Le déroulement des déclarations PAC « dépendra de l’après 11 mai »
Sébastien Windsor, président de l’APCA, revient pour Agra Presse sur le rôle des chambres d’agriculture dans la gestion de la crise sanitaire, en particulier sur le défi des déclarations PAC durant la période de confinement.
Les agriculteurs ont jusqu’au 15 juin pour compléter leur déclaration PAC 2020. Cette date pourra-t-elle être tenue avec un confinement prolongé au 11 mai ?
Ce prolongement n’a été une surprise pour personne, nous l’avions anticipé. La question dépendra surtout de ce qui se passera après le 11 mai. Si, après cette date, nous avons la possibilité de mener des entretiens en physique avec les agriculteurs, alors oui, la date sera respectée. Ce sera tendu, mais on fera tout pour y arriver. Nous avons déjà fait des déclarations et on voit bien qu’à distance, ce n’est pas facile. Cela nécessite un peu de réorganisation et nous avons mis en place des outils nécessaires pour cela.
C’est-à-dire ?
Il y a plusieurs cas de figure. D’abord, il y a les agriculteurs qui sont équipés, par exemple, de Mes parcelles et qui ont un bon niveau d’autonomie. Ils peuvent commencer à préparer eux-mêmes leur déclaration, en lien avec leur conseiller. Il suffira d’un rendez-vous à distance avec le conseiller pour finaliser la déclaration. Ces agriculteurs-là fonctionnaient souvent déjà comme ça avant la crise sanitaire.
Pour les autres, nous essayons de mettre en place un outil de prise en main à distance. Le technicien a la main et peut modifier la déclaration PAC en « live », en même temps qu’il parle avec l’agriculteur au téléphone. L’agriculteur voit en direct tout ce qu’il se passe. Ce système doit être piloté par l’agriculteur : une fois que la session est finie, le technicien ne peut pas reprendre le contrôle de l’ordinateur sans y avoir été invité. Notre objectif est de faire la moitié des déclarations avec cette procédure.
Et dans les cas où une déclaration à distance n’est pas possible ?
Nous maintiendrons des rendez-vous physiques pour ceux qui sont réfractaires à l’informatique, ceux qui n’ont pas un débit internet suffisant ou ceux qui nécessitent un accompagnement particulier parce qu’il y a beaucoup de changements dans leur déclaration. Nous prenons aujourd’hui des rendez-vous pour la période du 11 mai au 15 juin.
Qu’en est-il des autres missions des chambres d’agriculture ?
Les expérimentations continuent à se faire, mais avec un nombre de techniciens limité. De même, nous continuons à assurer les démarches d’installation, le centre de formalités des entreprises (CFE) et les autres missions de service public. Quant au conseil technico-économique, il se fait beaucoup plus par écrit, par mail ou avec des outils du type groupe WhatsApp. Par contre, certains sujets sont complètement arrêtés, comme la formation.
Et les projets avec les collectivités ?
Ils ont complètement changé, notamment parce que les élections municipales ont été arrêtées. Nous avons peu de projets, car les nouvelles équipes ne sont pas encore élues. Il y a moins de Projets alimentaires territoriaux (PAT), car les cantines sont fermées. Par contre, ce qu’on a eu à gérer, ce sont les marchés de remplacement à trouver en lieu et place des collectivités. Nous avons fait un gros travail d’accompagnement des producteurs en circuits courts et en vente directe. Ça a pris pas mal de temps, mais nous avons pu ouvrir de nouveaux drives, aider les producteurs à trouver de nouveaux marchés.
Quid de l’information des agriculteurs en cette période de crise sanitaire ?
Un nouveau métier est apparu : renseigner les agriculteurs qui nous appellent pour savoir quelles mesures ils peuvent utiliser. Dans toutes les régions et départements, nous avons mis en place des numéros verts ou des numéros d’accueil face à la crise. On les renvoie vers les services ad hoc, on les aide à faire le tri dans les mesures d’urgence, parfois aussi, on fait le premier remplissage du dossier, les prémices de l’accompagnement pour aller chercher telle ou telle mesure. Par exemple, si un agriculteur a besoin d’un prêt de trésorerie, on l’oriente vers sa banque en lui disant quels éléments il doit préparer ; s’il a besoin d’émarger au chômage partiel, on l’oriente vers la Direccte. Mais comme on sait qu’elles sont totalement saturées, on réalise le travail de première ligne en aidant l’agriculteur à préparer sa demande. Notre métier de base s’est un peu renforcé, en tendant vers l’orientation et le début de l’accompagnement.
Depuis le début de la crise sanitaire, la FNSEA a beaucoup communiqué. Les chambres d’agriculture participent-elles aussi étroitement qu’elle à la gestion quotidienne de la crise avec les pouvoirs publics, sur le terrain comme au plan national ?
Nous sommes évidemment associés avec les pouvoirs publics dans l’accompagnement des agriculteurs. Chacun a son rôle. Celui de la FNSEA, c’est de représenter les intérêts des agriculteurs et de défendre les filières. Le nôtre, c’est de les accompagner, de les aider, et de donner des éléments de représentation plus globale. Nous sommes très clairement associés, nous sommes présents sur beaucoup de dossiers à l’échelle nationale et locale. Par exemple, pour la réouverture des marchés, nous avons été très actifs avec le ministère de l’Agriculture. En période de crise, nous sommes surtout dans l’efficacité, ce n’est pas forcément une période où on cherche beaucoup à communiquer.
Le confinement a-t-il accéléré la numérisation des chambres ?
Oui, un peu comme tout le monde. Le confinement a accéléré notre capacité à faire du télétravail. Mais nous faisons partie des métiers qui ont besoin de maintenir de la proximité. Le travail à distance nous fait fonctionner en mode dégradé, nous n’avons pas le même niveau d’efficacité. Si nous avons réussi à nous adapter, c’est parce que nous avions déjà commencé avant la crise sanitaire à utiliser des outils numériques comme WhatsApp.
Propos recueillis par Yannick Groult