Les entrepreneurs cumulent les écueils
Déjà deux Entrepreneurs des Territoires (EDT) du Puy-de-Dôme mettent la clé sous la porte après la fermeture de la Sucrerie de Bourdon
« L’année 2019, c’est sûr, nous allons nous en souvenir. » C’est sur un timbre de voix amer et inhabituellement morose que s’est ouverte l’assemblée générale annuelle des EDT du Puy-de-Dôme. Réunis à Riom le 6 mars pour faire état de leur activité, les échines des 37 entrepreneurs sont courbées. Entre canicule, sécheresse et fermeture de la Sucrerie de Bourdon, « on a cumulé les ennuis, pour rester poli » souligne Éric Alexandre, leur président. C’est donc sur des augures incertains qu’est lancée cette nouvelle année d’activité. Douze prochains mois d’autant plus fébriles que s’ajoutent aux tracas passés ceux de l’avenir. La pluie abondante espérée ne s’offre pas, encore une fois, à la plaine de la Limagne. Les âpres négociations avec Cristal Union se poursuivent. Le prix du matériel poursuit sa flambée comme celle du GNR et les lourdeurs administratives continuent leur régime hypercalorique. « L’année 2020 nous offre peu de perspectives ! »
Deux entrepreneurs ferment boutique
La fermeture de la Sucrerie de Bourdon est sur toutes les lèvres et pour longtemps encore. Au sein du syndicat départemental des entrepreneurs, l’activité de sept d’entre eux dépendait entièrement de la betterave sucrière. Face à l’arrêt de la production, ils n’ont eu d’autre choix que de mettre en vente leur matériel, à savoir 12 arracheuses intégrales. « Aucune n’est vendue à ce jour ! Le marché est déprécié. Aucun entrepreneur en France n’a confiance en la filière betterave. Résultat, elles ont déjà perdu 30% de leur valeur » regrette Éric Alexandre. Les difficultés économiques s’enchaînent pour les entreprises puydômoises. Plusieurs d’entre elles ont licencié leurs salariés et deux autres ont glissé la clé sous la porte. Le président des EDT 63, dont sa propre activité dépendait en majorité de la betterave, est d’autant plus en colère qu’aucun dialogue avec Cristal Union n’est possible. « La coopérative refuse toute négociation. Ses dirigeants affichent un mépris total à notre égard et n’ont même pas la décence de s’en cacher. » Soutenus par la Fédération Nationale des EDT, les entrepreneurs puydômois ne comptent pas déposer les armes. « Nous n’allons pas en rester là. »
Le casse-tête GNR
À cet événement exceptionnel s’ajoute le quotidien, et l’année 2020 promet d’être mouvementée. Les EDT 63 vont devoir faire face dans les mois à venir à beaucoup de nouveautés législatives dont certaines dignes d’un Rubix-Cube, à l’image de la nouvelle réglementation sur le GNR. Jusqu’à présent, les entrepreneurs de travaux agricoles avaient droit de rouler au GNR autrement dit « au rouge ». Des discussions et négociations ont lieu en ce moment afin qu’ils utilisent le gasoil routier dit « blanc », au même titre que les entreprises de travaux publics. Hormis la couleur et la teneur en certaines matières, cette histoire de couleur est avant tout fiscale. Les taxes et accises qui s’appliquent sur le GNR sont moins élevées que celles du gasoil routier. Se dessine alors pour les EDTs un véritable jeu de réflexion. « Selon les outils et les travaux, nous ne mettrons pas le même carburant dans nos réservoirs. Par exemple, si j’utilise un tracteur pour faire de la réfection de chemin pour la commune, je devrais rouler au blanc. A contrario, si j’emploie le même tracteur pour faire du semis chez un client, je devrais vider le réservoir pour rouler au rouge ! »
À cela s’ajoute les changements autour du remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Avant le 1er janvier 2022, date actée pour la fin de l’exonération partielle de la TICPE pour le secteur du BTP, cette taxe va être augmentée deux fois : au 1er juillet 2020 puis le 1er janvier 2021. Le secteur agricole va continuer, pendant et après cette phase de transition, de bénéficier de l’exonéra- tion actuelle. Les agriculteurs et les EDT paieront plus cher le GNR en attendant le remboursement partiel de la taxe, et ce, malgré le système d’avances mis en place par l’administration.
Mais quid de 2022 ? « Le secteur du BTP veut voir ce remboursement, dont nous bénéficions, supprimé au nom de l’égalité de traitement. L’exonération de TICPE pourrait bien disparaître » explique Éric Alexandre. Les entrepreneurs n’auront alors d’autres choix que d’augmenter leurs tarifs auprès de leurs clients. « Nous venons de passer deux années de sécheresse, plus l’arrêt de la sucrerie. Les finances de nos clients sont mal en point alors si en plus nous augmentons nos tarifs, je crains que cela ne joue en notre défaveur. Malheureusement, nous n’aurons pas le choix.»