Le vrai ou faux de l’insémination des reines d’abeilles
Souvent considérée comme un aboutissement par les apiculteurs, cette solution de contrôle des accouplements est également suspectée de réduire les performances ou la longévité des reines… Cent ans après les premiers essais de cette pratique, nous vous proposons ici de répondre par vrai ou faux à plusieurs grandes questions !
Les reines inséminées ne sont pas faites pour produire et ne durent pas longtemps…
Faux
De manière générale on peut conclure au regard de la littérature scientifique que les reines inséminées ont des performances et une longévité égale voir supérieures aux reines fécondées naturellement (Cobey, 2007). Les reines inséminées peuvent donc être mises en production afin d’évaluer leurs performances durant une saison. Il conviendra seulement, si elles sont performantes, de les mettre ensuite à la retraite (réduction du volume de ponte) pour pouvoir les conserver le plus longtemps possible comme reproducteur.
Les reines inséminées sont toutes bonnes !
Faux
Beaucoup de facteurs peuvent affecter la performance des reines. Les pratiques apicoles comme les méthodes d’élevage de reines semblent avoir plus d’effet sur leurs performances que les techniques actuelles d’inséminations (Cobey, 2007). Malgré le choix des meilleurs parents, il est vrai que de manière générale seuls environ 20 % des reines montrent des performances à la hauteur des attentes. Mais cette remarque est également vraie pour les reines qui seraient issues de station de fécondation ! Il s’agit donc d’une problématique liée à la « loterie » génétique et non à la méthode de fécondation.
C’est une technique efficace pour le contrôle des accouplements
Vrai
L’insémination des reines d’abeilles est aujourd’hui une technique répétable et efficace pour le contrôle des accouplements. Elle garantit des performances et une longévité des reines équivalentes ou supérieures aux reines fécondées naturellement.
Le taux de réussite des inséminations est en moyenne de 90 %
Faux !
C’est très variable et il y a très peu de références scientifiques sur le sujet… d’une part parce que les données sont issues d’articles scientifiques avec très peu de reines produites (entre 5 et 30 en général) et surtout parce que les scientifiques et les inséminateurs communiquent rarement sur leurs échecs. De plus, à partir de quel moment calcule-t-on le taux de réussite ? Trois jours après insémination en boîte polonaise ? Quinze jours ou trois mois après introduction de la reine inséminée en nuclei ?
Rutner parle d’un taux de réussites moyen de 80 % (sur deux saisons et environ 1 000 reines introduites en nuclei et en ponte après 3 semaines). Par expérience, un taux de 70 à 80 % (reines en ponte après 3 semaines en nuclei) me semble plutôt correct et reflète en réalité un écart type très important c’est-à-dire des séries ratées à 20 % et d’autres exceptionnelles à 100 %. L’insémination des reines d’abeilles reste une technique, comme pour les autres animaux, soumis à une grande variabilité biologique et environnementale.
Je peux me lancer dans l’insémination de toutes mes reines de production, dès demain !
Faux
L’insémination reste une technique nécessitant beaucoup de soins et d’expérience pour obtenir des résultats satisfaisants. Il semble pour l’heure difficile d’imaginer à court terme un contrôle des fécondations par insémination pour toutes les reines de production. L’insémination est en général limitée à la production de reines pour la sélection génétique.
Avantages
- L’insémination permet de garantir à 100 % que les mâles sélectionnés utilisés sont bien ceux qui serviront à féconder la reine.
- L’indépendance de la technique vis-à-vis des conditions météo
- Elle permet de maintenir une grande diversité génétique en choisissant avec précaution les croisements. Les colonies ont une meilleure adaptabilité, productivité et survie.
Inconvénients
- Il reste difficile de trouver un inséminateur disponible et qualifié.
- Le coût d’un kit d’insémination varie entre 1 000 et 4 000 euros et le coût d’insémination d’une reine en prestation de service est compris entre 20 et 40 euros.
À la base de la réussite : la qualité des faux-bourdons
En insémination artificielle comme en fécondation naturelle, la qualité des faux-bourdons est essentielle à la production de reines fécondées de qualité. La reine doit accumuler quelques millions de spermatozoïdes viables afin de lui permettre de féconder les milliers d’œufs qu’elle peut pondre en plein cœur de la saison apicole. La qualité spermatique des faux-bourdons peut être influencée par différents facteurs comme l’exposition à des températures extrêmes ou à des pesticides (Rangel et Fisher, 2019). L’âge des faux-bourdons, le moment de la saison où ils sont élevés ainsi que les ressources nutritionnelles de la colonie peuvent également influencer la quantité et la qualité du sperme produit. Ainsi, ce sont les faux-bourdons âgés de 3 semaines qui sont habituellement utilisés pour la récolte de sperme en insémination car ils ont atteint la maturité sexuelle et produisent un volume élevé de sperme. Dans le cadre de nos travaux réalisés au Québec, la supplémentation des colonies éleveuses de mâles en sirop et en supplément de pollen a permis d’augmenter le poids et la taille des faux-bourdons ainsi que de maximiser la quantité et la qualité du sperme produit. Il est donc essentiel de s’assurer que les colonies éleveuses de faux-bourdons possèdent suffisamment de réserves de pollen et de miel afin de supporter cet élevage en insémination comme en station de fécondation.
Côté biblio
Cobey, S.W., 2007, Apidologie 38, 390 – 410.
Musin, E., Bienefeld, K., Skerka, H., et al., 2021. J. Apic. Res. 0, 1 – 9.
Plate, M., Bernstein, R., Hoppe, et al., 2019.
Rangel, J., & Fisher, A., 2019, Apidologie, 50 (6), 759-778.
Rousseau, A., Fournier, V., Giovenazzo, P., 2015. Can. Entomol. 147, 702 – 711.