Production laitière
Les producteurs de lait du Massif central, acteurs de leur avenir
Comment faire en sorte que dans le Massif central la valorisation du lait produit soit moins soumise aux variations erratiques d’un marché européen et mondial dérégulé ?
Malgré la crise laitière qui sévit depuis de longs mois en France, les producteurs du Massif central souhaitent construire. En dépit des difficultés, ils ont décidé de prendre leur avenir en main et de réfléchir à des solutions réalistes qui permettent d'envisager le futur avec davantage de sérénité.
C'est pourquoi, à l'initiative de la Copamac Sidam (organisation regroupant le syndicalisme jeune et aîné et les chambres d'agriculture du Massif central) un travail a été entrepris depuis le mois d'août dernier.
Comment s'organiser pour gérer la mise en marché du lait alors que l'Union européenne a abandonné les outils de régulation de la PAC et que les responsables politiques de cette même Union européenne ont décidé de la suppression des quotas en 2015 ? Comment faire en sorte que dans le Massif central la valorisation du lait produit soit moins soumise aux variations erratiques d'un marché européen et mondial dérégulé ? Comment rendre nos systèmes de productions plus performants et plus autonomes ? Comment agir pour que la réforme de la PAC annoncée à l'horizon 2013 revienne aux fondamentaux que sont la sécurisation du revenu des producteurs et la défense d'un modèle agricole et alimentaire européen basé sur des exploitations viables, vivables, présentes dans tous les territoires ? C'est sur ces questions qu'à plusieurs reprises et groupes de travail se sont réunis sous l'égide de Yannick Fialip et qu'ils continueront de le faire tout au long de l'année 2010.
Force de propositions
Certes il est difficile de travailler sur le moyen et le long terme quand on traverse une crise sans précédent. Mais c'est maintenant que les choses se préparent et qu'on peut faire en sorte qu’à l’avenir on ait des moyens efficaces de réguler les marchés et de lutter contre les variations de prix incontrôlées.
Sur la gestion des volumes comme sur la gestion du prix du lait, les producteurs doivent prendre leur destin en main. Ceux qui prétendent que l'Union va organiser la maîtrise des volumes au niveau européen font rêver les producteurs. On l'a vu depuis un an. « Pendant qu'en France on s'évertuait à maîtriser l'offre (notre pays ne produira que 90 % de son quota pour la campagne 2009/2010). Nos voisins ont produit en plus ce que nous avons produit en moins venant nous concurrencer sur nos propres marchés avec du lait à bas prix. Et en ce début d'année 2010, les autorités allemandes vont décider de redistribuer à ses producteurs les 2 % de quotas débloqués par Bruxelles. Si tel est le cas, la France sera contrainte à faire de même. Rêver que, par une maîtrise européenne de l'offre, il sera possible de payer le lait à 400 euros/tonne aux producteurs est, dans ce contexte, un rêve inaccessible.
Accord du 3 juin
Les producteurs de lait du Massif central veulent garder les pieds sur terre et agir pour que leurs propositions aboutissent et permettent enfin de générer de la valeur ajoutée, que cette valeur ajoutée soit mieux répartie entre les différents échelons de la filière et qu'au travers de la future PAC et grâce à une meilleure organisation des producteurs, on aboutisse à une véritable régulation du marché.
C'est aussi parce qu'ils entendaient garder les pieds sur terre qu'au mois de juin 2009 les organisations agricoles ont soutenu l'accord interprofessionnel qui bien sûr a entraîné une baisse du prix du lait mais qui a quand même permis aux producteurs français en général et de nos régions en particulier d'avoir un prix du lait supérieur de plus de 40 euros (15 %) à celui payé aux agriculteurs allemands.
On le voit aujourd'hui, l'accord du 3 juin 2009, hautement décrié, a permis de limiter les dégâts. Il permet d'envisager l'année 2010 avec un peu plus d'optimisme sur le front du prix du lait.
D'ailleurs, les producteurs du Massif central n'ont pas perdu tout espoir. Malgré la crise, ils ont su relever la tête, comme le démontre la progression des livraisons au cours des derniers mois de 2009 et de début 2010. Le Massif central est d'ailleurs la seule région française à connaître une telle augmentation.
Il n'empêche que la situation des producteurs est critique. Il faut proposer des solutions structurelles pour envisager un avenir meilleur. Si nous ne la faisons pas, beaucoup disparaîtront et toute la filière sera fragilisée par des marchés volatils.
Solutions concrètes
Où en sont les réflexions des producteurs du Massif central ? A l'heure où les quotas deviennent inopérants, il est nécessaire d'une part de disposer dans la PAC de filets de sécurité, d'outils assurant la préférence communautaire et d'outils de gestion des risques (comme des fonds de mutualisation). Mais au-delà, il est indispensable de gérer à l'avenir le couple volumes/prix au travers d'une organisation interprofessionnelle forte de relations contractuelles entre les producteurs et les laiteries, et d'une organisation des producteurs plus efficace.
L'idée générale est de protéger au maximum les marchés à valorisation plus forte et plus stable (comme ceux des AOC, de la bio, des produits de grande consommation) tout en laissant à chaque producteur qui le souhaite la possibilité de produire au-delà de ces volumes, sachant que ces volumes supplémentaires seraient valorisés au prix des produits industriels (sur des marchés donc plus volatils). Cette gestion différenciée des volumes et des prix se ferait au travers de contrats que les producteurs veulent négocier collectivement au niveau d'un territoire. Bien sûr, beaucoup de questions se posent aujourd'hui sur la faisabilité d'un tel système, questions sur lesquelles les producteurs entendent se pencher dans les mois à venir. Une chose est certaine : si l'on veut éviter les conséquences de la volatilité des prix des produits industriels sur les prix payés aux producteurs, y compris dans le Massif central, c'est ce type de solution qu'il faudra faire émerger.
Valorisation spécifique
Dans le même temps, il nous faut tirer les meilleurs partis possible de la spécificité des produits issus de la production laitière du Massif central. Des AOC, bien sûr, (la CVO mise en œuvre qui apporte une plus-value sur le prix du lait constitue une première avancée) mais aussi, de la dénomination montagne, de l'agriculture biologique, etc.
Une meilleure valorisation associée à une stabilisation des marchés devrait améliorer sensiblement la performance de la filière laitière régionale et donc le revenu des producteurs.
Enfin, nous devons améliorer la performance de nos systèmes d'exploitation : l'autonomie fourragère, la qualité du lait, l'augmentation des capacités de production sont autant de sujets sur lesquels nous devons travailler dès aujourd'hui avec nos outils de développement. On le voit, il y a beaucoup de pain sur la planche, mais au bout du chemin, on peut entrevoir des perspectives pour notre filière et nos exploitations laitières. Les producteurs doivent s'unir pour s'engager résolument dans la réflexion et dans la construction des outils nécessaires à assurer l'avenir.