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L’abattoir Bodin, un leader ancré sur ses valeurs

Leader historique des volailles bio, l’abattoir-transformateur vendéen s’adapte à l’évolution rapide du marché, tout en s’appuyant sur ses valeurs fondatrices.

Yves Bodin, créateur de la société d’abattage qui porte son nom, déclarait récemment au magazine Réussir Bio (1) avoir « créé l’histoire du poulet bio », avec son père Jean, à l’élevage, et son frère Marcel, à la fabrication des aliments des volailles. C’est au début des années 80 qu’il s’est lancé dans l’abattage des poulets bio que son père produisait sans cahier des charges officiel, avec quelques éleveurs vendéens. Comme beaucoup des historiques de la bio, Jean Bodin ne voulait pas suivre le courant dominant de la production de masse. Yves Bodin, aujourd’hui responsable commercial de Bodin, avouait à Réussir Bio « avoir perdu pas mal d’argent et connu des difficultés ». Comme d’autres pionniers d’autres régions, il a créé le marché bio avec les magasins spécialisés qui émergeaient et avec les artisans bouchers. À l’époque, les industriels conventionnels ne s’intéressaient pas à ce marché minuscule. Pour se développer, Yves Bodin s’est appuyé sur le premier cahier des charges officiel bio sorti en 1992. La crise de la vache folle de 1996 a amplifié le décollage. « Au milieu des années 90, Bodin abattait tout au plus 5 000 têtes par semaine et il avait atteint ses limites, analyse Bertrand Thomas qui dirige la société Bodin depuis 2010. L’année 1997 a été un tournant, lorsque Bodin s’est rapproché du grand régional Gastronome, déjà imprégné de la culture label rouge. Cela l’a fait changer de dimension, avec des moyens financiers supérieurs et des compétences complémentaires, notamment pour la nutrition et la chaîne d’approvisionnement. » En s’inspirant du label rouge, Bodin a constitué une filière complète avec aujourd’hui 120 éleveurs répartis principalement sur quatre départements (Deux Sèvres, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Vendée), une usine d’aliment à Teillé (Loire-Atlantique) et un abattoir à Sainte Hermine (Vendée). Des poulets sont aussi abattus à Ancenis et les produits transformés sont préparés sur le site Galliance du Bignon (Loire-Atlantique).

Mix produits, mix clients et mix marques

La filière Bodin revendique 40 % de la production française. En 2018, son chiffre d’affaires a atteint près de 70 millions d’euros, multiplié par trois depuis 2010. « Pour nous adapter à toutes les évolutions, nous sommes attachés à la variété, précise Bertrand Thomas. Sur les produits (toutes les espèces, la présentation, le niveau d’élaboration), les clients (GMS, réseaux spécialisés, traditionnels et boucheries, industries alimentaires, exportation) et les marques. » Même si le poulet blanc, noir ou jaune, constitue l’immense majorité du volume, s’ajoutent la pintade, le canard, la dinde et les festifs. Caractéristique à souligner, « 90 % de nos poulets sont découpés, et ce depuis longtemps en grande partie en rapport avec le prix de paquet. Il n’y a guère que les GMS qui prennent de l’entier pour leurs marques propres, ultra-dominantes (de l’ordre de 85 % des volumes). » C’est bien la GMS qui constitue le principal débouché, mais moins qu’en conventionnel (environ 50 % des volumes au lieu de 80 % en non bio). Les autres secteurs se développent fortement, excepté la restauration commerciale et collective encore difficile à pénétrer, pour une question de prix mais aussi de mise en œuvre de produits bio simultanément avec du conventionnel. En restaurant collectif, les produits carnés sont moins achetés que les autres et la volaille présente un différentiel de prix important comparativement à la viande bovine. « Depuis longtemps, nous avons pris soin de segmenter l’offre entre les réseaux, avec du 81 jours en GMS et du 91 jours en spécialisés et tradi. » Il ne faudrait pas que le consommateur trouve pour moins cher en GMS le même produit qu’en magasin.

Pas de modèle idéal mais des convictions

Bertrand Thomas qualifie Bodin « d’opérateur intermédiaire », c’est-à-dire ni un puriste de la bio, ni un acteur de marché de masse prêt à tout pour faire du chiffre. « Ce n’est pas notre histoire et pas notre façon de diriger notre filière. Nous sommes nés des valeurs de la bio et faisons tout pour y rester. Mais on ne s’interdit pas de commercer avec les circuits conventionnels. » Comme le marché est sorti de la niche historique des circuits courts et des magasins spécialisés, Bodin répond à une attente de consommateurs achetant hors des circuits courts, c’est-à-dire à 80 % de la population. « Nous parvenons à cet entre-deux par notre manière d’être, poursuit le dirigeant. On continue à respecter l’environnement, l’animal, les éleveurs, les salariés… avec une volonté de croissance harmonieuse en accompagnant le marché et sans course aux volumes pour pousser à la consommation. Nous ne voulons pas nous enfermer dans trop de rigorisme, pourvu que les conditions de production soient cohérentes. Notre objectif, c’est d’avoir des exploitations bio à 100 %, de l’aliment 100 % bio, avec un sourcing territorial quitte à ce qu’il coûte plus cher. Tous ceux qui peuvent produire des céréales bio devraient le faire. Nous avons évolué sur les petits bâtiments mobiles, notamment eu égard au bien-être animal. De plus, on ne trouve plus beaucoup d’éleveurs qui veulent encore aller nourrir au seau. On vit avec notre histoire… » Bertrand Thomas conclut : « je n’ai rien inventé et je ne dis pas que notre modèle est le meilleur. Chacun fait comme il peut avec les armes qu’il a. Mais il doit le faire sans dénaturer la bio. »

(1) Reussir.fr/bio,
Réussir Bio, n° 1, mai-juin 2019.

Une vision de long terme

L’accélération rapide de la demande semble avoir poussé l’entreprise Bodin à une remise en cause. Comment continuer à faire croître ses volumes pour répondre à la demande du marché, sans pour autant perdre ses valeurs ? Cette remise en cause l’a conduite à s’engager en 2017 dans une démarche de responsabilité sociale et environnementale (dite RSE), baptisée Bodin 2030. C’est un plan de progrès fixant des objectifs à atteindre au plus tard en 2030. Il met en place des actions concrètes dans cinq directions : pérenniser la filière (notamment contractualiser la relation avec les éleveurs et les acheteurs), proposer des produits sains et en toute transparence (retirer des additifs alimentaires des recettes…), préserver le capital humain (améliorer les conditions de travail et les relations avec les éleveurs…), respecter l’animal (arborer tous les parcours et les rendre accessibles nuit et jour…) et préserver les ressources (réduire les consommations d’énergies et d’eau, adopter des emballages recyclables…). « La moitié de notre chiffre d’affaires est contractée de manière pluriannuelle, de manière à gérer l’entreprise de manière pérenne », illustre Bertrand Thomas. Ce plan a été audité favorablement par l’Afnor en 2018. Bodin est également une des 32 entreprises détentrices de la marque bio ED (pour entreprise durable), créée en 2014 par le Synabio, le syndicat fédérant les entreprises de la bio. Elles se sont engagées à suivre neuf engagements en faveur du développement durable (www.bioed.fr).

Cinq marques pour cinq marchés

Hormis, les produits commercialisés sous marque de distributeur en GMS, Bodin a segmenté son offre en cinq marques destinées à cinq réseaux de distribution :

-Le Bio terroir avec Le Picoreur, marque historique depuis 35 ans, destinée aux réseaux spécialisés ;
-Le Bio santé, avec Nature de France, marque réservée à la GMS ;
-Le Bio gastronomique avec Black C pour les restaurants gastronomiques et épiceries fines ;
-Le Bio professionnel, avec Bodin professionnel pour la restauration hors foyer et l’industrie de la transformation ;
-Le Bio international, avec la marque Organic2Day pour le marché européen, lancée cette année.

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