, anticipe la transmission de l’exploitation familiale.
Élaborer les plans les plus précis possibles
Après la visite de plusieurs bâtiments récents, les éleveurs esquissent les premiers plans en appui de leur conseillère à la Chambre d’agriculture de l’Yonne, Isabelle Degroote. Riches d’une collaboration de 35 ans, les liens sont de confiance. Le suivi part de la faisabilité réglementaire aux vérifications de la constructibilité du projet, jusqu’au dépôt du permis de construire. « Les démarches administratives sont tellement complexes et chronophages. Un accompagnement nous paraissait indispensable pour le dépôt des pièces justificatives en temps et en heure et l’octroi d’aides », estime Laurent.
Sur le volet technique, « une fois que les besoins des éleveurs ont été bien définis, je pousse le curseur un peu plus loin pour qu’ils envisagent les évolutions possibles dans le temps », évoque Isabelle Degroote. Dans le cas de la SCEA de Tameron, le terrain peut accueillir la construction d’une fumière et d’une contention fixe en contrebas, à l’arrière du bâtiment. « Les plans doivent être affinés au maximum. Les aménagements intérieurs, la circulation de l’éleveur et des animaux, le type de bardage, la plomberie, l’électricité, l’évacuation des eaux pluviales… tout doit être passé en revue pour chiffrer au plus juste au moment de la demande des devis », ajoute la conseillère bâtiment.
Situés dans le Vézelien, site classé à l’Unesco, les éleveurs ont dû en plus solliciter l’avis des architectes des Bâtiments de France, ce qui a nécessité quelques ajustements pour l’intégration paysagère (encaissement suffisant, bardages et pignons en bois, panneaux photovoltaïques full black sans quadrillage visible). Laurent indique qu’il n’y a eu aucune entrave au projet et témoigne même d’une « bonne coopération dès lors que les démarches sont anticipées ».
1 500 heures dédiées à l’autoconstruction
Laurent et Maxime ont ensuite privilégié des entreprises de proximité ayant « pignon sur rue » et pour habitude de travailler ensemble afin de garantir une meilleure coordination du chantier et faciliter les interventions. Les travaux se sont échelonnés sur 15 mois. Le bâtiment, d’une surface totale de 3 000 m², accueille 130 vaches suitées sous 350 panneaux. « Le projet a été avant tout pensé pour notre confort et celui de nos bêtes. Une fois ces bases posées, l’éventualité d’un projet photovoltaïque a été étudiée », retrace Laurent. L’entreprise chargée du gros œuvre, basée à moins de 60 km et aussi spécialisée dans les énergies renouvelables, a aidé sur les plans technique et administratif. « La production d’énergie (500 kilowatts crête (kWc) au total à 12,87 €/kWc) couvre une partie des frais de dépassement lié au renchérissement des prix des matériaux », témoigne Maxime.
Pour limiter les frais, les éleveurs ont également fait eux-mêmes certains travaux : une partie du terrassement, le coffrage des murs, la pose des poteaux intermédiaires et des tubulaires (barrières, cornadis, râteliers), celle des portes métalliques sur les façades latérales et donnant accès à l’extérieur (12 au total), et les canalisations. « Nous avons travaillé en tout 1 500 heures à trois, avec de l’entraide, calcule Laurent. J’estime que ça aurait occupé un salarié à temps plein durant un an. » Mais ce dernier prévient : « dès lors que les tâches sortaient de notre champ de compétences, nous avons délégué sans hésiter pour s’assurer que le travail serait bien fait ».
Le relais à une entreprise spécialisée dans les aménagements intérieurs s’est révélé particulièrement utile. Pour le système d’abreuvement, une réserve d’eau de 2000 litres, avec pompe et surpresseur de 1 000 litres, a été installée comme cuve tampon pour remédier aux tuyaux d’alimentation trop fins. Autre exemple pour le réseau électrique, un fil de cuivre de 25 de diamètre a été enterré sous une ligne de poteaux à 40 cm de profondeur, pour chasser les courants parasites et anticiper la création d’éventuelles failles souterraines en lien avec les sécheresses.
Depuis la mise en service du bâtiment en octobre 2023, les éleveurs s’estiment satisfaits. Ces derniers indiquent avoir gagné en temps de travail et en productivité. Ils ont également relevé 20 à 30 % de croît supplémentaire sur leurs veaux, pesés à leur entrée dans la nouvelle stabulation.
Chiffres clés
Côté éco
Les éleveurs ont obtenu un taux de bonification de 60 %, grâce à l’installation de Maxime en tant que jeune agriculteur et à l’implication de Laurent au sein d’un GIEE. Les aides PCAE, à hauteur de 139 000 €, ont ainsi ramené le coût à la place à 3 401 €.
Avis d’expert - Isabelle Degroote, conseillère spécialisée en bâtiment à la Chambre d’agriculture de l’Yonne
« Faciliter la circulation des hommes et des animaux »
« L’aire raclée permet d’abaisser les besoins en paille mais nécessite de disposer d’une fumière. Au-delà des contraintes réglementaires, sa mise en place permet de disposer d’une certaine souplesse dans la gestion des épandages. S’agissant du dimensionnement du bâtiment, l’allée centrale, de 6 m de large, assure un passage aisé du bol mélangeur et de la pailleuse, sans rouler sur l’alimentation. Surélevé de 40 cm par rapport à l’aire raclée, le couloir donne une meilleure visibilité sur le troupeau. Aussi, l’aire de raclage, de 4 m de large, offre un espace suffisant pour permettre aux vaches de se croiser derrière celles au cornadis. Les box de vêlage, positionnés au contact des autres lots, limitent le stress et la perte de repères. L’idéal aurait été de prévoir une case dédiée à l’infirmerie, mais les éleveurs se montrent souvent réticents compte tenu du coût déjà élevé au m². Côté circulation, le jeu de barrières et les poteaux, en partie amovibles, confèrent une bonne liberté dans l’agencement des box à veaux et des parcs de vêlage. L’installation de cornadis réglables sur le quai permet d’intervenir sur les bovins de tout gabarit. Les passages d’homme, qui traversent les parcs sur toute la longueur et en transversal depuis l’allée centrale, rendent l’accès aux lots facilité. En termes d’ambiance, le dôme transparent, le faîtage entrouvert, le bardage en claire-voie sur les façades latérales ainsi que les filets brise-vent qui s’enroulent sur les longs pans de part et d’autre du bâtiment assurent une luminosité et une ventilation suffisantes, tout en limitant les courants d’air. Enfin, l’ouverture des pignons dans la largeur facilite le curage et évite l’accumulation de fumier dans les coins. »
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