Agri-sentinelles, un réseau pour prévenir la détresse en agriculture
Détecter, alerter et réagir face à une personne en détresse, telle est la vocation du futur réseau national Agri-sentinelles.
Détecter, alerter et réagir face à une personne en détresse, telle est la vocation du futur réseau national Agri-sentinelles.
En France tous les deux jours, un agriculteur se donne la mort. Face au constat alarmant du taux de suicides en agriculture, les acteurs du monde agricole se mobilisent pour créer un réseau multipartenarial : le réseau Agri-sentinelles. Son objectif est de créer une synergie entre les dispositifs d’accompagnement existants et les acteurs qui agissent sur le terrain. Sur la base du volontariat, les professionnels, techniciens et conseillers qui les côtoient au quotidien, peuvent jouer le rôle de sentinelles. « Premiers témoins de situations de fragilité, ils seraient formés, à la fois pour repérer les agriculteurs en difficulté ou en détresse psychologique et leur faciliter l’accès à un dispositif d’accompagnement mais aussi pour réagir de manière appropriée face à cette détresse. En aucun cas, les sentinelles n’ont pour vocation à se substituer aux dispositifs existants. Le but est bien d’amplifier l’action de ces derniers et de donner les clés de la bonne attitude à adopter, en cas de situations difficiles », souligne Elsa Delanoue de l’Institut de l’élevage.
L’enjeu est double. Il s’agit de limiter le nombre de suicides mais également de sensibiliser et d’aider l’ensemble des personnes travaillant au contact des agriculteurs, face à un exploitant en situation de fragilité.
Les éleveurs de bovins particulièrement touchés
Ce projet s’inscrit dans un contexte social difficile pour les agriculteurs : « leur taux de suicides est supérieur de 40 % à la moyenne de la population française (étude de Santé publique France sur les agriculteurs de 45 à 64 ans). Le suicide en agriculture n’est pas un phénomène structurel, ni récent. Les agriculteurs se suicident plus que les autres catégories socioprofessionnelles depuis 1968. Ce qui est nouveau, c’est sa médiatisation depuis la crise laitière de 2008 », note Nicolas Deffontaines, enseignant chercheur à l’université du Havre qui a réalisé un état des lieux du suicide en agriculture, en France, dans le cadre d’une thèse, avant d’ajouter, « il existe des inégalités entre agriculteurs. Les éleveurs sont principalement concernés, plus particulièrement les éleveurs de bovins. Les petits exploitants sont également fortement touchés, ainsi que les agriculteurs plus âgés. » Une multitude de facteurs peuvent pousser les agriculteurs vers un tel acte : l’imbrication entre le travail et la famille, le poids de la transmission, l’isolement social, l’engagement dans le travail et la perte d’indépendance. Chaque année, on dénombre 150 suicides.
10 000 sentinelles potentielles
« Potentiellement sur le terrain, environ 10 000 sentinelles gravitent autour des éleveurs (techniciens, conseillers, vétérinaires, inséminateurs…). Mais les premières d’entre elles restent avant tout les éleveurs eux-mêmes », souligne Stéphane Devillers, responsable du service juridique chez Allice. Plus d’une trentaine d’organisations agricoles sont d’ores et déjà partenaires du projet et contribuent à la construction du réseau (1) avec les fonds publics du Casdar, à l’initiative d’Allice et Coop de France et animé par l’Institut de l’élevage. Il devrait être lancé début 2019. « Pour le moment, il dresse un état des lieux des acteurs impliqués dans la prévention des risques psychosociaux et recense l’ensemble des dispositifs d’aides et ressources existants », conclut Elsa Delanoue.
(1) Allice, les chambres d’agriculture, les interprofessions, les instituts techniques, la MSA, France conseil élevage, Solidarité paysans, les syndicats, Races de France, l’Ordre national des vétérinaires, Cerfrance, Coop de France, GD France, Anféia…