"Tout est à refaire, et pourtant, en agriculture, on n'a pas le temps d'attendre"
Nicolas Merle président de la FDSEA de Haute-Loire s'exprime suite à la censure du Gouvernement de Michel Barnier, qui met à mal de nombreuses avancées obtenues en 2024 et notamment avec la dernière Ministre de l'agriculture Annie Genevard.
Nicolas Merle président de la FDSEA de Haute-Loire s'exprime suite à la censure du Gouvernement de Michel Barnier, qui met à mal de nombreuses avancées obtenues en 2024 et notamment avec la dernière Ministre de l'agriculture Annie Genevard.
La France n'a plus de Gouvernement après la censure de l'équipe du Premier Ministre Michel Barnier. Quel impact pour les agriculteurs ?
Nicolas Merle : La censure du Gouvernement Barnier met en difficultés de nombreux agriculteurs et l'agriculture française tout entière. On recommence à zéro pour la deuxième fois cette année après un premier arrêt cet été. Que de temps perdu… et de l'argent pour des agriculteurs qui attendent du concret.
Prenons quelques exemples (NDLR : cf les visuels en bas de page) de mesures que nous considérions comme acquises en 2024 et qui sont aujourd'hui remises en cause ou repoussées faute d'une signature de la Loi de Finances et de la Loi d'Orientation Agricole. Des mesures fiscales et sociales pouvaient amener 3 500 € sur une exploitation. La suppression de la hausse de la taxation du gazole non routier (GNR) est aussi en suspens. Toutes les promesses faites par la Ministre face à la crise sanitaire de la FCO, avec les 75 millions d'euros attendus, restent des promesses, et pendant ce temps les éleveurs ne peuvent racheter du cheptel, recapitaliser et retrouver du revenu après les pertes subies. Pour le secteur de l'élevage, les mesures en attente représentent jusqu'à 15 000 € à l'échelle d'une exploitation soit le revenu d'un exploitant.
En grandes cultures, sur la jachère on avait négocié la non mise en place des 4 % de jachère ; cette mesure est remise en question car on ne pourra pas faire la demande à l'Europe.
Quelles sont justement les conséquences vis-à-vis de l'Europe ?
N.M. : Le fait qu'on n'ait plus de Gouvernement, on ne sait pas ce que l'Europe va proposer, ce qui va être demandé. Exemple pour la jachère on avait négocié jusqu'en 2025 avec espoir de renouveler jusqu'en 2027. Autre exemple, les accords avec le Mercosur. On a vu que le lendemain de la censure du Gouvernement français, la présidente de la Commission européenne est partie en Amérique latine pour signer un accord de principe ; même s'il faut encore qu'une majorité de pays soient favorables. Avec les défaillances gouvernementales françaises, la voix de la France n'a plus le même poids ; on n'est plus écouté, l'Europe nous prend pour des rigolos…
Si on arrive, au-delà des guéguerres de partis politiques, à constituer un gouvernement qui tienne dans le temps, on pourra alors reprendre notre place et notre crédibilité au sein de l'Europe, mais il ne faut pas que dans 6 mois on recommence une censure ou une démission, ou je ne sais ce qu'on pourrait imaginer. À chaque fois qu'on n'a pas de gouvernement qu'on est en période transitoire, c'est très compliqué. Même au niveau franco-français, quand personne ne tient la barre et la barque, c'est le pouvoir administratif qui reprend le dessus et oriente la politique alors que ce n'est pas leur travail.
Cet arrêt sur image met en exergue ce que vous dénoncez depuis longtemps et en particulier depuis janvier 2024, c'est-à-dire la sur-administration et la longueur administrative…
N.M. : Oui, la Ministre aurait pu faire le choix de mettre en place des décrets pour une mise en application rapide. Elle a choisi de passer par la Loi d'Orientation Agricole ce qui prend beaucoup plus de temps. Chacun a envie de marquer son passage, et les ambitions personnelles freinent l'avancée des dossiers… Maintenant, tout est à refaire, et pourtant, en agriculture, on n'a pas le temps d'attendre.
Après l'incendie de Notre Dame de Paris, le président Macron a dit qu'il voulait la reconstruire en 5 ans, et c'est fait. Avec une vraie ambition, on arrive en 5 ans à remonter un monument historique. Mais l'agriculture, indispensable tous les jours pour tous les Français, on la laisse mourir à petits feux, sans être capable de prendre des décisions pour la sauver. Tout le monde défend la souveraineté alimentaire, tous les partis, et pourtant, tous la mettent à mal, en faisant passer les ambitions personnelles avant l'intérêt collectif.
Qu'attendez-vous aujourd'hui ?
N.M. : On attend la mise en place d'un nouveau gouvernement, en espérant qu'il sera capable de reprendre toutes les demandes de la profession agricole et de les réinscrire rapidement, voire de reprendre la LOA en l'état afin d'aller vite. Et pourquoi pas, un gouvernement qui aille même au-delà avec une véritable ambition pour l'agriculture de demain.