Selon Sandrine Chaix, “l’inclusion à tout prix est un leurre”
Interview de Sandrine Chaix que Laurent Wauquiez a promue conseillère régionale spéciale déléguée au handicap. Elle livre son point de vue sur l’insertion professionnelle.
Sandrine Chaix (Isère), membre du bureau du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, est “conseillère régionale spéciale, déléguée au handicap”. Accompagnée de ses collègues élues Angélique Brugeron et Dominique Bru, elle était jeudi 28 février et vendredi 1er mars, dans le Cantal. Rencontre.
Attachée aux Ésat(1)
Pourquoi passer deux jours dans le Cantal ?
Sandrine Chaix : “Pour prendre le temps d’aller au contact des acteurs de terrain. Ce n’est pas la première fois que je me déplace dans le département : j’étais venue à Saint-Flour, puis Aurillac pour une réunion où j’avais été un peu frustrée de ne pas pouvoir me rendre au contact du terrain. J’avais promis que je reviendrais. Je visite cette fois huit établissements ou associations qui viennent en soutien au handicap et maladies psychiques. C’est important d’entendre les préoccupations des uns et des autres. Ici, les problématiques sont marquées par la mobilité, ou le
logement.”
En quoi la Région peut-elle les aider ?
S. C. : “Même si la Région n’a pas officiellement la compétence du handicap, le président Laurent Wauquiez a souhaité que toutes les politiques mises en œuvre par la Région prennent en compte le handicap, de manière transversale. Et fin 2017, nous avons lancé un grand plan de modernisation des ésat qui se traduit par plus de 4 millions d’euros d’aides à l’investissement sur un an et un programme spécifique à l’acquisition de véhicules. Ce sont des dossiers que j’ai étudiés de manière administrative et je souhaite échanger avec eux, voir comment ils sont installés, mesurer les nouveaux besoins et découvrir quels projets ils portent.”
Une “utopie”
Essentiellement des visites d’ésat étaient au menu...
S. C. : “J’y suis très attachée. Ce sont des établissements qui font un travail remarquable à plusieurs niveaux : médico-social, avec des personnes en situation de handicap, mais aussi des acteurs de l’économie locale. Sur certains territoires, ce sont même les premiers employeurs. Je ne cache pas être très inquiète de l’évolution des modalités de financement des ésat par l’État ; j’espère que cela ne les mettra pas en difficulté. Car ils vont être soumis à des Contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (Cpom), où parmi les indicateurs, il y aura un objectif d’accompagnement en milieu ordinaire. Sauf que lorsqu’on connaît le public accueilli dans les ésat, notamment les personnes qui ont des troubles psy, on sait très bien que malheureusement, ils ne peuvent pas avoir de place en milieu ordinaire sans accompagnement humain. Et si les ésat n’atteignent pas le pourcentage d’inclusion, ils auront des pénalités financières. Or, je le répète, toutes les personnes handicapées ne peuvent pas trouver leur place en milieu ordinaire, c’est un leurre, une utopie. Évidemment, si la société était extrêmement bienveillante, chaleureuse et ouverte, ça ne m’inquiéterait pas... Mais si on est dans la vraie vie, on sait bien que ce n’est pas le cas.”
Le Cantal dynamique
Est-ce que ça ne vaut pas le coup d’essayer ?
S. C. : “Dans les troubles psy, il y a des hauts et des bas. On va faire quoi de ces gens en milieu ordinaire si aujourd’hui ils vont bien et que demain, ça ne va plus ? Ils risquent de se retrouver à la rue, seuls, sans boulot... Je suis assez inquiète. Décréter l’inclusion, c’est une erreur. Il y a des handicaps pour lesquels ça ne fonctionnera pas. Parallèlement, on va déséquilibrer le fonctionnement des ésat. Une crainte partagée par les gestionnaires des établissements. J’en profite pour saluer tout le travail réalisé par les bénévoles et leurs équipes. Je serai à leurs côtés pour les défendre, en alertant mes collègues élus, les parlementaires...”
Hors des ateliers, cinq foyers de vie(2) sont en construction dans le Cantal. Une bonne nouvelle ?
S. C. : “Il y a chez vous une vraie dynamique qui répond à de nouveaux besoins : aujourd’hui, on vieillit handicapé, ce qui n’était pas forcément le cas avant. Besoin aussi de bénéficier d’hébergements adaptés modernes. C’est la preuve que le Cantal est très investi dans le domaine du handicap et des parcours de vie.”
Propos recueillis par Renaud Saint-André
(1) Établissement et service d’aide par le travail.
(2) Boisset, Résidences Saint-Nicolas ; Ytrac ACSL’AAH ; Le Rouget, Handi-aide ; Mauriac, Adapei ; Vezac, Acap-Olmet.