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Des cellules d’abeilles en culture in vitro

L’étude des êtres vivants peut se faire à plusieurs échelles : celle de la population, de l’individu, de l’organe, du tissu ou encore à l’échelle de la cellule. Chacune de ces échelles présente des avantages et des inconvénients.

La lignée AmE-711 présente un phénotype caractéristique des fibroblastes. Microscopie à contraste de phase (x200). Barre d’échelle = 50 µm
La lignée AmE-711 présente un phénotype caractéristique des fibroblastes. Microscopie à contraste de phase (x200). Barre d’échelle : 50 µm.
© Environmental Toxicology and Chemistry

Il est possible d’étudier in vivo les êtres vivants dans toute leur complexité en observant avec exactitude les mécanismes comportementaux, physiologiques et biochimiques sous-jacents au fonctionnement des organismes. En revanche, les études entreprises à ces échelons sont souvent coûteuses, soumises à des facteurs difficilement contrôlables et parfois mortifères (si elles impliquent le sacrifice des individus).

À l’inverse, les études in vitro s’affranchissent, elles, de la complexité des êtres vivants et ne révèlent qu’un aspect limité de leur fonctionnement, qui peut aussi être altéré par des conditions expérimentales parfois très artificielles. Cela dit elles permettent la connaissance et une grande maîtrise des facteurs influents et accordent aux expérimentateurs la possibilité de procéder à des observations rapides, spécifiques, détaillées et relativement peu onéreuses. Elles autorisent aussi la mise en place d’études de criblage haut débit permettant par exemple d’analyser à des fins thérapeutiques les actions cellulaires de plusieurs centaines de substances en un court laps de temps.

Apis mellifera in vitro

Les travaux autour de la biologie des abeilles sont pour la grande majorité des études in vivo en raison du faible effort de recherche réalisé pour développer des outils et des techniques d’étude in vitro adaptés aux abeilles. Dans ce désert, deux équipes de recherche se distinguent toutefois. La première qui travaille à l’unité Abeilles et environnement d’Inrae, à Avignon, s’est concentrée sur le développement de cultures de cellules neuronales et musculaires prélevées sur des abeilles adultes(1). Grâce à leurs approches de biologie cellulaire et d’électrophysiologie, ils ont pu montrer comment des doses sublétales de pyréthrinoïdes modifient l’activité de canaux ioniques de neurones impliqués dans l’olfaction des abeilles(2). Ils ont aussi caractérisé le mode d’action de très faible dose du chlorantraniliprol sur les myocytes et ses conséquences préjudiciables sur la locomotion des abeilles(3). Toutefois, ces cellules mises en culture ne sont plus capables de se multiplier et ont une durée de vie limitée à quelques jours.

Des cellules d’abeilles immortelles

Pour pallier ces inconvénients, une autre équipe appartenant au département d’entomologie de l’université du Minnesota (Saint Paul, USA) a développé une lignée cellulaire (AmE-711) pour ainsi dire immortelle. À partir de tissus embryonnaires d’abeille, ils ont réussi à isoler des cellules capables de se diviser perpétuellement et qui ont les caractéristiques de fibroblastes(3). Depuis 2013, la lignée AmE-711 a été utilisée pour étudier les altérations morphologiques de cellules infectées par des virus de l’abeille et comparer leur dynamique de prolifération(3). Elle a également contribué à analyser la capacité de quatre insecticides à tuer des cellules et leur faculté à induire l’expression de protéines de stress(3). Elle a aussi permis de caractériser l’effet toxique de la pyraclostrobine sur les mitochondries(3) ou encore le potentiel génotoxique du thymol(3).

Aux origines du mal

Les études in vitro aident donc à mieux connaitre l’action d’agents infectieux ou de substances chimiques sur les cellules et à anticiper les symptômes exprimés par des abeilles exposées à des facteurs de stress. Elles offrent ainsi aux chercheurs la possibilité de prédire la nature des effets sublétaux et d’expliquer l’origine des dysfonctionnements observés à l’échelle des individus.

Côté biblio

(1) Collet C., Sandoz J.-C. & Charnet P. Les abeilles face au risque toxique. 2022. CNRS Edition

(2) Kadala A., Charreton M., Jakob I., Cens T., Rousset M., Chahine M., Le Conte Y., Charnet P. & Collet C. Pyrethroids differentially alter voltage-gated sodium channels from the honeybee central olfactory neurons. PloS One 2014 9, e112194.

(3) Pour obtenir toutes les références des travaux cités dans cet article, contacter cyril.vidau@itsap-asso.fr

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