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Quel est le projet de la France pour son élevage bovin viande ?

© Cyrielle Delisle

Voilà la question que tous les éleveurs du Berceau des races à viande se posent, à l'heure des arbitrages sur la répartition des aides directes de la Politique Agricole Commune pour les prochaines années.
Ce Gouvernement sera-t-il celui qui détruira le troupeau bovin allaitant français, l'un des principaux fleurons de notre agriculture, l'un des piliers de notre souveraineté alimentaire, l'un des moteurs incontournables du dynamisme de nos territoires ?
Alors que ni l'État, ni les éleveurs n'ont, à ce jour, réussi à contraindre les acteurs de la filière viande bovine à concrétiser leurs engagements collectifs pris dans le cadre des États Généraux de l'Alimentation en matière de répartition de la valeur, le Ministre de l'Agriculture pourrait en effet baisser, drastiquement, les aides couplées au cheptel de bovin viande. Comment ? En transformant l'actuelle « aide couplée à la vache allaitante » - dont dépendent entièrement la survie de nos exploitations - en une « aide à l'UGB Bovine » diluée au sein d'une enveloppe globale regroupant UGB bovins laitiers et allaitants.
Quelle est, vraiment, l'ambition d'une telle mesure ? Elle ne peut pas être, comme l'affirment plusieurs élus de la majorité, une manière d'encourager l'engraissement et de « relocaliser » cette activité sur nos territoires. Au contraire, selon les simulations réalisées par la profession sur la base des données transmises par les services du Ministère, ce sont les élevages dits naisseurs-engraisseurs qui seront les plus pénalisés, avec des baisses d'environ 40 % de leurs aides couplées !
Certains annoncent vouloir faire de cette nouvelle « aide à l'UGB Bovine » un levier pour réduire nos exportations de broutards vers l'Italie. Mais savent-ils seulement que nous engraissons déjà 600 000 jeunes bovins en France, dont la moitié part à l'export, faute de débouchés sur notre marché, puisque les consommateurs français consomment principalement des viandes issues de la voie femelle ?
La priorité ne devrait-elle pas être mise sur la recherche de nouveaux débouchés rémunérateurs pour ces animaux déjà engraissés en France, alors que leurs détenteurs sont, tout comme leurs collègues spécialisés « naisseurs », dans une situation d'extrême précarité ?
Quelle logique économique, sociale, territoriale, peut-il bien y avoir derrière cette volonté d'amener encore plus d'animaux, demain, sur un marché qui ne parvient pas, aujourd'hui, à valoriser les produits et professionnels déjà en place ?
De même, quelle logique économique, sociale, territoriale, peut-il bien y avoir derrière cette nouvelle obsession à condamner les exports de nos broutards vers l'Italie, alors même que ce marché est demandeur de nos animaux en raison de leur excellente génétique et parce qu'ils proviennent d'un modèle d'élevage herbager et durable, que le monde entier nous envie ? Certes, nous payons les frais de la mauvaise organisation des opérateurs censés valoriser nos animaux sur ce marché italien : mais la demande est là ! Elle a même progressé en 2019 et 2020. Alors, quel intérêt y-a-t-il à créer un nouveau problème structurel à notre secteur, qui a déjà bien des défis à relever par ailleurs ?
Avec cette suppression de l'aide couplée à la vache allaitante au profit d'une aide à l'UGB Bovine, n'assistons-nous pas là aux limites d'une vision de l'agriculture purement technocratique ? Nous, éleveurs, pensons qu'au commencement d'une réforme de la PAC devrait se poser la question du modèle agricole à encourager, du revenu des agriculteurs les plus fragiles à protéger, de la concordance entre productions à encourager et présence de débouchés, des « services » environnementaux et territoriaux à préserver. Or, ces considérations semblent étrangères à l'actuelle réflexion du Ministère sur la révision des aides couplées.
Car derrière cette nouvelle « aide couplée à l'UGB » il n'y a pas de cohérence, pas de projet.
Il n'y a pas d'incitation à la production, donc aucun cap en faveur de notre souveraineté alimentaire. Il n'y a pas de préservation de notre modèle d'élevage herbager, donc aucun cap vers plus de durabilité. Il n'y a pas de volonté de sécuriser les exploitations les plus en difficulté, donc aucune garantie d'éviter les drames humains, sociaux, territoriaux qui s'annoncent avec la disparition du cheptel de bovins allaitants.
Mais un sursaut est encore possible. Nous voulons continuer de nous battre et de croire, encore, en un avenir meilleur pour notre beau métier. Avec cette certitude : cet avenir ne sera possible sans le maintien, à leur niveau actuel, de nos aides couplées.

Berceau des Races à viande

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