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Assolement en commun : quelles précautions pour se lancer ?

L'assolement en commun est une solution pour optimiser les moyens de production à l'échelle de plusieurs exploitations, mais comme tout projet collectif, cela nécessite une vraie réflexion pour tirer un maximum de bénéfices de ce type d’organisation.

Un projet d'assolement en commun s'inscrit dans une dynamique de groupe avec une vision partagée sur la conduite de projets.
Un projet d'assolement en commun s'inscrit dans une dynamique de groupe avec une vision partagée sur la conduite de projets.
© V. Marmuse

L’assolement en commun est une solution en agriculture pour mutualiser les moyens de production sans aller jusqu’à la constitution d’une seule entreprise. Dans un contexte de volatilité des prix, c’est un choix qui permet d’apporter de la robustesse et de la résilience pour son exploitation. Quelles que soient les raisons de ce choix, plusieurs aspects sont à bien avoir en tête.

La première motivation est souvent d’ordre économique : réduction des charges de mécanisation, économies d’échelle sur les achats d’intrants, développement de nouvelles activités… « L’idée est de s’associer pour acheter ensemble les intrants et essayer d’optimiser ses coûts et ses ventes », précise Éric Desrousseaux, expert foncier et agricole dans la Somme.

Un certain formalisme à respecter

La mise en place d’un assolement en commun nécessite la création d’une société en participation (SEP). « Il s’agit d’être dans les clous par rapport au statut du fermage et d’éviter toute résiliation de bail », prévient Thomas Herbin, ingénieur conseil du CDER, cabinet d’expertise comptable du Grand-Est. Les exploitants individuels, mais aussi ceux exerçant en société, peuvent devenir associés de la SEP afin de mettre à disposition leur foncier. « Les exploitations gardent leur autonomie juridique et fiscale mais il y a une gestion commune des assolements et des itinéraires », peut-on lire dans un guide élaboré en 2016 par les chambres d’agriculture, les Cuma du Centre, Arvalis et Gaec & sociétés.

La création d’une SEP s’accompagne de la rédaction de statuts et dans l’idéal d’un règlement intérieur pour préciser la quote-part de chaque associé, établir les modalités de décision, la répartition du travail et du résultat… « Organisation, matériel, main-d’œuvre, rémunération, investissement… c’est important de tout passer en revue lors de la constitution de la SEP, avance Éric Quineau, directeur associé du cabinet CBLExperts Fiteco. Il faut voir si on est capable de vivre ensemble avant de déménager. »

Mettre en place une clé de répartition

La société permet de mutualiser les achats d’intrants et la vente des récoltes. Il est possible d’établir des contrats avec des organismes stockeurs, « mais ces derniers ne reconnaissent pas toujours les SEP », avertit Thomas Herbin. C’est pourquoi, bien souvent, les exploitations qui font de l’assolement en commun stockent et commercialisent elles-mêmes leur production.

Les résultats sont ensuite partagés entre les associés au prorata de la surface qu’ils apportent. Une clé de répartition doit être mise en place. Elle est souvent corrélée à la surface apportée mais il faut parfois prendre en compte des différences de potentiel entre les terres apportées ou la différence de temps de travail entre les associés. La clé de répartition peut aussi être basée sur les cultures, notamment si un des associés s’est spécialisé dans une production à haute valeur ajoutée.

La SEP n’a pas de personnalité morale distincte de celle des associés. À ce titre, elle ne peut pas détenir de matériels en propre ou embaucher du personnel. « Les SEP sont complétées par une société commerciale, une Cuma intégrale ou un groupement d’employeurs », avance Thomas Herbin.

Concernant la PAC, les associés peuvent faire leur déclaration au nom de leurs structures ou bien collectivement au nom de la SEP. Dans les faits, c’est souvent la déclaration séparée qui est utilisée. Cette solution permet que chaque exploitation bénéficie de la prime sur les 52 premiers hectares. « C’est une petite usine à gaz pour retomber sur ses pattes pour activer les droits à paiement de base (DPB) », reconnaît toutefois Thomas Herbin.

Une baisse des charges de mécanisation à relativiser

Sur le papier, la mise en commun des moyens de production semble être un levier efficace pour optimiser ses coûts, notamment en baissant ses charges de mécanisation. Mais c’est plus ou moins flagrant selon les tailles d’exploitations et les systèmes. « Quand on travaille en collectif, les économies en termes de main-d’œuvre et de mécanisation sont bien présentes, mais restent modestes au regard de ce qui pourrait être attendu », constate Thomas Herbin. D’après lui, cela peut s’expliquer en partie par l’achat de matériel neuf et plus puissant. « La puissance du matériel est vraiment un aspect qu’il faut raisonner », conseille Nassim Hamiti, chargé de mission agroéquipement à la FNCuma.

Ces éléments mettent en exergue qu’un projet d’assolement en commun ne peut reposer sur des seules considérations économiques. « La constitution d’une SEP est simple à mettre en œuvre mais c’est pourtant un vrai engagement sur la durée, conclut Thomas Herbin. Une fois qu’on se lance, qu’on commence à mutualiser son matériel et ses bâtiments de stockage, le retour en arrière est compliqué. »

Une aventure humaine avant tout

L’assolement en commun comporte en effet une importante dimension humaine : mutualisation des compétences, confort de travail, temps libre, sécurisation des systèmes grâce à l’entraide« C’est avant tout une aventure humaine qui ne peut se résumer à des objectifs économiques. Au risque que cela se solde par un échec », confirme Éric Quineau. Il donne l’exemple d’un cas d’assolement en commun où les ambitions et la stratégie n’étaient pas partagées par les associés. La situation a abouti à un conflit. Pour éviter cela, mieux vaut formaliser clairement ses objectifs, tant individuellement que collectivement. « La bonne entente du groupe est très importante, souligne Thomas Herbin. C’est comme un mariage, on ne peut pas se regrouper avec le premier venu. »

Être en règle avec le statut du fermage

La mise à disposition du foncier dans le cadre d’un assolement en commun nécessite un minimum de formalisme pour être en conformité avec le statut du fermage. Le Code rural ne comprend pas explicitement de définition de l’assolement en commun mais affirme simplement la compatibilité de cette pratique avec le statut du fermage si les fermiers respectent certaines formalités. À savoir la création d’une société en participation et l’information des propriétaires bailleurs par lettre recommandée avec accusé de réception.

Intérêts et limites de l’assolement en commun

Intérêts :

- expérience humaine enrichissante ;

- conservation de l’identité juridique de chacune des exploitations et du patrimoine individuel ;

- gains de productivité ;

- sécurisation des systèmes de production.

Limites :

- montage juridique à construire ;

- déclaration PAC individuelle compliquée ;

- gestion commune nécessitant de construire des règles d’organisation rigoureuses ;

- engagement nécessaire des membres du groupe dans la durée.

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