Lait
Un « plan de développement » de la filière pour septembre
Le ministre de l’agriculture a accepté la mise en œuvre d’un plan de développement de la filière laitière française. La Fédération nationale des producteurs de lait a été entendue.
« Gagner la bataille de la compétitivité. » Face à l’Allemagne notamment, à la fois concurrent économique redoutable sur les marchés laitiers et partenaire politique indispensable pour la bonne marche de l’Union européenne. Les producteurs de lait de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL, branche spécialisée de la FNSEA) prennent au mot le ministre de l’agriculture. Ils ont demandé à Bruno Le Maire, lors de leur assemblée générale réunie à Lille le 15 avril, la mise en place d’un « plan d’adaptation » de la filière laitière française, afin de la rendre plus forte face à ses concurrentes européennes. Henri Brichart, le président de la FNPL, muscle le ton : la dernière rallonge de mesures, annexée par Nicolas Sarkozy à son plan de soutien de l’agriculture d’octobre 2009, est bien loin d’être suffisante. Le ministre a donc accepté l’idée et validé le lancement des travaux pour un « plan de développement de la filière ».
Les Allemands sont en effet très compétitifs et avalent les parts de marché de la France, ce qui agace la rue de Varenne ; elle va ainsi réaliser une étude comparative sur la filière lait en France et en Allemagne pour « en tirer les conséquences ». Les importations de lait liquide en provenance d’outre-rhin ont bondi de plus de 70 % en 2009… Pressé, Bruno Le Maire veut que le plan soit prêt courant septembre 2010 ; il attend les propositions de l’interprofession laitière, le Cniel, avant le 15 mai prochain. Ce plan devra « disposer des financements publics nécessaires », a-t-il encore affirmé.
Gérer l’offre dans les régions
« Nous n’avons bien entendu pas encore établi nos propositions », indique quant à lui Henri Brichart, également président du Cniel. Ce qu’entend le ministre de son côté par « plan de développement » demeure également flou. Il a simplement déclaré qu’il devra permettre d’« adapter la gestion des quotas à des stratégies définies par bassin laitier ». Bruno Le Maire privilégie le maintien d’une production laitière sur l’ensemble du territoire, passant en particulier par « une meilleure gestion de l’offre […] dans certaines régions » ; c’est pourquoi il préconise de « redistribuer les 2 % de hausse de quotas » dont la France dispose cette année pour en « faire bénéficier en priorité les jeunes agriculteurs et les récents investisseurs ». Une volonté parallèle à la mise en œuvre du plan en septembre.
Le plan devra enfin, selon le ministre, « favoriser les synergies entre les opérateurs à l’amont comme l’aval », au travers de regroupements par exemple, et « s’articuler avec le grand emprunt voulu par le chef de l’Etat ».
L’avertissement de la FNPL : le prix 2010 doit augmenter
Les producteurs de la FNPL sont satisfaits qu’un accord ait été signé avec les industriels, le 30 mars, pour le prix du lait du deuxième trimestre 2010. Mais « attention », a averti Henri Brichart, « nous en avons assez de ces entreprises dont le seul objectif est d’appuyer sur la tête des producteurs pour les maintenir au bord de la noyade ». Quelques minutes avant, le président de la FNSEA, Jean-Michel Lemétayer, avait fermement dénoncé : « Je ne comprends pas qu’au sein de la FNIL (industriels, ndlr), et pour certains à la FNCL (coopératives laitières), vous ne soyez pas capables d’imposer la même discipline qu’il y a chez les producteurs, dans vos rangs. Nous avons besoin de plus de valeur ajoutée, nous en avons marre de nous faire racketter ! ». Cinglant aussi, Henri Brichart a prévenu : « Distributeurs, transformateurs, le prix du lait aux producteurs en 2010 doit sensiblement augmenter ; il y a va de notre survie mais il y va également de votre avenir. Tenez-le vous pour dit ! ». La FNPL demande aussi que le ministre « siffle enfin la fin de la partie », et rapidement, dans le projet de rachat d’Entremont par le groupe Sodiaal.
Enfin, avant toute contractualisation dans le secteur, attendue dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture (LMA) qui arrive au Sénat le 18 mai, la FNPL réclame au préalable « d’établir un véritable rapport équilibré entre les éleveurs et le reste de la filière », via le rôle d’encadrement de l’interprofession, qui doit être dotée « d’un cadre réglementaire et opérationnel », et via une « bonne organisation » des producteurs.
La main tendue de la FNPL
L’année 2009 a vu les éleveurs de l’Association des producteurs de lait indépendants (APLI) contester durement pendant l’été l’accord conclu le 3 juin par la FNPL avec les transformateurs sur le prix du lait. Et cette contestation a laissé des traces. « L’année 2009 a été terrible sur nos exploitations et […] pour nous responsables syndicaux car, bien souvent, nous avons été blessés dans notre âme et parfois presque meurtris dans notre corps », a expliqué à Lille, grave, Henri Brichart, le président de la FNPL. Face aux tensions avec les industriels, il a néanmoins invité tous les éleveurs laitiers à « avancer ensemble ». Il va ces jours-ci proposer aux autres syndicats agricoles que sont la Confédération paysanne et la Coordination rurale « un échange » autour de la contractualisation, du prix du lait et des volumes. La FNPL réfléchit par exemple à un système privilégiant « une production de base en lien avec notre valorisation », à laquelle pourrait s’ajouter « un autre volume » positionnant les producteurs « sur les marchés des produits industriels ou les marchés en développement ».