Matériel en commun
Un rêve en bois... déchiqueté
Une déchiqueteuse pour faire des plaquettes de bois est disponible depuis la fin du mois de février. L’occasion de valoriser son branchage et de produire une énergie propre.
Faites un rêve. Dans ce rêve, les habitants, les collectivités et les entreprises de la Creuse, et d'ailleurs, sont équipés de chaudières à plaquette bois à alimentation automatique pour le chauffage de leur habitation, de leur eau et de leurs installations professionnelles. Pour une habitation de taille moyenne hébergeant une famille de 4 personnes, 50 m3 de plaquettes sont nécessaires par an.
Dans ce rêve, les exploitants valorisent, et comment !, le branchage qu'ils brulaient autrefois. Ils s'inscrivent à la tournée de la déchiqueteuse organisée par la Coopérative d'utilisation du matériel agricole (Cuma) 23. Ils coupent les grandes branches des haies de leurs parcelles, qui les empêchent parfois de passer en tracteur à proximité. Puis ils préparent dans leurs champs des stocks de branchages, avec des branches allant jusqu'à 35 cm de diamètre.
Chauffage et paillage
Dans ce rêve, la déchiqueteuse arrive un jour de grand soleil sur l'exploitation de Frédéric Bouyeron, jeune agriculteur trentenaire à Saint-Yrieix-les-Bois. Elle a été fabriquée à l'UMC, l'usine de matériel creusoise, qui emploie des milliers d’ouvriers. L’usine a été spécialement ouverte pour répondre à l'énorme demande en matériel des éleveurs du département, qui n'ont plus de problèmes de trésorerie. La machine est conduite par Thierry Boisron (nom prédestiné), salarié de la Cuma 23, spécialisé dans l'utilisation du matériel. En une heure, il déchiquète au pire 15 m3, au mieux 25 m3. Les plaquettes sont accumulées dans une benne puis partent vers un bâtiment où elles sont stockées au sec, sur du béton, bien à l'abri de l'humidité. Là, pendant quatre à six mois, les micro-organismes aérobies contenus dans le bois fermentent naturellement. Cela entraîne une élévation de la température qui permet un assèchement progressif des plaquettes.
Dans ce rêve, une fois les plaquettes prêtes, Frédéric Bouyeron ponctionne la part qui lui est nécessaire pour chauffer tout ce dont il a besoin, pendant un an. Puis le reste, il le vend ! Les demandes sont énormes. Car dans ce rêve, l'engouement écologique a débordé les débats théoriques et électoraux pour s’inscrire dans la sphère économique industrielle. Les collectivités publiques s'y sont mises. Même les grandes entreprises ont décidé de rogner sur leurs bénéfices pour se chauffer à l'énergie verte. Du coup, Frédéric « exporte » des plaquettes bois en Seine-Saint-Denis, où l'on a peu de forêts... mais beaucoup de grands immeubles et d'usines à chauffer !
Mais tout cela n'est qu'un rêve... Il n'y a aujourd'hui qu'une vingtaine d'agriculteurs inscrits à la tournée en Creuse. La machine n'est pas fabriquée ici, mais en Autriche. Et les individus équipés d'une telle chaudière ne sont pas nombreux, même si on compte aussi le lycée d'Ahun et les mairies de Saint-Christophe, Pontarion et Saint-Victor au nombre des utilisateurs. Le frein à l'installation d'une chaudière à plaquette ? L'installation coûte près de 30 000 euros, ce qui est, pour le moins, douloureux pour des agriculteurs dont le commerce n'est pas florissant. Mais tout n’est pas perdu. Selon Daniel Lefour, de la Cuma 23, l'investissement est rentabilisé au bout de trois ou quatre ans, parce que c'est une énergie moins onéreuse que le bois par exemple, et aussi parce que diverses incitations sous forme de crédits d'impôts, de prêts à taux zéro ou d'aides existent. De plus, l'activité peut être intéressante aussi pour le paillage. Si l'on ajoute le fait que, selon le technicien, les temps de chantier peuvent être grandement réduits par rapport au brûlage, cela fait beaucoup d'arguments en sa faveur.
Daniel Lefour compte proposer deux tournées de déchiqueteuse par an. Alors, parions que, même sans être un rêve, ce n'est pas une idée en bois que de s'inscrire à l'une d'entre elles.
Tarif : 7 euros par m3 apparent plaquette (15 à 25 m3 de l’heure). Inscription auprès de la Fédération départementale des Cuma au 05 55 51 27 14.