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Les secrets de la miellée de sapin

La miellée de sapin est sans doute l’une des plus compliquée à réaliser tant elle est aléatoire et difficilement prévisible. Dans un contexte de dépérissement national et face aux reculs des surfaces de sapin, tour d’horizon des secrets de cette ressource tant recherchée.

Le sapin pectiné, principale source de miellat

Le miel de sapin est produit par les abeilles qui récoltent du miellat. Cette substance sucrée est excrétée par des insectes piqueurs-suceurs, le plus souvent des pucerons, qui se nourrissent de la sève des plantes. La production de miellat de résineux passe donc par une bonne observation de ces populations de pucerons producteurs de miellat. Le sapin blanc, aussi appelé sapin pectiné, est la source principale de miellat « de sapin ». L’épicéa est une source secondaire qui peut présenter un intérêt apicole suivant les régions. L’aire de répartition du sapin pectiné est avant tout centrée sur l’Europe de l’Est. En France, les principales zones de forêt de sapin sont les Vosges, le Jura, l’Auvergne et dans une moindre mesure les Pyrénées.

Pas de miellat sans pucerons

Ces minuscules insectes suceurs, qui mesurent de 1 à 7 mm, sont dotés de stylets qui permettent de sucer au travers de l’écorce la sève élaborée, c’est-à-dire la sève sucrée qui redescend des feuilles. Sur le sapin blanc, deux espèces sont d’importantes productrices de miellat : la lachnide verte du sapin, Cinara pectinatae dit « puceron vert » et la grosse lachnide brune foncée, Cinara confinis dit « puceron noir ». Le puceron vert se distingue par ses yeux rouges et sa grande taille de 4 à 5 mm adulte. Les mères fondatrices sont plus sombres. Le puceron noir a un corps très sombre et des yeux noirs. ll vit en colonie, située sur les troncs de quelques arbres seulement.

L’influence de la météo sur le développement des pucerons

L’éclosion des œufs des fondatrices est influencée par la hausse des températures au printemps. L’accroissement des populations est ensuite plus ou moins rapide en fonction de la météo. Les retours de froid et épisodes de gelées freinent l’apparition des fondatrices et le développement des premières générations. Cela peut même entraîner la perte d’une partie des fondatrices et fait reculer la dynamique des populations de pucerons. Cette population atteindra ainsi son pic, favorable à une miellée, à différentes dates selon les années. Quant aux températures pendant la miellée, aucune corrélation nette n’est établie, hormis le fait que des températures inférieures à 15 °C n’y soient pas favorables. Les orages peuvent provoquer des mortalités de pucerons mais de fortes pluies ou orages n’impliquent pas nécessairement l’arrêt de la miellée.

Pas de miellat sans sève

Les conditions météo influencent la production de sève élaborée par les arbres : ensoleillement, chaleurs, différences de températures entre le jour et la nuit sont autant de facteurs augmentant la qualité et l’intensité de la circulation de la sève élaborée dont se nourrissent les pucerons. Cependant, les changements de météo peuvent parfois aussi couper les miellées. Les pucerons produisent du miellat dès leur naissance. Ils sont plutôt présents sur les très jeunes et les vieux sapins. La présence des populations n’est pas liée à la hauteur des arbres.

Le comptage par « frappage »

Seul le comptage par « frappage » permet d’approcher le potentiel mellifère d’une forêt. Régulièrement pratiqué à partir de mai, il peut donner de précieux indicateurs pour détecter des zones susceptibles d’offrir une miellée. À partir de juin, ce comptage peut s’accompagner de l’observation directe des gouttelettes de miellat. Ces petites taches brillantes visibles sur les feuilles des arbres ou sur les ronces situées sous les sapins sont souvent de bon augure. Cependant, elles ne permettent pas de caractériser la quantité de pucerons présente et encore moins de prévoir la miellée. Pour toutes ces observations, il est conseillé de privilégier les lisières de forêt.

Le suivi précis de ses ruches

Une particularité de la miellée de sapin est son intensité. Une fois que celle-ci démarre, les prises de poids peuvent être vertigineuses. Il est donc important de bien suivre ses ruches et de pouvoir réagir rapidement le cas échéant. Vers la fin de la miellée, chez Cinara pectinatae, de gros pucerons verts ailés apparaissent lors des derniers cycles de reproduction : la miellée risque potentiellement de bientôt s’arrêter. Chez le puceron noir, les adultes évoluent des troncs vers les branches principales, puis vers les extrémités des branches. Une fois arrivés aux rameaux, c’est la fin de leur cycle annuel.

Méthode de dénombrement des populations de pucerons verts

Préalable indispensable : au moins 24 heures sans pluie

Matériel :

- Un morceau de bois entouré de caoutchouc

- Un carré de tissu de 60 cm x 60 cm « en creux »

Frappage :

- Frapper trois séries de cinq coups avec vigueur sur un ensemble de mêmes branches. Des aiguilles doivent tomber sur le drap. Effectuer un comptage des pucerons entre chaque série.

- Espacer chaque série d’environ une minute.

Analyse :

- Additionner le résultat des trois séries, représentant au total une surface de comptage d’un mètre carré. Au printemps, d’avril à début mai : 10 pucerons par mètre carré (p/m2), c’est prometteur. À partir de juin : il peut y avoir une miellée à partir de 30 p/m2. Pour 100 p/m², il y a probablement une miellée en cours

Au-dessus de 200 p/m² : la fin est sans doute proche. S’il n’y a plus de jeunes pucerons, la fin de la miellée est à prévoir.

Miellées plus précoces, plus courtes, plus localisées : les dégâts de la sécheresse

Les aires de sapin les plus touchées par le réchauffement climatique sont localisées à l’Est ou dans des zones de basse montagne ou de plaine, où l’eau vient à manquer en été. Si le sapin blanc apprécie la chaleur, il est en revanche sensible au gel et à la sécheresse. Alors que la miellée de sapin est habituellement considérée tardive (juillet-septembre), notons les récoltes précoces de 2020 dans le Grand Est, en mai-juin, pendant la miellée d’acacia. L’occurrence des miellées évolue également et varie selon les régions : très fréquentes en région Grand Est et dans le Jura, leurs nombres diminuent. Au contraire, en Auvergne, les miellées semblent de plus en plus fréquentes.

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