Une occasion à saisir pour repenser la PAC
Le président de la FNSEA estime que l’Europe doit rapidement engager une réflexion stratégique sur les orientations de son agriculture, notamment dans le cadre de la PAC post-2020, pour éviter de faire du Brexit un signe avant-coureur du délitement profond de l’Union européenne.
Si le choix de quitter l’Union européenne, acté par le Royaume-Uni le 23 juin, aura des répercussions encore difficiles à mesurer, la FNSEA s’inquiète d’une dislocation potentielle de l’Europe et incite à saisir cette opportunité pour réfléchir aux fondamentaux de la PAC, a expliqué son président Xavier Beulin le 29 juin. Car si elle a, pendant trente ans, répondu aux ambitions des années 1960 et 1970 (productivité, modernisation, qualité), la politique agricole commune est aujourd’hui décriée, pour ses aspects technocratiques et normatifs, par des agriculteurs européens qui souffrent par ailleurs des distorsions de concurrence induits par l’excès de subsidiarité. Alors que la prochaine PAC doit commencer en 2020, le président de la FNSEA incite à prendre les moyens et le temps nécessaires pour une véritable réflexion stratégique, quitte à prolonger la PAC actuelle au-delà de 2020. « La sortie du Royaume-Uni va prendre un temps inouï », note-t-il, « soyons raisonnables ». Avec le départ de la Grande-Bretagne, tenante d’une position très libérale, se pose, selon lui, une question de fond : la loi du marché peut-elle continuer à peser autant ?
La FNSEA porteuse d’une ambition européenne
« On porte une responsabilité dans ce Brexit », reconnaît Xavier Beulin, « on a plié pour tendre vers une PAC plus administrative, technocratique, contraignante ». Le président de la FNSEA défend aujourd’hui une Europe plus solidaire, plus collective, sans pour autant mettre de côté les identités. « Une Europe fédérale n’est pas possible », concède-t-il. Mais face à des responsables politiques qui ne prennent pas suffisamment en compte ces enjeux, comme le ministre de l’Agriculture qui se contente selon lui de « quelques mesurettes », de « rustines » insuffisantes pour résoudre les problèmes des agriculteurs aujourd’hui, Xavier Beulin sollicite ses homologues européens du Copa pour revoir à la hausse les ambitions européennes en matière d’agriculture. Avec, par exemple, un budget dédié à l’assurance pour enrayer les crises profondes, en plus des aides de base à l’hectare. Mais il s’agit aussi de « renverser le paradigme » du verdissement en le liant à « des obligations de résultats plutôt qu’à des obligations de moyens ». « Ce n’est pas avec une PAC sanction, administrative, que l’on peut faire rêver le monde agricole aujourd’hui », souligne Xavier Beulin. Il faut au contraire « refonder un projet agricole européen qui redonne du sens et de la confiance aux agriculteurs ». Alors qu’actuellement, l’agriculture est toujours « la variable d’ajustement des autres secteurs dans les négociations internationales ». La FNSEA entend donc porter une ambition de production et de compétitivité qui réponde aux exigences multiples des États membres, comme la diversité importante pour la France, mais aussi le rapport qualité-prix nécessaire aux pays du nord de l’Europe. Un objectif qui passera nécessairement par « le soutien à l’innovation, à l’investissement », précise Xavier Beulin. Le chemin reste long pour construire une stratégie commune, et si aujourd’hui l’élargissement, poussé d’ailleurs par les Britanniques, est effectif, l’approfondissement n’a pas eu lieu : « on est au milieu du gué », commente ainsi Xavier Beulin.