Les facteurs de réussite de la production de miel de lavande en Provence
Depuis 2009, 283 ruchers d’apiculteurs ont été suivis dans le cadre d’un observatoire sur les miellées de lavandes et lavandins dans le sud-est de la France. Il a permis de caractériser les facteurs qui influencent le plus la production de miel de lavande, et de chiffrer ces données.
En Provence, la lavande est une culture mellifère majeure : le miel de lavande représente plus de la moitié du revenu des apiculteurs, et les volumes constituent 35 % à 70 % de la production régionale totale selon les années. Au début des années 2000, de sévères diminutions des populations d’abeilles et de la récolte de miel sont observées par les apiculteurs de la région. Suite à ces constats, un observatoire de la miellée de lavande est mis en place en 2009 par l’association pour le développement de l’apiculture provençale (Adapi) et l’Inrae d’Avignon. Il vise à mieux comprendre la miellée de lavande et doit permettre d’identifier les différents facteurs qui influencent la production des colonies.
Pendant 14 années consécutives, de 2009 à 2022, des ruchers d’apiculteurs professionnels ont été suivis sur la miellée de lavande, avec notamment une estimation de la population des colonies et de la charge en varroas en début de miellée. Ce sont 5 026 colonies réparties dans 283 ruchers qui ont été suivies sur les trois principales régions de production de lavande : la Drôme provençale, le plateau de Valensole et la Montagne de Lure - plateau d’Albion (figure 1). Davantage de couvains operculés et un nombre élevé d’abeilles en début de miellée de lavande, ainsi qu’un seuil minimum de varroas sont les trois facteurs clefs dans les mains des apiculteurs pour améliorer leur productivité.
Les facteurs indispensables à la production de miel
Premier élément important : les résultats annuels de l’observatoire ne semblent pas indiquer de baisse de production dans le temps mais plutôt une fluctuation selon les années. Afin d’estimer la performance des colonies, les ruches de l’observatoire sont pesées en début et en fin de miellée afin de mesurer le gain de poids en corps et en hausses. Avec 20 kilos de gain de poids total, l’année 2022 s’inscrit notamment comme une année à faible performance, par rapport aux 26 kilos de gain de poids moyen des 14 années de l’observatoire.
Deuxième point : en moyenne, en début de miellée, 10 000 cellules de couvain operculé en plus (soit 2,5 faces de cadres Dadant) augmentent le gain de poids final de la colonie de 6,9 kilos. Ces abeilles à naître viendront renforcer la population de butineuses au cours de la miellée. Pour compléter ces chiffres, sachez que 10 000 abeilles supplémentaires (soit 2 cadres Dadant couverts d’abeilles) correspondent à 4,1 kilos de gain de poids en plus.
Par ailleurs, les effets négatifs de Varroa destructor sur le gain de poids sont également mis en évidence : au-delà de deux varroas phorétiques pour 100 abeilles (VP/100ab) en début de miellée, la colonie commence à voir sa production faiblir. Et pour chaque VP/100ab supplémentaire au-delà de cette limite, la production de la colonie est diminuée de 0,72 kilo.
Trois quarts de la production reposent sur des facteurs difficiles à maîtriser
Apporter des colonies populeuses et bien fournies en couvain operculé, avec une faible infestation en varroas, permet donc de démarrer la miellée de lavande dans les meilleures conditions apicoles possibles. Cependant, remplir ces conditions ne suffit pas pour garantir la production de miel. De nombreux facteurs échappent à l’influence des apiculteurs : conditions climatiques, complexité du paysage, diversité florale sauvage ou cultivée…
Les variations d’une année à l’autre (figure 2) reflètent principalement la disponibilité des ressources mais aussi les variations des conditions climatiques qui régissent la concentration du nectar, la capacité de butinage des abeilles et les besoins alimentaires de la colonie. L’ensemble des facteurs environnementaux seraient ainsi responsables à 75 % de la performance des colonies. Restent 25 % dans les mains des apiculteurs, qui peuvent donc optimiser la performance de leurs colonies sur la miellée de lavandes en influant sur leur structure populationnelle et leur état sanitaire.
Une forte variabilité de la production depuis 14 ans
Au cours des 14 années de cet observatoire, même s’il n’a pas été observé de tendance générale concernant la quantité de miel stockée dans les ruches, les contrastes entre les régions de production et les années sont à relever.
L’observatoire de la miellée de lavande est une expérience unique dans son ampleur et sa durée, dont la pérennité permettra d’identifier une éventuelle tendance liée au changement climatique. Pour mieux comprendre l’influence des conditions météorologiques sur la production des colonies, les prochains travaux de l’observatoire intégreront ainsi une étude des données climatiques.
Le suivi de la miellée de lavande sur le terrain
L’observatoire suit chaque année 15 ruchers de 20 ruches répartis dans les trois régions de production, dès le début de la floraison de lavande qui s’étale selon les zones de début juin à début juillet. Les ruches sont pesées en début et en fin de miellée afin de mesurer le gain de poids en corps et en hausses.
Dans chaque rucher suivi, cinq colonies sont placées sur des balances automatiques Optibee. À travers les différents ruchers de l’observatoire, un réseau de 75 balances connectées couvre donc les différentes zones de production de miel de lavande en Provence. L’observatoire repose donc sur des mesures objectives de la prise de poids des colonies pendant la miellée.
En début de miellée, la population d’abeilles et la quantité de couvain operculé sont estimées avec la méthode ColEval et des comptages de varroas permettent de mesurer le taux d’infestation en varroas phorétiques dans les colonies. Le gain de poids déterminé en fin de miellée est mis en relation avec ces paramètres populationnels et sanitaires de début de miellée. Ce jeu de données conséquent et les analyses statistiques effectuées mettent clairement en évidence l’effet positif de la quantité de couvain operculé et du nombre d’abeilles sur le gain de poids final des colonies.
Côté web
Les courbes de pesées en temps réel sont disponibles sur le site du fabriquant Optibee : adapi.optibee.fr
Le site Apimodel présente les courbes de gain de poids corrigées et permet de visualiser le gain de poids des cinq colonies d’un même rucher : http://w3.avignon.inra.fr