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Campagnols
Anticiper les cycles de pullulement des campagnols terrestres

Un arrêté en préparation devrait réduire la dose autorisée de bromadiolone pour lutter contre les campagnols. Cela obligera à traiter dès les premiers signes de présence et à user de moyens complémentaires.

Toutes espèces de campagnols confondues, près de quatre millions d'hectares auraient été touchés l'an dernier en France.
Toutes espèces de campagnols confondues, près de quatre millions d'hectares auraient été touchés l'an dernier en France.
© F. Alteroche

 

 

Les massifs montagneux, notamment l’Auvergne et la Franche-Comté, vivent depuis longtemps avec le campagnol terrestre (dénommé également rat taupier). De canton en canton, les pullulements cycliques ravagent d’importantes surfaces de prairies et mettent à mal l’autonomie fourragère.



De plus, phénomène nouveau, on assiste à une extension territoriale du campagnol terrestre à partir des zones traditionnelles. Ainsi, sont désormais touchées des régions comme la Bourgogne et des départements limitrophes (Allier, Loire…), la Lorraine et l’Alsace, le Limousin, le piémont pyrénéen, des vallées alpines jamais colonisées auparavant… On observe des pullulements dans des zones de plaine ou de basse altitude (300 à 400 mètres).

 


Et, comme si cela ne suffisait pas, une autre espèce de rongeur —le campagnol des champs— se met aussi à proliférer dans des zones nouvelles, comme l’Île-de-France ou le Centre. « Cela pose beaucoup de questions sur les évolutions du paysage, des pratiques culturales et du climat qui peuvent contribuer à l’extension de ces problèmes de pullulement de campagnols », remarque Denis Truchetet de la Draaf de Franche-Comté et expert national auprès du ministère de l’Agriculture sur les vertébrés nuisibles.

 

Moins de dix kilos par hectare



Dans le même temps, un changement important s’annonce dans la lutte contre ces espèces nuisibles. Un arrêté interministériel, réglementant la bromadiolone — le seul poison efficace sur les campagnols — doit être pris d’ici la fin de l’année 2012. Depuis 2007, les conditions d’emploi étaient délimitées par des arrêtés préfectoraux. Cette nouvelle réglementation va restreindre les doses autorisées afin de limiter l’impact sur la faune non cible (rapaces, renards, sangliers…), très vulnérable à cet anticoagulant. Durant l’hiver dernier, dans le Puy-de-Dôme, un arrêté préfectoral avait interdit temporairement la lutte chimique sur 22 communes suite à des mortalités importantes de rapaces (Milan Royal…) provoquées par la bromadiolone.


L’arrêté en cours de rédaction prévoit de limiter la dose de bromadiolone à moins de 10 kg par hectare (contre 20 kg actuellement), sans doute autour de 7,5 kg. Le traitement en plein ne sera plus possible. « Dans notre région, nous travaillons déjà à des doses de 4 à 5 kg par hectare, explique Fabrice Cuenot, éleveur et président de la Fredon de Franche-Comté (Fédération régionale des groupements de défense). Nous arrivons à contrôler les pullulements, mais, pour cela, il faut intervenir de façon précoce à basse densité et utiliser toute la boîte à outils des moyens de lutte. En travaillant ainsi, nous avons trouvé un équilibre par rapport à la faune sauvage non cible. L’impact est très limité. » L’utilisation de la charrue sous-soleuse pour déposer les appâts sous terre restera autorisée, mais elle ne pourra être utilisée qu’en « pointillés » pour traiter des tâches.



La charrue sous-soleuse utilisée en pointillés

 

« Il faudra anticiper la lutte et traiter dès que les premières tâches s’installeront, c’est-àdire quand il n’y a que quelques campagnols, voire quelques dizaines de campagnols par hectare. On change véritablement de braquet dans l’utilisation de la bromadiolone », résume Denis Truchetet.

 


Le seuil de 50 % d’infestation (calculé en notant la présence d’indices sur une ligne de 100 mètres), qui caractérise une parcelle déjà bien atteinte et au-delà duquel il est interdit de traiter, pourrait également être abaissé. Il fait encore l’objet de négociations. « La fixation du seuil est un compromis entre la sauvegarde des intérêts agricoles et la sauvegarde des intérêts environnementaux. Toxique pour les prédateurs du campagnol, la bromadiolone n’est sélective que par ses conditions d’emploi. Utilisée à basse densité, elle génère peu de risques », explique Denis Truchetet.

 


La Fredon de Franche-Comté est opposée à l’abaissement du seuil car le contrôle des pullulements n’est jamais total. « Il faut garder de la souplesse, affirme Fabrice Cuenot. Les éleveurs engagés en contrat de lutte précoce n’arrivent jamais à sauver la totalité de la surface : 10 à 15 % de leurs parcelles sont ravagées par les campagnols. Mais, ceux qui ne font rien sont à 80 %. Il faut conserver ce seuil de 50 % pour sauver les meubles sur les 10 à 15 % de surfaces qui ne peuvent pas être préservées. »


Avec la restriction des conditions d’usage de la bromadiolone, la maîtrise des pullulements de campagnols reposera plus que jamais sur le tryptique : surveillance des colonisations, lutte précoce, lutte collective.



« Toujours les mêmes qui traitent »



Difficile en effet de nettoyer des parcelles si, autour, les campagnols continuent à avoir la vie belle. Les pullulements sont en partie dues « à un déficit d’observation et souvent à un déficit d’engagement », admet Denis Truchetet. Lors d’une formation, des présidents de Gdon du Cantal se désolaient du manque d’intérêt des éleveurs : « Ce sont toujours les mêmes groupements qui traitent. Les gens ne viennent pas aux réunions et s’inquiètent quand ça passe le seuil de non traitement. Certains préfèrent faire venir un camion de foin plutôt que de faire de la prévention. »

 



« La difficulté sera de faire traiter les gens à la tâche, reconnaît Pierre Lestrade, technicien de la Fdgdon du Cantal. Pourtant, l’efficacité du blé empoisonné est de 95 % lorsqu’il y a peu de tâches.»

 


« La lutte contre le campagnol doit faire partie de la stratégie de conduite de l’exploitation
, résume Fabrice Cuenot. Les gens engagés dans la lutte préventive, quand ils vont voir un troupeau, ils regardent les vaches mais ils observent aussi les indices dans les parcelles. Le campagnol oblige à se réapproprier l’agronomie de nos exploitations. »



Une indemnisation des dégâts à l’étude dans la LMA

 


La Loi de modernisation agricole a prévu la création de fonds de mutualisation pour indemniser les pertes économiques liées aux aléas sanitaires et environnementaux. La profession agricole des régions concernées a engagé une démarche pour que les dégâts provoqués par le campagnol soient éligibles à l’indemnisation de ces risques.

 


Seuls accèderaient à ces aides, les éleveurs qui auraient mené activement la lutte contre le campagnol ; ils seraient indemnisés pour les surfaces qu’ils n’auraient pas réussi à préserver. Ces aides ne devraient pas voir le jour avant 2013. La Franche-Comté demande à expérimenter ces mesures pour les éleveurs engagés dans des contrats de lutte.

 



Utiliser tous les outils qui dérangent le campagnol


La Franche-Comté expérimente depuis une dizaine d’années une « boîte à outils », associant, aux côtés de la bromadiolone, plusieurs moyens de lutte pour juguler les pullulements de campagnols terrestres. « C’est le cumul de chaque méthode qui contribue à avoir une efficacité globale et permet de diminuer la lutte chimique. Mais, celle-ci reste nécessaire », explique Denis Truchetet, de la Draaf de Franche-Comté.


Une boîte à outils efficace à condition, répétons-le, d’intervenir dès que les premiers indices trahissent la présence de campagnols. Cette lutte intégrée, qui fondera le nouvel arrêté interministériel, mêle lutte chimique contre les taupes et les campagnols, piégeage, introduction de surfaces labourées, alternance fauche pâture, destruction du couvert végétal, actions favorisant l’installation des prédateurs (plantation et entretien de haies, création de perchoirs, réfection de murets en pierre…)… Autrement dit, tout ce qui dérange les rongeurs.


Des outils permettent aussi de détruire les galeries, tel que l’herbasol, un décompacteur qui effondre les galeries. L’Auvergne et la Franche-Comté expérimentent des rouleaux à plots qui imitent le piétinement par les animaux. Ces outils ont surtout l’avantage d’obliger le campagnol à trahir sa présence par de nouveaux tumuli, permettant ainsi de mieux cibler les interventions.


« VIVRE AVEC LE CAMPAGNOL TERRESTRE »


La fauche et le ramassage des refus sont un des moyens essentiels de lutte car les campagnols adorent passer l’hiver sous un couvert végétal bien dense. En Franche-Comté, une expérience va être menée à grande échelle pour réintroduire des céréales en altitude (1000 m). La « monoculture » de la prairie et l’évolution du paysage ne sont pas pour rien dans l’aggravation des cycles de pullulement.


« La généralisation des méthodes de non travail du sol provoque une recrudescence du campagnol des champs », indique également Denis Truchetet. L’élimination des taupes est aussi un moyen de prévention des pullulements car elles préparent l’arrivée des campagnols qui s’installent d’abord très discrètement dans leur réseau de galeries. « Nous avons piégé jusqu’à 150 à 200 campagnols par hectare sans le moindre indice de présence », raconte Fabrice Cuenot.


Et le président de la Fredon de Franche-Comté de conclure : « En travaillant ainsi, on peut arriver à vivre avec le campagnol terrestre et à passer les cycles de pullulement plus sereinement. » Dans le Doubs, 200 éleveurs ont signé un contrat avec la Fredon dans lequel ils s’engagent à utiliser tout ou partie de la boîte à outil. Ils s’organisent à plusieurs pour piéger, gazer les taupes, déposer des appâts… Bref, se donner du courage dans cette lutte « sans répit » contre le campagnol terrestre.

 



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