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Améliorer l’autonomie pour mieux résister aux aléas climatiques

En élevages bovins biologiques, l’optimisation de l’autonomie alimentaire est essentielle pour faire face aux aléas climatiques, annoncés comme plus fréquents et plus intenses.

Avec un réchauffement climatique annoncé à environ + 2°C d’ici 2050 (par rapport à la période 1960-1990), les exploitations agricoles devront s’adapter. Un projet Casdar, nommé Optialibio(1) a été lancé sur la période 2014-2018, visant à améliorer l’autonomie alimentaire des systèmes bovins biologiques pour renforcer leur résistance aux aléas climatiques. « L’autonomie est un enjeu considérable pour le maintien des exploitations et le développement des conversions à l’agriculture biologique. Ce programme prévoit d’apporter des réponses techniques aux problèmes d’autonomie que rencontrent les élevages biologiques bovins lait et viande pour une meilleure performance économique », explique Loïc Madeline, chef de projet Optialibio, service fourrages et pastoralisme à l’Institut de l’élevage.

Il vise cinq axes principaux. Le premier consiste à évaluer l’autonomie réelle des structures sur plusieurs années et à mesurer les impacts techniques et économiques des années climatiques défavorables. Le second, à repérer les facteurs de risques et les éléments propices à l’autonomie. Le troisième cherche à proposer des itinéraires techniques pour améliorer l’autonomie alimentaire. « Dans un quatrième temps, on envisagera la conception de systèmes alimentaires autonomes à partir des observations faites sur les systèmes existants avant de diffuser en dernier lieu les connaissances acquises. »

Une autonomie alimentaire de 95 %

Ce travail a permis de faire un état des lieux des niveaux d’autonomie alimentaire des exploitations bovins viande en agriculture biologique, des déterminants de cette autonomie, des natures des déficits alimentaires et de la sensibilité aux aléas climatiques. Les données utilisées sont issues de deux bases, celles des réseaux d’élevage Inosys et celles de la météo Safran et ce, sur treize années de 2000 à 2012. Ce sont ainsi un total de 121 exploitations bovins viande qui ont été sélectionnées sur l’ensemble du territoire (Ouest/Est/Massif-Central/Sud-Ouest) mais pas à échantillons constants. Toutes sont installées en agriculture biologique depuis au moins trois ans (conversion terminée).

Sur l’ensemble de la période, le niveau moyen d’autonomie massique de la ration totale se situe à 95 % avec une dispersion faible puisque 75 % des exploitations disposent d’une autonomie supérieure à 90 %. « On constate donc bien une stratégie d’autonomie de ces exploitations qui s’explique par une bonne adéquation entre les ressources et la production, par un cahier des charges qui demande 60 % d’autonomie et une volonté des éleveurs. Nous nous sommes penchés ensuite sur la part de production de viande autonome sur la production totale. Elle est proche de 90 % », poursuit Loïc Madeline. Par contre, elle est plus dispersée que la donnée précédente du fait d’une diversité de systèmes et d’un niveau de production (finition) différent selon si les élevages sont naisseurs, naisseurs – engraisseurs de bovins lourds (animaux de plus de trois ans) ou naisseurs-engraisseurs d'animaux jeunes et légers (veaux gras).

Une autonomie en fourrages variable selon les années

« Contrairement à ce que l’on pressentait, ce ne sont pas les naisseurs qui ont la meilleure autonomie totale, mais les naisseurs – engraisseurs d’animaux lourds. De plus, au sein de la catégorie naisseurs, la dispersion est plus forte ce qui peut se justifier par le fait que les broutards partant dans le circuit conventionnel, les éleveurs ont souvent recours à une complémentation au champ. » Pour estimer la nature des déficits alimentaires, l’autonomie totale a été décomposée en fourrages conservés et concentrés.

L’autonomie en fourrages conservés est de 90 %. « Beaucoup d’élevages sont proches de 100 %, mais ils ne sont pas autonomes de manière permanente. Des variabilités existent selon les années. On pouvait penser que les éleveurs biologiques avaient une plus grande autonomie en fourrages. »

Du côté des concentrés, l’autonomie moyenne est assez élevée puisqu’elle atteint 66 %. Toutefois, on observe une forte dispersion des résultats et on note que 25 % des exploitations sont à moins de 20 % d’autonomie, ce qui peut poser problèmes en cas d’achats de concentrés du commerce. Pour les naisseurs-engraisseurs d’animaux lourds (les plus représentatifs en bio), l’autonomie en fourrages conservés est de 90 %, celle en concentrés de 70 %, avec là encore une forte dispersion.

Par contre, on a pu constater que 7 % des exploitations ne consomment pas du tout de concentrés. Parmi celles qui y ont recours, seulement 36 % utilisent des concentrés protéiques. Et dans ce dernier cas, 75 % d’entres elles sont autonomes à moins de 10 %. Les exploitations bovins viande bio disposent d’une diversité de fourrages avec des couverts herbacés et finissent plutôt avec des céréales qu’avec du maïs.

Des différences d’autonomie selon les années

Toutes années confondues, l’autonomie totale de la ration est à 95 %. Toutefois, selon les années, des dispersions plus fortes ont été observées. C’est le cas notamment en 2003, 2005, 2010 et 2011, années climatiques défavorables à l’autonomie (année sèche ou humide). La moyenne la plus basse est en 2003 avec une perte de 5 à 6 points. A contrario, 2007 dispose d’une plus faible dispersion. Les années 2003 et 2011 ont été les plus mauvaises années en fourrages conservés, perte de 10 % environ. « L’effet année est très important, toutefois, dans nos travaux futurs, nous souhaitons voir s’il n’existe pas des impacts autres que climatiques. » En ce qui concerne l’autonomie en concentrés, les années 2008 et 2001 ont été les plus mauvaises. « Nous avons cherché un lien entre autonomie massique en fourrages par année et quantité consommée pour voir si la réponse entre années se trouvait dans les concentrés. Nous avons repéré des solutions en termes d’achat de fourrages ou de décapitalisation des animaux. »

Les rapports entre indicateurs et déterminants de l’autonomie ont ensuite été évalués. Pour l’instant, « on peut dire que l’autonomie de la ration totale s’oppose à la consommation en concentrés par UGB et à la part de maïs dans la surface fourragère principale, car elle nécessite souvent une complémentation. » L’autonomie en fourrages conservés est, quant à elle, très dépendante de la pluviométrie de printemps. Une pousse précoce et une pluviométrie régulière permettent d’atteindre une bonne autonomie. L’autonomie en concentrés est de son côté positivement liée à la diversité de l’assolement et s’oppose à la quantité de concentrés distribués par UGB, au nombre de jours échaudant, aux précipitations et à l’évapotranspiration de printemps. Les prairies temporaires vont également dans le sens d’une meilleure autonomie en concentrés, grâce à une meilleure disponibilité pour finir les animaux avec des fourrages.

« L’objectif pour la suite est de regarder année par année les exploitations autonomes ou non pour élaborer une meilleure cartographie de ce qui se passe », conclut le chef de projet.

(1) Optialibio - Optimisation de l’autonomie alimentaire et de la résistance aux aléas climatiques en élevages bovins lait et viande biologiques - est piloté par l’Institut de l’élevage dans le cadre d’un programme multipartenarial, regroupant des organismes impliqués dans le domaine de l’élevage et de l’environnement.

Prairies permanentes : davantage de résilience

« Ce travail fait apparaître que les prairies permanentes sont un meilleur vecteur d’autonomie que les prairies temporaires. Les systèmes en herbe à plus de 90 % subissent moins les aléas climatiques. Les réglages sur prairies permanentes sont plus faciles. Les systèmes avec beaucoup de prairies temporaires amènent de l’incertitude » , note Loïc Madeline, Institut de l’élevage. Ce type de cultures a un coût et on en attend un potentiel de production. Or, celle-ci est dépendante de la réussite à l’implantation et des conditions climatiques la première année. Elle peut également se dégrader plus rapidement que prévu. Dans des conditions normales, la prairie temporaire est gage de production élevée. « Donc, si l’on cale son autonomie sur des prairies temporaires, il y a plus de risques qu’avec des prairies permanentes dont on sait relativement mieux estimer ce qu’elles vont produire (pas de surenchères). Tout ce que l’on sème apporte du risque. Permanent = moins de rendement mais moins de surprises. »

À savoir

Autosysel est le pendant d’Optialibio en système conventionnel. Ce programme national sur l’autonomie alimentaire et protéique des systèmes d’élevage herbivore français bovins, ovins, caprins) durera quatre ans de 2014 à 2017. Ce dispositif vise à capitaliser les acquis disponibles afin de les rendre accessibles au conseil, de consolider les connaissances et de tester des pistes d’innovations.

Dico
Optialibio a considéré comme aléa climatique, tout événement susceptible de se produire et pouvant entraîner des dommages sur les populations, les activités et les milieux, se traduisant par des augmentations de températures, des sécheresses (chaleurs estivales), des changements du régime de précipitations (retard d’implantations…) et/ou du cycle des gelées (gelées à partir de début février).
L’autonomie alimentaire a été définie comme étant le rapport entre les aliments consommés produits sur l’exploitation et ceux consommés produits et achetés.

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